拍品專文
Le 24 juillet 1982, tandis qu’il sillonne les Cinque Terre en voiture, Alighiero Boetti est victime d’un grave accident qui le condamne à deux mois de repos complet. Y ayant passé de longs séjours depuis l’été 1967, cette portion du littoral italien lui est bien familière: l’artiste choisit de rester sur place, le temps de récupérer, et en profite pour tisser des liens avec la communauté locale. Il fera don de la présente Da uno a dieci (‘De un à dix’) à un ami rencontré durant cette période de convalescence; elle demeure dans la même collection particulière à ce jour.
Conçue en 1979, cette œuvre qui sera déclinée en livre un an plus tard conjugue habilement logique et esthétique, méthode et hasard. Issue de la série du même nom, Da uno a dieci s’inspire du format des manuels pour apprendre à compter aux enfants. Ici, Boetti s’amuse à tracer le contour de la main de sa fille, au fur et à mesure qu’elle tend un, puis deux, puis trois doigts, et ainsi de suite jusqu’à ce que les dix soient entièrement déployés sur la feuille. Contrairement au trait de crayon ou de feutre qui sert habituellement à délimiter la forme d’une main, dans Da uno a dieci les silhouettes ont été découpées dans du papier noir. Chaque geste des doigts ressemble presque à une photographie solarisée, tant l’éclat du blanc ressort contre le quadrillage sombre alentour. Cette œuvre est la toute première variation en noir et blanc de la série à apparaître sur le marché, et la seule à comporter dix planches. De format plus modeste, l’autre exemplaire en noir et blanc s’arrête aux cinq doigts d’une main: en l’occurrence, la proportion des images augmente en fonction du nombre qu’elles représentent (la première planche mesure un centimètre de long, la seconde, deux centimètres, et cetera). Initié en 1979, ce cycle est créé parallèlement à Mano aperta pugno chiuso, ensemble dans lequel Boetti s’applique à tracer le contour d’un poing ouvert puis fermé sur du papier quadrillé. Les œuvres produites au cours de l’année 1979 - dont celle-ci - sont d’une grande rareté.
Dans les travaux sur papier de sa maturité, Boetti se penche volontiers sur des questions liées à l’enfance. Mais loin de toute candeur, Da uno a dieci poursuit la longue et profonde réflexion de l’artiste autour de la spontanéité du geste artistique. Les œuvres de cette série répondent en effet à une logique et des règles bien définies: or, malgré cette rigueur, Da uno a dieci évoque tout le potentiel créatif et les variations infinies qui peuvent se déployer dans le cadre-même de cette structure réglementée. Une démarche que Boetti résume ainsi: ‘C’est comme le principe de la suite mathématique. Il y a deux éléments: la suite, et les nombres (qui sont infinis). C’est-à-dire qu’il y l’unité (la suite) et l’infini (les nombres). Je repense à cette phrase: “Parce que la tête est l’amie des pieds, et qu’eux sont les alliés de la lune et des marées”. Je pense que si l’on veut faire les choses correctement, il faut en être à ce stade: il faut avoir atteint une certaine harmonie, un état de grâce’ (A. Boetti, in Alighiero e Boetti 1993/1962, cat. ex., MADRE, Naples, 2009, p. 36). En partant de ce principe, Da uno a dieci montre à quel point une structure a priori restrictive peut être source de fantaisie - et de joie.
While driving through Cinque Terre on 24th July 1982, Alighiero Boetti was involved in a car accident that left him bedridden for two months. This stretch of coastline was not unfamiliar to the artist - he had been spending extended periods there since the summer of 1967 - so while convalescing, he remained in Cinque Terre, growing closer with his neighbours and fellow residents. Boetti gifted Da uno a dieci, the present work, to a friend he had made during his recovery and it has been held in the same collection ever since. Created in 1979, Da uno a dieci marries logic and aesthetics, mechanics and caprice.
Part of the homonymously titled series, the format of Da uno a dieci was based upon children’s counting aids and Boetti created his composition by tracing his daughter’s hands as she opened first one finger, then two, until all were splayed across the paper; a related book was published in 1980. Unlike the thin pencil or ink lines which are so often used to outline one’s palm, in the present work, the hands appear to be cut out from black. Each gesture looks almost solarised as it shines brightly against the dark gridded grounds. Da uno a dieci, the present work, is the first and only black-and-white example to ever appear on the market, and the only that counts all the way to ten. Boetti made one other black-and-white work but it is smaller in scale and only goes up to five. In this instance, the proportions from the work increase as the numbers increase so that the first plate measures 1cm by 1cm and the second 2cm by 2cm, and so forth. Initiated in 1979, the series was developed in parallel to Boetti’s Mano aperta pugno chiuso, which features tracings of an open and closed fist on grided paper. Works from 1979, such as the present example, are extremely rare.
In many of his late works on paper, Boetti engaged with practices associated with children and childhood. But far from simplistic or naive, Da uno a dieci continues the artist’s ongoing confrontation with the idea of the spontaneous aesthetic gesture. As such, the works that comprise this series were created according to specific and logical rules. Yet despite such regimentation, Da uno a dieci reveals the infinite potential for difference that such rules allow. As he explained, ‘It is like a numerical series’, he explained. ‘There are two elements: the series and the numbers (which are infinite). That is, there is the one (the series) and the infinite (the numbers). I remember a phrase: “Because the head is a friend to the feet and both of them to the moon and the tides”. I think that if one is to do things well, one must find oneself in that situation: one must have achieved a sort of harmony, a state of grace’ (A. Boetti, quoted in Alighiero e Boetti 1993/1962, exh. cat., MADRE, Naples, 2009, p. 36). Far from limiting, Da uno a dieci instead lays bare the way intention can be made whimsical; it can create joy.
Conçue en 1979, cette œuvre qui sera déclinée en livre un an plus tard conjugue habilement logique et esthétique, méthode et hasard. Issue de la série du même nom, Da uno a dieci s’inspire du format des manuels pour apprendre à compter aux enfants. Ici, Boetti s’amuse à tracer le contour de la main de sa fille, au fur et à mesure qu’elle tend un, puis deux, puis trois doigts, et ainsi de suite jusqu’à ce que les dix soient entièrement déployés sur la feuille. Contrairement au trait de crayon ou de feutre qui sert habituellement à délimiter la forme d’une main, dans Da uno a dieci les silhouettes ont été découpées dans du papier noir. Chaque geste des doigts ressemble presque à une photographie solarisée, tant l’éclat du blanc ressort contre le quadrillage sombre alentour. Cette œuvre est la toute première variation en noir et blanc de la série à apparaître sur le marché, et la seule à comporter dix planches. De format plus modeste, l’autre exemplaire en noir et blanc s’arrête aux cinq doigts d’une main: en l’occurrence, la proportion des images augmente en fonction du nombre qu’elles représentent (la première planche mesure un centimètre de long, la seconde, deux centimètres, et cetera). Initié en 1979, ce cycle est créé parallèlement à Mano aperta pugno chiuso, ensemble dans lequel Boetti s’applique à tracer le contour d’un poing ouvert puis fermé sur du papier quadrillé. Les œuvres produites au cours de l’année 1979 - dont celle-ci - sont d’une grande rareté.
Dans les travaux sur papier de sa maturité, Boetti se penche volontiers sur des questions liées à l’enfance. Mais loin de toute candeur, Da uno a dieci poursuit la longue et profonde réflexion de l’artiste autour de la spontanéité du geste artistique. Les œuvres de cette série répondent en effet à une logique et des règles bien définies: or, malgré cette rigueur, Da uno a dieci évoque tout le potentiel créatif et les variations infinies qui peuvent se déployer dans le cadre-même de cette structure réglementée. Une démarche que Boetti résume ainsi: ‘C’est comme le principe de la suite mathématique. Il y a deux éléments: la suite, et les nombres (qui sont infinis). C’est-à-dire qu’il y l’unité (la suite) et l’infini (les nombres). Je repense à cette phrase: “Parce que la tête est l’amie des pieds, et qu’eux sont les alliés de la lune et des marées”. Je pense que si l’on veut faire les choses correctement, il faut en être à ce stade: il faut avoir atteint une certaine harmonie, un état de grâce’ (A. Boetti, in Alighiero e Boetti 1993/1962, cat. ex., MADRE, Naples, 2009, p. 36). En partant de ce principe, Da uno a dieci montre à quel point une structure a priori restrictive peut être source de fantaisie - et de joie.
While driving through Cinque Terre on 24th July 1982, Alighiero Boetti was involved in a car accident that left him bedridden for two months. This stretch of coastline was not unfamiliar to the artist - he had been spending extended periods there since the summer of 1967 - so while convalescing, he remained in Cinque Terre, growing closer with his neighbours and fellow residents. Boetti gifted Da uno a dieci, the present work, to a friend he had made during his recovery and it has been held in the same collection ever since. Created in 1979, Da uno a dieci marries logic and aesthetics, mechanics and caprice.
Part of the homonymously titled series, the format of Da uno a dieci was based upon children’s counting aids and Boetti created his composition by tracing his daughter’s hands as she opened first one finger, then two, until all were splayed across the paper; a related book was published in 1980. Unlike the thin pencil or ink lines which are so often used to outline one’s palm, in the present work, the hands appear to be cut out from black. Each gesture looks almost solarised as it shines brightly against the dark gridded grounds. Da uno a dieci, the present work, is the first and only black-and-white example to ever appear on the market, and the only that counts all the way to ten. Boetti made one other black-and-white work but it is smaller in scale and only goes up to five. In this instance, the proportions from the work increase as the numbers increase so that the first plate measures 1cm by 1cm and the second 2cm by 2cm, and so forth. Initiated in 1979, the series was developed in parallel to Boetti’s Mano aperta pugno chiuso, which features tracings of an open and closed fist on grided paper. Works from 1979, such as the present example, are extremely rare.
In many of his late works on paper, Boetti engaged with practices associated with children and childhood. But far from simplistic or naive, Da uno a dieci continues the artist’s ongoing confrontation with the idea of the spontaneous aesthetic gesture. As such, the works that comprise this series were created according to specific and logical rules. Yet despite such regimentation, Da uno a dieci reveals the infinite potential for difference that such rules allow. As he explained, ‘It is like a numerical series’, he explained. ‘There are two elements: the series and the numbers (which are infinite). That is, there is the one (the series) and the infinite (the numbers). I remember a phrase: “Because the head is a friend to the feet and both of them to the moon and the tides”. I think that if one is to do things well, one must find oneself in that situation: one must have achieved a sort of harmony, a state of grace’ (A. Boetti, quoted in Alighiero e Boetti 1993/1962, exh. cat., MADRE, Naples, 2009, p. 36). Far from limiting, Da uno a dieci instead lays bare the way intention can be made whimsical; it can create joy.