拍品專文
« L'œuvre d'art (véritable) est une métaphore de l'univers obtenue par des moyens artistiques », écrivait Theo van Doesburg en 1919, proclamant ouvertement le principe fondamental qui allait sous-tendre sa vision esthétique durant l'essentiel des dix années suivantes (‘Principles of Neo-Plastic Art’, cité in C. Harrison et P. Wood et al., Art in Theory, 1900-1990: An Anthology of Changing Ideas, Londres, 1992, p. 281).
C'est dans cette optique qu'il met au point sa peinture à l'épure emblématique et cofonde le mouvement De Stijl, groupe d'artistes et d'architectes hollandais unis par une même quête : celle d'un langage visuel universel adapté aux temps modernes.
Figure de proue du mouvement, Van Doesburg sillonne l'Europe de long en large au début des années 1920 pour promouvoir l'expression abstraite et dépouillée que préconisme ce mouvement, au gré de conférences, d'expositions et de publications. Dans le courant de la décennie, il se met toutefois à repousser, peu à peu, les limites du vocabulaire strict de formes qui avait dominé son œuvre jusqu'alors, pour propulser son art dans une direction nouvelle, plus dynamique.
Peint vers 1927-28, Contra-Composition illustre parfaitement l'évolution constante du style de Van Doesburg durant cette période charnière de sa carrière, marquée par l'étude infatigable des potentialités de l'abstraction.
En 1926, Van Doesburg publie une suite d'articles dans lesquels il suggère d'élargir les horizons austères du néoplasticisme grâce à la ligne diagonale, qu'il présente comme une expression dynamique de la vie moderne. Cette proposition, que l'artiste qualifiait d'« élémentarisme », prône essentiellement l'intégration de lignes obliques dans les compositions ; ou comment assouplir et réinventer les rigoureux préceptes néoplastiques défendus par son compatriote Piet Mondrian. Van Doesburg compte ainsi non seulement infuser son art d'une énergie inédite – une vitalité dont avaient manqué ses tableaux antérieurs aux structures strictement horizontales-verticales –, mais aussi traiter des questions cruciales liées au temps et à l'espace à travers des formes purement abstraites.
« Plutôt que de nier l'existence du temps et de l'espace, écrivait Van Doesburg, l'Élémentarisme les reconnaît comme les facteurs les plus primaires d'une nouvelle expression plastique. De la même manière que l'élémentarisme cherche à créer un rapport harmonieux entre la chose statique et la chose dynamique (le repos et le mouvement), il s'efforce également à unifier dans une nouvelle dimension les deux facteurs élémentaires que sont le temps et l'espace. Tandis que les possibilités expressives du néoplasticisme se limitent à deux dimensions (le plan), l'Élémentarisme réalise la possibilité d'une plastique en quatre dimensions, dans le champ de l'espace-temps » (‘Elementarism: Fragments of a Manifesto,’ décembre 1925-avril 1927, cité in H. Jaffé, De Stijl, New York, 1971, p. 213-214).
Comme en témoigne Contra-Composition, Van Doesburg explore les concepts centraux de l'élémentarisme à partir d'une armature orthogonale plus conventionnelle. Ici, de larges bandes noires viennent scinder la composition le long d'un axe horizontal-vertical, se croisant et se chevauchant afin de créer un maillage rythmique de rectangles et de carrés. Ininterrompues, les lignes paraissent poursuivre leur course au-delà du tableau, de même que les segments de couleur qui se déploient sur les bords du tableau semblent n'être que les fragments d'étendues de couleur plus vastes, dont l'amplitude échapperait à notre regard. Van Doesburg crée ainsi la sensation d'un espace sans fin et d'un temps continu qui s'écouleraient, indéfiniment, par-delà le tableau.
L'un des aspects les plus frappants de Contra-Composition reste toutefois le travail de la couleur, tout en nuances, et la manière dont le peintre joue ici avec les variations de tonalités pour moduler les effets des différents éléments et le rapport entre chacun d'eux.
Van Doesburg a toujours accordé une place primordiale à la couleur – en témoigne cette remarque de 1930 : « Quel est l'état suprême pour un peintre ? De se sentir lui-même couleur, d'être couleur, sans quoi l'œuvre, aussi polychrome soit-elle, reste incolore. Être couleur, être blanc, rouge, jaune, bleu, noir, c'est être peintre. Le peintre d'aujourd'hui et de demain ne peut plus se contenter de penser en couleur, il doit être couleur et se nourrir de couleur et créer une peinture en lui-même... » ('Elementarism', Paris, 13 juillet 1930, cité in H. Jaffé, op. cit., p. 238).
Au fil des années 1920, des coloris et des contrastes inattendus vont faire vibrer, de plus en plus, l'œuvre de Van Doesburg, tandis qu'il diversifie la palette primaire à laquelle il s'était précédemment restreint pour explorer la façon dont de subtiles variations de tons, de teintes et de saturation permettent de modifier la résonance de ses peintures. Ici, il glisse notamment un rectangle couleur terre cuite sur le bord droit de la toile et ose des rouges et des bleus plus profonds sur le côté gauche, baignant l'ensemble d'une sérénité et d'une richesse saisissantes.
Si Contra-Composition est une création totalement autonome, elle résonne à bien des égards avec les conceptions de l'artiste pour le réaménagement du bâtiment de l'Aubette à Strasbourg. C'est en septembre 1926 que Van Doesburg s'engage, avec Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp, dans ce projet collectif qui vise à transformer un ancien édifice militaire du XVIIIe siècle en vaste complexe de loisirs dans lequel on envisage d'installer une salle des fêtes, un cinéma, un café, un salon de thé, une salle de billiard, des restaurants et un cabaret. Van Doesburg se plonge pleinement dans cette tâche qui lui offre l'occasion unique d'appliquer ses théories de décoration abstraite à une échelle monumentale. Il se consacrera presque exclusivement à l'Aubette pendant près de dix-huit mois.
En plus de propositions pour l'enseigne et les inscriptions de la façade, l'artiste imagine les associations de couleurs qui vont habiller les cafés-brasseries du rez-de-chaussée et les deux grandes salles du premier étage. Il conçoit aussi les luminaires, les balustrades en nickel et les pièces principales du mobilier, notamment les boxes dans lesquels le public viendra s'asseoir, et soumet des idées pour les escaliers, les couloirs et autres zones de passage du bâtiment. L'agencement de Contra-Composition semble s'inspirer d'une grille de couleurs que Van Doesburg a imaginé pour l'un des murs de la grande salle des fêtes de l'Aubette (voir Hoek no. 803.IIe, 1926). En ce sens, cette toile témoigne des échos importants entre le travail pictural et architectural du Hollandais à la fin des années 1920.
En mars 1930, l'artiste suédois Otto Carlsund acquiert directement ce tableau auprès de l'artiste, influent ambassadeur des idées d'avant-garde à Stockholm durant cette période. Séduit par les principes de De Stijl à la fin des années 1920, il cofondera avec Van Doesburg le mouvement Art Concret en 1930. Il fit don de la présente œuvre à « une belle jeune femme », avant que celle-ci ne rejoigne la collection du Professeur Oscar Reutersvärd à la fin 1930 (lettre à Nelly van Doesburg, 10 octobre 1950, in E. Hoek, et al., Theo van Doesburg: Oeuvre Catalogue, Utrecht & Otterlo, 2000, p. 485) où elle demeurera pendant près de quarante ans.
"The (truly exact) work of art is a metaphor of the universe obtained with artistic means," wrote Theo van Doesburg in 1919, boldly proclaiming the central principle that would underpin his creative vision for much of the following decade (‘Principles of Neo-Plastic Art,’ reproduced in C. Harrison & P. Wood, eds., Art in Theory, 1900-1990: An Anthology of Changing Ideas, London, 1992, p. 281).
It was with this goal in mind that he developed an iconic, purist style of painting and co-founded De Stijl, a group of Dutch artists and architects united in their search for a universal visual language appropriate to the modern era. A stalwart advocate for the movement, Van Doesburg spent much of the early 1920s travelling through Europe promoting the pared-down, abstract aesthetic of De Stijl through lectures, essays and exhibitions. However, as the decade progressed, Van Doesburg began to step beyond the limits of the strict vocabulary of forms which had previously dominated his work, and push his art in a new, dynamic direction. Painted circa 1927-28, Contra-Composition is a prime example of the ever-evolving nature of Van Doesburg’s aesthetic during this key period of his career, as he continued to test the possibilities of abstraction in his work.
In 1926, Van Doesburg had published a series of articles in which he proposed an expansion of the austere visual language of Neo-Plasticism, proclaiming the diagonal line to be a dynamic element of modern life. This revision of principles, which the artist termed ‘Elementarism,’ was an attempt to moderate and modify the strictness of the Neo-Plastic dogma espoused by his compatriot Piet Mondrian, and focused on the introduction of diagonals to the composition. In this way, Van Doesburg believed his canvases would not only carry an element of dynamism which had previously been lacking in his strictly horizontal-vertical paintings, but also allow him to explore fundamental questions relating to time and space through purely abstract form.
"Rather than denying the existence of time and space," Van Doesburg wrote, "Elementarism recognizes these factors as the most elementary of a new plasticism. Just as Elementarism tries to bring the two factors, statics and dynamics (rest and movement), into a balanced relationship, so equally does it strive to combine these two elementary factors, time and space, into a new dimension. While the expressive possibilities of Neoplasticism are limited to two dimensions (the plane), Elementarism realises the possibility of plasticism in four dimensions, in the field of time-space" (‘Elementarism: Fragments of a Manifesto,’ December 1925-April 1927, reproduced in H. Jaffé, De Stijl, New York, 1971, p. 213-214).
In paintings such as Contra-Composition, Van Doesburg explores these core concepts of Elementarism within the limits of a more formal orthogonal grid structure. Here, heavy black lines cut the canvas along a horizontal-vertical axis, overlapping and intersecting to create a rhythmic pattern of rectangles and squares. The lack of a definitive end point to many of these lines suggests they continue beyond the boundaries of the canvas, while the slivers of colour visible along the edge of the canvas also appear to be merely fragments of larger elements, the extent of which remain beyond our field of vision. In this way, Van Doesburg creates an impression of infinite space and temporal continuity outside the boundaries of the painting.
One of the most striking elements of Contra-Composition, though, lies in the artist’s nuanced examination of colour within the canvas, and the manner in which he plays with tone to alter the effects of and relationship between different elements. Colour was of central importance to the artist’s aesthetic – writing in 1930, Van Doesburg proclaimed: "What is the supreme state for the painter? To feel himself as colour, to be colour, without that, the work is colourless, even though it is a medley of colour. To be colour, to be white, red, yellow, blue, black, that is to be a painter. It is not sufficient for today’s and tomorrow’s painter to think in colour, he must be colour and eat colour and make a painting in himself…" (‘Elementarism,’ Paris, 13 July 1930, reproduced in H. Jaffé, op. cit., p. 238). Indeed, as the 1920s had progressed, Van Doesburg allowed a wider range of colour contrasts and relationships to vibrate through his work, expanding on the limited palette of primary hues he had previously restricted himself to, in order to explore the manner in which subtle shifts in tone, hue and saturation altered the visual resonance of his painting. Here, the artist introduces a tan-hued rectangle along the right-hand edge of the canvas, while simultaneously adding deeper shades of red and blue to the left, generating a new sense of richness and serenity to the work.
While Contra-Composition is an entirely autonomous work, it contains certain parallels to the artist’s designs for the redevelopment of Café l’Aubette in Strasbourg, a collaborative project he had embarked upon with Jean Arp and Sophie Taeuber-Arp in September 1926. Originally constructed in the 18th century as a military building, the Aubette was to be transformed into a grand entertainment complex, which would include a dance hall, tea rooms, a cinema, a billiards room, restaurants and a cabaret space within its walls. This was the first time Van Doesburg had the opportunity to realise his theories of abstract interior design on a major scale, and he threw himself wholeheartedly into the project, dedicating himself to working on the Aubette almost exclusively for the next eighteen months.
Alongside plans for the lettering and signage on the building’s exterior, the artist proposed colour schemes for the café areas on the ground floor and two ballrooms on the first floor, created designs for the building’s light fixtures, nickel railings and key furniture items, such as the booths guests would be seated in, as well as contributing ideas for transitional spaces such as stairways and corridors throughout the building. The inspiration for the compositional arrangement and palette of Contra-Composition appears to have come from the pattern of coloured forms used in Van Doesburg’s designs for one of the walls in the grande salle de fêtes, or large ballroom, at the Aubette (see Hoek no. 803.IIe, 1926), illustrating the important cross-currents that existed between the artist’s architectural and painterly activities during the late 1920s.
The painting was acquired directly from Van Doebsurg by the Swedish artist Otto Carlsund in March 1930. Carlsund had been seduced by the principles of De Stijl in the late 1920s, and co-founded the group Art Concret with Van Doesburg in 1930. An important promoter of avant-garde ideas in Stockholm during this period, Carlsund apparently gifted the present composition to "a young and beautiful lady" upon his return from Paris, from whom Prof. Oscar Reutersvärd purchased it in late 1930 (letter to Nelly van Doesburg, 10 Oct 1950, in E. Hoek, ed., Theo van Doesburg: Oeuvre Catalogue, Utrecht & Otterlo, 2000, p. 485). It would remain in Prof. Reutersvärd’s collection for almost four decades.
C'est dans cette optique qu'il met au point sa peinture à l'épure emblématique et cofonde le mouvement De Stijl, groupe d'artistes et d'architectes hollandais unis par une même quête : celle d'un langage visuel universel adapté aux temps modernes.
Figure de proue du mouvement, Van Doesburg sillonne l'Europe de long en large au début des années 1920 pour promouvoir l'expression abstraite et dépouillée que préconisme ce mouvement, au gré de conférences, d'expositions et de publications. Dans le courant de la décennie, il se met toutefois à repousser, peu à peu, les limites du vocabulaire strict de formes qui avait dominé son œuvre jusqu'alors, pour propulser son art dans une direction nouvelle, plus dynamique.
Peint vers 1927-28, Contra-Composition illustre parfaitement l'évolution constante du style de Van Doesburg durant cette période charnière de sa carrière, marquée par l'étude infatigable des potentialités de l'abstraction.
En 1926, Van Doesburg publie une suite d'articles dans lesquels il suggère d'élargir les horizons austères du néoplasticisme grâce à la ligne diagonale, qu'il présente comme une expression dynamique de la vie moderne. Cette proposition, que l'artiste qualifiait d'« élémentarisme », prône essentiellement l'intégration de lignes obliques dans les compositions ; ou comment assouplir et réinventer les rigoureux préceptes néoplastiques défendus par son compatriote Piet Mondrian. Van Doesburg compte ainsi non seulement infuser son art d'une énergie inédite – une vitalité dont avaient manqué ses tableaux antérieurs aux structures strictement horizontales-verticales –, mais aussi traiter des questions cruciales liées au temps et à l'espace à travers des formes purement abstraites.
« Plutôt que de nier l'existence du temps et de l'espace, écrivait Van Doesburg, l'Élémentarisme les reconnaît comme les facteurs les plus primaires d'une nouvelle expression plastique. De la même manière que l'élémentarisme cherche à créer un rapport harmonieux entre la chose statique et la chose dynamique (le repos et le mouvement), il s'efforce également à unifier dans une nouvelle dimension les deux facteurs élémentaires que sont le temps et l'espace. Tandis que les possibilités expressives du néoplasticisme se limitent à deux dimensions (le plan), l'Élémentarisme réalise la possibilité d'une plastique en quatre dimensions, dans le champ de l'espace-temps » (‘Elementarism: Fragments of a Manifesto,’ décembre 1925-avril 1927, cité in H. Jaffé, De Stijl, New York, 1971, p. 213-214).
Comme en témoigne Contra-Composition, Van Doesburg explore les concepts centraux de l'élémentarisme à partir d'une armature orthogonale plus conventionnelle. Ici, de larges bandes noires viennent scinder la composition le long d'un axe horizontal-vertical, se croisant et se chevauchant afin de créer un maillage rythmique de rectangles et de carrés. Ininterrompues, les lignes paraissent poursuivre leur course au-delà du tableau, de même que les segments de couleur qui se déploient sur les bords du tableau semblent n'être que les fragments d'étendues de couleur plus vastes, dont l'amplitude échapperait à notre regard. Van Doesburg crée ainsi la sensation d'un espace sans fin et d'un temps continu qui s'écouleraient, indéfiniment, par-delà le tableau.
L'un des aspects les plus frappants de Contra-Composition reste toutefois le travail de la couleur, tout en nuances, et la manière dont le peintre joue ici avec les variations de tonalités pour moduler les effets des différents éléments et le rapport entre chacun d'eux.
Van Doesburg a toujours accordé une place primordiale à la couleur – en témoigne cette remarque de 1930 : « Quel est l'état suprême pour un peintre ? De se sentir lui-même couleur, d'être couleur, sans quoi l'œuvre, aussi polychrome soit-elle, reste incolore. Être couleur, être blanc, rouge, jaune, bleu, noir, c'est être peintre. Le peintre d'aujourd'hui et de demain ne peut plus se contenter de penser en couleur, il doit être couleur et se nourrir de couleur et créer une peinture en lui-même... » ('Elementarism', Paris, 13 juillet 1930, cité in H. Jaffé, op. cit., p. 238).
Au fil des années 1920, des coloris et des contrastes inattendus vont faire vibrer, de plus en plus, l'œuvre de Van Doesburg, tandis qu'il diversifie la palette primaire à laquelle il s'était précédemment restreint pour explorer la façon dont de subtiles variations de tons, de teintes et de saturation permettent de modifier la résonance de ses peintures. Ici, il glisse notamment un rectangle couleur terre cuite sur le bord droit de la toile et ose des rouges et des bleus plus profonds sur le côté gauche, baignant l'ensemble d'une sérénité et d'une richesse saisissantes.
Si Contra-Composition est une création totalement autonome, elle résonne à bien des égards avec les conceptions de l'artiste pour le réaménagement du bâtiment de l'Aubette à Strasbourg. C'est en septembre 1926 que Van Doesburg s'engage, avec Jean Arp et Sophie Taeuber-Arp, dans ce projet collectif qui vise à transformer un ancien édifice militaire du XVIIIe siècle en vaste complexe de loisirs dans lequel on envisage d'installer une salle des fêtes, un cinéma, un café, un salon de thé, une salle de billiard, des restaurants et un cabaret. Van Doesburg se plonge pleinement dans cette tâche qui lui offre l'occasion unique d'appliquer ses théories de décoration abstraite à une échelle monumentale. Il se consacrera presque exclusivement à l'Aubette pendant près de dix-huit mois.
En plus de propositions pour l'enseigne et les inscriptions de la façade, l'artiste imagine les associations de couleurs qui vont habiller les cafés-brasseries du rez-de-chaussée et les deux grandes salles du premier étage. Il conçoit aussi les luminaires, les balustrades en nickel et les pièces principales du mobilier, notamment les boxes dans lesquels le public viendra s'asseoir, et soumet des idées pour les escaliers, les couloirs et autres zones de passage du bâtiment. L'agencement de Contra-Composition semble s'inspirer d'une grille de couleurs que Van Doesburg a imaginé pour l'un des murs de la grande salle des fêtes de l'Aubette (voir Hoek no. 803.IIe, 1926). En ce sens, cette toile témoigne des échos importants entre le travail pictural et architectural du Hollandais à la fin des années 1920.
En mars 1930, l'artiste suédois Otto Carlsund acquiert directement ce tableau auprès de l'artiste, influent ambassadeur des idées d'avant-garde à Stockholm durant cette période. Séduit par les principes de De Stijl à la fin des années 1920, il cofondera avec Van Doesburg le mouvement Art Concret en 1930. Il fit don de la présente œuvre à « une belle jeune femme », avant que celle-ci ne rejoigne la collection du Professeur Oscar Reutersvärd à la fin 1930 (lettre à Nelly van Doesburg, 10 octobre 1950, in E. Hoek, et al., Theo van Doesburg: Oeuvre Catalogue, Utrecht & Otterlo, 2000, p. 485) où elle demeurera pendant près de quarante ans.
"The (truly exact) work of art is a metaphor of the universe obtained with artistic means," wrote Theo van Doesburg in 1919, boldly proclaiming the central principle that would underpin his creative vision for much of the following decade (‘Principles of Neo-Plastic Art,’ reproduced in C. Harrison & P. Wood, eds., Art in Theory, 1900-1990: An Anthology of Changing Ideas, London, 1992, p. 281).
It was with this goal in mind that he developed an iconic, purist style of painting and co-founded De Stijl, a group of Dutch artists and architects united in their search for a universal visual language appropriate to the modern era. A stalwart advocate for the movement, Van Doesburg spent much of the early 1920s travelling through Europe promoting the pared-down, abstract aesthetic of De Stijl through lectures, essays and exhibitions. However, as the decade progressed, Van Doesburg began to step beyond the limits of the strict vocabulary of forms which had previously dominated his work, and push his art in a new, dynamic direction. Painted circa 1927-28, Contra-Composition is a prime example of the ever-evolving nature of Van Doesburg’s aesthetic during this key period of his career, as he continued to test the possibilities of abstraction in his work.
In 1926, Van Doesburg had published a series of articles in which he proposed an expansion of the austere visual language of Neo-Plasticism, proclaiming the diagonal line to be a dynamic element of modern life. This revision of principles, which the artist termed ‘Elementarism,’ was an attempt to moderate and modify the strictness of the Neo-Plastic dogma espoused by his compatriot Piet Mondrian, and focused on the introduction of diagonals to the composition. In this way, Van Doesburg believed his canvases would not only carry an element of dynamism which had previously been lacking in his strictly horizontal-vertical paintings, but also allow him to explore fundamental questions relating to time and space through purely abstract form.
"Rather than denying the existence of time and space," Van Doesburg wrote, "Elementarism recognizes these factors as the most elementary of a new plasticism. Just as Elementarism tries to bring the two factors, statics and dynamics (rest and movement), into a balanced relationship, so equally does it strive to combine these two elementary factors, time and space, into a new dimension. While the expressive possibilities of Neoplasticism are limited to two dimensions (the plane), Elementarism realises the possibility of plasticism in four dimensions, in the field of time-space" (‘Elementarism: Fragments of a Manifesto,’ December 1925-April 1927, reproduced in H. Jaffé, De Stijl, New York, 1971, p. 213-214).
In paintings such as Contra-Composition, Van Doesburg explores these core concepts of Elementarism within the limits of a more formal orthogonal grid structure. Here, heavy black lines cut the canvas along a horizontal-vertical axis, overlapping and intersecting to create a rhythmic pattern of rectangles and squares. The lack of a definitive end point to many of these lines suggests they continue beyond the boundaries of the canvas, while the slivers of colour visible along the edge of the canvas also appear to be merely fragments of larger elements, the extent of which remain beyond our field of vision. In this way, Van Doesburg creates an impression of infinite space and temporal continuity outside the boundaries of the painting.
One of the most striking elements of Contra-Composition, though, lies in the artist’s nuanced examination of colour within the canvas, and the manner in which he plays with tone to alter the effects of and relationship between different elements. Colour was of central importance to the artist’s aesthetic – writing in 1930, Van Doesburg proclaimed: "What is the supreme state for the painter? To feel himself as colour, to be colour, without that, the work is colourless, even though it is a medley of colour. To be colour, to be white, red, yellow, blue, black, that is to be a painter. It is not sufficient for today’s and tomorrow’s painter to think in colour, he must be colour and eat colour and make a painting in himself…" (‘Elementarism,’ Paris, 13 July 1930, reproduced in H. Jaffé, op. cit., p. 238). Indeed, as the 1920s had progressed, Van Doesburg allowed a wider range of colour contrasts and relationships to vibrate through his work, expanding on the limited palette of primary hues he had previously restricted himself to, in order to explore the manner in which subtle shifts in tone, hue and saturation altered the visual resonance of his painting. Here, the artist introduces a tan-hued rectangle along the right-hand edge of the canvas, while simultaneously adding deeper shades of red and blue to the left, generating a new sense of richness and serenity to the work.
While Contra-Composition is an entirely autonomous work, it contains certain parallels to the artist’s designs for the redevelopment of Café l’Aubette in Strasbourg, a collaborative project he had embarked upon with Jean Arp and Sophie Taeuber-Arp in September 1926. Originally constructed in the 18th century as a military building, the Aubette was to be transformed into a grand entertainment complex, which would include a dance hall, tea rooms, a cinema, a billiards room, restaurants and a cabaret space within its walls. This was the first time Van Doesburg had the opportunity to realise his theories of abstract interior design on a major scale, and he threw himself wholeheartedly into the project, dedicating himself to working on the Aubette almost exclusively for the next eighteen months.
Alongside plans for the lettering and signage on the building’s exterior, the artist proposed colour schemes for the café areas on the ground floor and two ballrooms on the first floor, created designs for the building’s light fixtures, nickel railings and key furniture items, such as the booths guests would be seated in, as well as contributing ideas for transitional spaces such as stairways and corridors throughout the building. The inspiration for the compositional arrangement and palette of Contra-Composition appears to have come from the pattern of coloured forms used in Van Doesburg’s designs for one of the walls in the grande salle de fêtes, or large ballroom, at the Aubette (see Hoek no. 803.IIe, 1926), illustrating the important cross-currents that existed between the artist’s architectural and painterly activities during the late 1920s.
The painting was acquired directly from Van Doebsurg by the Swedish artist Otto Carlsund in March 1930. Carlsund had been seduced by the principles of De Stijl in the late 1920s, and co-founded the group Art Concret with Van Doesburg in 1930. An important promoter of avant-garde ideas in Stockholm during this period, Carlsund apparently gifted the present composition to "a young and beautiful lady" upon his return from Paris, from whom Prof. Oscar Reutersvärd purchased it in late 1930 (letter to Nelly van Doesburg, 10 Oct 1950, in E. Hoek, ed., Theo van Doesburg: Oeuvre Catalogue, Utrecht & Otterlo, 2000, p. 485). It would remain in Prof. Reutersvärd’s collection for almost four decades.