拍品專文
« ... il y avait une atmosphère d'une force extraordinaire, nous étions des survivants, et le bonheur et le désir de vivre étaient si grands que nous avons créé un nouvel art ». - Salvatore Scarpitta
"… there was an atmosphere of extraordinary energy, we were survivors, and the happiness and desire to live were so great that we created a new art." - Salvatore Scarpitta
Conservée dans une collection particulière depuis sa conception, et proposée à la vente pour la toute première fois aujourd'hui, Tenacious grip (1963) est un exemple remarquable des œuvres emballées de Salvatore Scarpitta. C'est peu après la naissance de sa fille, Lola, que l'artiste a l'heureuse inspiration de tremper des bandes de lange dans de la colle, pour les envelopper ensuite autour d'un châssis en bois. Cet acte exaltant témoigne de toute sa détermination à trouver de nouveaux modes d'expression au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. « Dans mes précédentes peintures, j'avais utilisé des huiles, des tubes et des pinceaux, explique Scarpitta. Les tubes de peinture étaient comme des obus, or je voulais désormais chasser ma proie à mains nues. J'ai commencé à déchirer mes tableaux, à mettre en lambeaux la toile qui était devenue pour moi une ennemie absolue. C'était un besoin fondamentalement lié à mon expérience humaine ; la guerre m'avait changé, la peur et le désir de vengeance, il fallait que je prenne le risque de laisser mes empreintes, je voulais me frotter à la part la plus cachée, la plus difficile des choses. Sans cela, jamais je ne me serais remis de la guerre » (S. Scarpitta, cité in L. Sansone, Salvatore Scarpitta: Catalogue Raisonné, Milan, 2005, p. 65). Au fil des années, les bendages gagnent en complexité, au point d'atteindre l'intrication saisissante de Tenacious Grip. Rythmique et viscérale, sa charpente sculpturale alterne entre des enchevêtrements denses et des vides apaisants, à la manière des tagli de Lucio Fontana. Ici, les lanières de tissu et les ceintures s'enroulent autour des supports en bois dans une étreinte particulièrement étouffante – la prise ferme (« tenacious grip »), annoncée par le titre. Conçue à l'apogée de cette série profondément innovante, Tenacious grip est l'une des dernières œuvres « emmaillotées » que réalise Scarpitta avant de se mettre à fabriquer, dans un revirement radical de sa carrière, des répliques de voitures de course.
Après le succès de sa retentissante exposition des œuvres emballées en 1958, Scarpitta rencontre l'influent galeriste Leo Castelli qui le persuade de quitter l'Italie pour revenir s'installer aux États-Unis. Le contraste entre les deux pays ne peut être plus frappant, et Scarpitta prend vite goût à la vie urbaine effervescente qu'il découvre dans cette New York d'après-guerre en plein essor. Le changement aura, par la force des choses, un impact sur les œuvres emballées, et l'artiste se met bientôt à incorporer des ceintures, des harnais ou des pinces dans ses compositions : « J'ai commencé à attacher certaines choses aux toiles, se souviendra-t-il, comme des ceintures de sécurité, des boucles de harnais, des boucles de parachutes, des sangles d'arrimage aéro-nautiques, des courroies de voitures de course, des pots d'échappement ; j'ai greffé ces choses sur ma toile, comme pour me ramener vers un monde qui était plus rassurant, maintenant que j'étais de retour en Amérique » (S. Scarpitta, cité in L. Sansone, Salvatore Scarpitta: Catalogue Raisonné, Milan, 2005, p. 72). Si le tissu éclaboussé de rouge évoque, dans Tenacious grip, des images de bandages médicaux, les ceintures renvoient quant à elles à l'engouement de Scarpitta pour les courses automobiles, une passion qu'il cultive depuis l'enfance et qui redouble d'intensité après son retour aux États-Unis. Cette œuvre préfigure en ce sens ses futures reproductions de voitures de course, et opère comme un pont entre les deux séries. Si les œuvres emballées ont d'abord vu le jour comme un moyen d'expression cathartique, elles se sont vite émancipées des horreurs de la guerre. Audacieuses et autoréférentielles, ces œuvres de Scarpitta ont su formuler un nouveau langage, pour un nouveau monde.
Held in private hands for its entire lifetime, and offered at auction for the first time, Tenacious grip (1963) is a striking example of Salvatore Scarpitta’s bandaged works. Inspired by the birth of his daughter, Lola, Scarpitta dipped strips of swaddling cloth into glue and then wrapped them around a wooden stretcher. This was an exhilarating act and one which signaled his determination to find new modes of expression in the wake of the Second World War. ‘In my previous paintings I used oils, tubes and brushes’, Scarpitta explained. ‘The tubes of paint were like shells, but I wanted to hunt the prey with my bare hands. I started ripping up the oil paintings, the canvas that had become an utter enemy for me. It was a necessity connected with my human experience; the war had changed me, the fear and desire for vendetta, I needed to run the risk of leaving fingerprints. I wanted to come into contact with the hidden, most difficult nature of things. Otherwise I would never have been cured of the war’ (S. Scarpitta, quoted in L. Sansone, Salvatore Scarpitta: Catalogue Raisonné, Milan 2005, p. 65). Over the years, these bandages works became more complex, and Tenacious grip is an arresting in its intricacy. Rhythmic and visceral, the autonomous structure alternates between elaborate construction and tranquil void, recalling the tagli of Lucio Fontana. Strips of canvas and thin belts wrap lace-like around the wood supports, their tight grip alluded to in the work’s title. Standing at the pinnacle of this ground-breaking series, Tenacious grip is one of the last bandaged works that Scarpitta made before he abruptly changed course and began to create replicas of racing cars.
After his breakout exhibition of these bandages in 1958, Scarpitta met the legendary gallerist Leo Castelli who persuaded him to move to the United States from Italy. The contrasts between the two countries could not have been more apparent, and Scarpitta quickly embraced life in sleek and booming New York. The change necessarily affected the bandages, and he began to introduce belts, harnesses, and clips into the compositions: ‘I started using certain things tied to the canvases’, he later said, ‘like seatbelts, buckles for harnesses, buckles from parachutes, aeronautical straps or straps from racing cars, exhaust pipes, and I grafted these things into my canvas, as if to take myself back toward a world that was more reassuring, now that I was back in America’ (S. Scarpitta, quoted in L. Sansone, Salvatore Scarpitta: Catalogue Raisonné, Milan, 2005, p. 72). If the red splattered wrappings in Tenacious grip conjure images of medical bandages, the belts reflect the artist’s love of motorcar racing, a passion he had nursed since childhood which was then reignited in the United States. Moreover, these works presage his future race car facsimiles and function as a bridge between the two series. Although the bandages began as a means of cathartic expression, they quickly moved beyond the horrors of the war. Self-referential and audacious, these works established a new language for a new world.
"… there was an atmosphere of extraordinary energy, we were survivors, and the happiness and desire to live were so great that we created a new art." - Salvatore Scarpitta
Conservée dans une collection particulière depuis sa conception, et proposée à la vente pour la toute première fois aujourd'hui, Tenacious grip (1963) est un exemple remarquable des œuvres emballées de Salvatore Scarpitta. C'est peu après la naissance de sa fille, Lola, que l'artiste a l'heureuse inspiration de tremper des bandes de lange dans de la colle, pour les envelopper ensuite autour d'un châssis en bois. Cet acte exaltant témoigne de toute sa détermination à trouver de nouveaux modes d'expression au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. « Dans mes précédentes peintures, j'avais utilisé des huiles, des tubes et des pinceaux, explique Scarpitta. Les tubes de peinture étaient comme des obus, or je voulais désormais chasser ma proie à mains nues. J'ai commencé à déchirer mes tableaux, à mettre en lambeaux la toile qui était devenue pour moi une ennemie absolue. C'était un besoin fondamentalement lié à mon expérience humaine ; la guerre m'avait changé, la peur et le désir de vengeance, il fallait que je prenne le risque de laisser mes empreintes, je voulais me frotter à la part la plus cachée, la plus difficile des choses. Sans cela, jamais je ne me serais remis de la guerre » (S. Scarpitta, cité in L. Sansone, Salvatore Scarpitta: Catalogue Raisonné, Milan, 2005, p. 65). Au fil des années, les bendages gagnent en complexité, au point d'atteindre l'intrication saisissante de Tenacious Grip. Rythmique et viscérale, sa charpente sculpturale alterne entre des enchevêtrements denses et des vides apaisants, à la manière des tagli de Lucio Fontana. Ici, les lanières de tissu et les ceintures s'enroulent autour des supports en bois dans une étreinte particulièrement étouffante – la prise ferme (« tenacious grip »), annoncée par le titre. Conçue à l'apogée de cette série profondément innovante, Tenacious grip est l'une des dernières œuvres « emmaillotées » que réalise Scarpitta avant de se mettre à fabriquer, dans un revirement radical de sa carrière, des répliques de voitures de course.
Après le succès de sa retentissante exposition des œuvres emballées en 1958, Scarpitta rencontre l'influent galeriste Leo Castelli qui le persuade de quitter l'Italie pour revenir s'installer aux États-Unis. Le contraste entre les deux pays ne peut être plus frappant, et Scarpitta prend vite goût à la vie urbaine effervescente qu'il découvre dans cette New York d'après-guerre en plein essor. Le changement aura, par la force des choses, un impact sur les œuvres emballées, et l'artiste se met bientôt à incorporer des ceintures, des harnais ou des pinces dans ses compositions : « J'ai commencé à attacher certaines choses aux toiles, se souviendra-t-il, comme des ceintures de sécurité, des boucles de harnais, des boucles de parachutes, des sangles d'arrimage aéro-nautiques, des courroies de voitures de course, des pots d'échappement ; j'ai greffé ces choses sur ma toile, comme pour me ramener vers un monde qui était plus rassurant, maintenant que j'étais de retour en Amérique » (S. Scarpitta, cité in L. Sansone, Salvatore Scarpitta: Catalogue Raisonné, Milan, 2005, p. 72). Si le tissu éclaboussé de rouge évoque, dans Tenacious grip, des images de bandages médicaux, les ceintures renvoient quant à elles à l'engouement de Scarpitta pour les courses automobiles, une passion qu'il cultive depuis l'enfance et qui redouble d'intensité après son retour aux États-Unis. Cette œuvre préfigure en ce sens ses futures reproductions de voitures de course, et opère comme un pont entre les deux séries. Si les œuvres emballées ont d'abord vu le jour comme un moyen d'expression cathartique, elles se sont vite émancipées des horreurs de la guerre. Audacieuses et autoréférentielles, ces œuvres de Scarpitta ont su formuler un nouveau langage, pour un nouveau monde.
Held in private hands for its entire lifetime, and offered at auction for the first time, Tenacious grip (1963) is a striking example of Salvatore Scarpitta’s bandaged works. Inspired by the birth of his daughter, Lola, Scarpitta dipped strips of swaddling cloth into glue and then wrapped them around a wooden stretcher. This was an exhilarating act and one which signaled his determination to find new modes of expression in the wake of the Second World War. ‘In my previous paintings I used oils, tubes and brushes’, Scarpitta explained. ‘The tubes of paint were like shells, but I wanted to hunt the prey with my bare hands. I started ripping up the oil paintings, the canvas that had become an utter enemy for me. It was a necessity connected with my human experience; the war had changed me, the fear and desire for vendetta, I needed to run the risk of leaving fingerprints. I wanted to come into contact with the hidden, most difficult nature of things. Otherwise I would never have been cured of the war’ (S. Scarpitta, quoted in L. Sansone, Salvatore Scarpitta: Catalogue Raisonné, Milan 2005, p. 65). Over the years, these bandages works became more complex, and Tenacious grip is an arresting in its intricacy. Rhythmic and visceral, the autonomous structure alternates between elaborate construction and tranquil void, recalling the tagli of Lucio Fontana. Strips of canvas and thin belts wrap lace-like around the wood supports, their tight grip alluded to in the work’s title. Standing at the pinnacle of this ground-breaking series, Tenacious grip is one of the last bandaged works that Scarpitta made before he abruptly changed course and began to create replicas of racing cars.
After his breakout exhibition of these bandages in 1958, Scarpitta met the legendary gallerist Leo Castelli who persuaded him to move to the United States from Italy. The contrasts between the two countries could not have been more apparent, and Scarpitta quickly embraced life in sleek and booming New York. The change necessarily affected the bandages, and he began to introduce belts, harnesses, and clips into the compositions: ‘I started using certain things tied to the canvases’, he later said, ‘like seatbelts, buckles for harnesses, buckles from parachutes, aeronautical straps or straps from racing cars, exhaust pipes, and I grafted these things into my canvas, as if to take myself back toward a world that was more reassuring, now that I was back in America’ (S. Scarpitta, quoted in L. Sansone, Salvatore Scarpitta: Catalogue Raisonné, Milan, 2005, p. 72). If the red splattered wrappings in Tenacious grip conjure images of medical bandages, the belts reflect the artist’s love of motorcar racing, a passion he had nursed since childhood which was then reignited in the United States. Moreover, these works presage his future race car facsimiles and function as a bridge between the two series. Although the bandages began as a means of cathartic expression, they quickly moved beyond the horrors of the war. Self-referential and audacious, these works established a new language for a new world.