Lot Essay
Sigmund Freud définissait le lien unissant une mère à son premier enfant de sexe masculin comme le plus fort de l'humanité. La Coiffure, oeuvre de Picasso de 1922, peut être perçue comme l'affirmation manifeste de cette supposition même si le critique William Rubin, expert s'il en est de l'oeuvre de Picasso, a réfuté de façon convaincante et définitive l'idée que nous soyons ici en présence d'Olga Picasso et de son fils Paulo. Au contraire, avance Rubin, c'est une peinture qui fait partie d'une histoire complexe du point de vue biographique - et non dénuée d'éléments psychologiques tout aussi complexes.
Pour Christian Zervos, l'oeuvre fut achevée en 1922 (et non 1921 comme l'indiqua le maître) cinq ans après le départ de l'artiste pour Rome où il conçut les décors du ballet Parade de Diaghilev et rencontra Olga Khoklova, danseuse aux Ballets Russes qu'il épousera l'année suivante à Paris. Lors de son séjour en Italie, Picasso visita les ruines de l'ancienne Pompei et admira les collections archéologiques à Naples. Il se familiarisa aussi directement avec les oeuvres des maîtres de la Renaissance italienne. L'influence de l'art antique et du Cinquecento sera profonde et restera présente toute sa vie. Le style néo-classique initial - et si caractéristique - que Picasso élabora et développa entre 1918 et 1924 a fait l'objet d'une abondante littérature et de larges débats. Il est aujourd'hui admis qu'il s'agit d'un style hybride mêlant l'art classique de la Grèce et de Rome, des éléments du néo-classicisme dans la peinture française (Poussin, Ingres puis Renoir) et des peintures et fresques de la Renaissance italienne, plus particulièrement de Michel-Ange et Raphaël.
En février 1921, Olga donna naissance à Paulo, et les années suivantes, le thème de la maternité et de l'enfance apparaît dans plusieurs des grandes toiles de Picasso (fig. 1). A l'origine, ce thème est intimement lié aux personnages néo-classiques que l'artiste a peints depuis son voyage à Rome. La tendresse et la plénitude si intimement liées à ces mères géantes et à leur progéniture tout aussi imposante sont omniprésentes dans les oeuvres de 1922 et 1923, quoique le style de représentation glisse vers quelque chose de bien plus lyrique et délicat, quasiment aérien (fig. 2).
"[Vers 1922, Picasso] délaissa presque entièrement ses gigantesques nus classiques pour un style plus en harmonie avec la grâce et l'élégance du néo-classicisme traditionnel. Bravant l'idée préconçue moderne et récurrente contre le beau et le sentiment, il réalise une série de jolies femmes dans des drapés classiques (fig. 3), des mères tenant des nouveaux-nés, un couple d'ineffables amants et autres arlequins affirmant [ainsi] son pouvoir d'insuffler une vie nouvelle et du charme dans un style aussi épuisé que le néo-classique " (A.H. Barr, Jr., Picasso: Fifty Years of His Art, New York, 1966, p. 128).
La Coiffure renvoie à une deuxième oeuvre, de dimensions légèrement plus grandes que le présent tableau (Zervos IV, no. 385). Le dessin aux lignes vives des premières années de vie commune avec Olga - rappelant souvent Ingres - et la grâce toute chorégraphique des personnages cèdent ici la place aux personnages alanguis et pétrifiés de 1921. Les éléments de ces toiles semblent renvoyer à l'imagerie des Madones de la Renaissance, quoiqu'il serait stérile de faire le lien avec telle ou telle image en particulier. Cela étant, dans son ouvrage Picasso: ombre et soleil (1960), de Champris cite la Madone Benois de Léonard de Vinci à l'origine de ces tableaux. L'auteur note qu'ils partagent tous un même format trois-quarts, une même position des mains et un même déhanchement (contrapposto) harmonieux qui les relient avec une grâce infaillible. Comment croire pourtant qu'un artiste aussi doué et irréligieux que Picasso ait ressenti la nécessité de s'inspirer d'une oeuvre religieuse particulière - qui était à Saint-Petersbourg depuis près de dix ans lorsqu'il peignit La Coiffure- et l'ait utilisée comme modèle figé d'une toile qui, de toute évidence, est le fruit de plusieurs mois de travail.
Cela étant, la mention de l'oeuvre de Leonard de Vinci dans une perspective plus large ne doit pas être écartée. L'examen de l'oeuvre de Picasso à cette période révèle qu'il lançait une idée en la rendant d'une façon hautement léonardesque, pleine de mystère et de lumière ombrée mais parvenant à des variations plus marquées et plus apparentées à Raphaël. La façon de Picasso de dépeindre la délicatesse avec laquelle Paulo caresse la colombe rappelle les images de Saint Jean Baptiste enfant de Raphaël (fig. 4). (Picasso a aussi peint son fils jeune enfant /petit berger menant un agneau [Zervos V, no. 431] qui trouve son écho dans les images de la Renaissance du Christ enfant sous les traits d'un berger). Ainsi, et sans effort apparent, Picasso unit des fragments de la peinture de la Renaissance, notamment la technique du sfumato du monde de Léonard de Vinci à la sensibilité coloriste qui prit naissance dans l'Europe de la fin du XIXème siècle alors que Picasso était adolescent.
Ici, Picasso élève le sujet de la maternité à un niveau tellement supérieur à son observation personnelle qu'il atteint la dimension du mythe. Ce regain d'intérêt pour les relations émotionnelles - dans la mesure où plus de quinze années séparent ce tableau des oeuvres de la période Rose - découle naturellement de sa vie personnelle. Or, son oeuvre n'est jamais autobiographique au sens commun du terme. Il a toujours porté l'expérience personnelle à un niveau d'universalité et d'objectivité, comme ici, où la naissance de son premier fils est rendue en termes de mythologie moderne (H. Jaffe, Pablo Picasso, New York, 1980, p. 106).
William Rubin convient que l'oeuvre de Picasso est délibérément autobiographique et que la majorité des oeuvres de l'artiste sont directement liées à des émotions et circonstances personnelles. Mais Rubin a démontré abondamment que l'oeuvre de Picasso repose souvent sur les qualités du subterfuge, de la duplicité, des doubles identités, des transfigurations, et des symboles cachés et privés. Rubin a fait valoir de façon convaincante que la belle femme mélancolique représentée ici et qui apparaît dans des dizaines de toiles et dessins de Picasso entre 1922 et 1923, n'est pas sa femme Olga mais un portrait légèrement idéalisé de Sara Murphy, épouse du peintre américain expatrié Gerald Murphy. Pourquoi ne pas en déduire que ce tableau fut par la suite daté 1922, soit par accident soit à dessein pour mettre Olga - qui était maladivement jalouse - "sur une fausse piste."
En 1922, les Murphy et les Picasso se voyaient souvent, et les sentiments de Picasso pour Sara étaient déjà bien affirmés (fig. 5). En dépit de son élégance et de sa mélancolie gracieuse, ce symbole de la maternité tel que peint par Picasso contient en lui cet effort de subversion qui forme le socle des grandes oeuvres de Picasso. Aurait-il aimé que Sara Murphy prît la place d'Olga? Il est probablement plus juste de décrire le personnage de la mère peint dans cette série comme une sorte d'accomplissement des désirs, réminiscence des deux femmes dans un portrait idéalisé de la maternité.
Sigmund Freud called the bond between a mother and her first born male child the single most powerful bond in humankind. Picasso's 1922 La Coiffure can be read as a powerful affirmation of such an assertion and yet no less an authority on the work of Picasso than William Rubin has compellingly and conclusively refuted the notion that this is an image of Olga Picasso with her son Paulo. Rather, Rubin argues, it is a painting that is part of a biographically complex history--and not without equally complex psychological elements.
According to Christian Zervos, this painting was completed in 1922 (not 1921 as dated by the artist) some five years after the artist had gone to Rome where he designed the stage sets for Diaghilev's Parade and met Olga Khoklova, a dancer with the Ballet Russes whom he married the following year in Paris. During his stay in Italy, Picasso made excursions to see the ruins of ancient Pompeii and the archeological collections in Naples. Picasso also familiarised himself first hand with the work of the masters of the Italian Renaissance. The influence of both ancient art and that of the cinquecento was profound and lasted the rest of his life. The initial - and idiosyncratic - "Neo-Classical" style Picasso devised and developed between 1918 and 1924 has been well documented and exhaustively discussed. It is now posited as a hybrid of the classical art of Greece and Rome, earlier Neo-Classical strands in French art (Poussin, Ingres and later Renoir) and the paintings and frescoes of the Italian Renaissance, most notably Michelangelo and Raphael.
In February, 1921, Olga bore Picasso a son, Paulo, and for the next few years, the theme of motherhood and childhood was featured in many of Picasso's major paintings (fig. 1). Initially, the theme was inextricable from the monumental neo-classical figures which he had been painting since his trip to Rome. The tenderness and plenitude that were part and parcel of these gigantic mothers and their equally massive offspring lingered on in the paintings of 1922 and 1923, though the style in which they were presented shifts towards something far more lyrical and delicate, almost ethereal (fig. 2).
"[Around 1922, Picasso] virtually abandoned his colossal classical nudes for a style more in keeping with the grace and elegance of traditional neo-classicism. Defying the chronic modern prejudice against prettiness and sentiment he made a series of sweet figures of women in classic draperies [fig. 3], mothers handling babies, a pair of ineffable lovers, harlequins [thus] asserting his ability to breathe new life and charm into so exhausted a style as the neo-classical" (A.H. Barr, Jr., Picasso: Fifty Years of His Art, New York, 1966, p. 128).
La Coiffure is related to a second painting, only slightly larger in scale than the present work (Zervos IV, no. 385). Picasso's crisp line drawings of his first few years with Olga - which is usually likened to Ingres - and the balletic gracefulness of the figures here has been replaced by the stolid, stone-like figures of 1921. Elements of these paintings seem to refer back to imagery found in Renaissance Madonnas, though it would be fruitless to suggest one or another particular image. Nonetheless, in his 1960 Picasso: ombre et soleil, de Champris cited Leonardo da Vinci's Benois Madonna as a source for these paintings. De Champris points out that they all share an identical three-quarter length format, hand placements and the use of a harmonious contrapposto which unites them with unerring gracefulness. That an artist as gifted - and irreligious - as Picasso would have needed to depend upon a particular religious picture -which had been in Saint Petersburg for almost ten years when -La Coiffure was painted - as a unalterable template for a canvas that was very clearly the result of many months of work is hard to believe.
Yet the mention of the work of Leonardo in a more general sense should not be discounted. A perusal of the work of Picasso of this period shows Picasso initiating an idea by rendering it in a highly 'Leonardesque' fashion, full of mystery and cloudy light but often completing variations that are more solid and more akin to Raphael. The way Picasso handles Paulo's tender petting of the dove calls to mind Raphaël's images of Saint John the Baptist as a child (fig. 4). (Picasso also depicted his son as a toddler/shephard boy leading a lamb [Zervos V, no. 431] which also has its resonance in Renaissance images of the Christ child as a shephard). Thus with seeming effortlessness, Picasso joins fragments of Renaissance painting, particularly the misty sfumato of the world of Leonardo to the coloristic sensibility which originated in fin-de-siècle Europe when Picasso was a teenager.
Picasso here raises the subject of motherhood so far above his personal observation as to attain the monumentality of myth... This renewed interest in emotional relationships - renewed in the sense that more than fifteen years separate this painting from the works of the Rose period - of course grew out of Picasso's personal life. Yet his work is never autobiographical in the ordinary sense of the term. He has always raised personal experience to a level of universality and objectivity, as here, where the birth of his first son is rendered in terms of some modern mythology (H. Jaffe,Pablo Picasso, New York, 1980, p. 106).
William Rubin agrees that Picasso's oeuvre is assertively autobiographical and that virtually all of the artist's works bear a direct relation to his emotions and circumstances. But again and again Rubin has demonstrated that Picasso's work is often based on the qualities of subterfuge, duplicity, alternative identities, transmogrifications, and hidden, private symbols. Rubin has convincingly argued that the beautiful, wistful figure here, who appears in scores of Picasso paintings and drawings over the course of 1922 and 1923, is not his wife Olga but a slightly idealized portrait of Sara Murphy, wife of the American expatriate painter Gerald Murphy. One may conclude that this painting was subsequently misdated 1922, either by accident or on purpose to throw Olga - who was insanely jealous - "off the track."
By 1922, the Murphys and Picassos were seeing each other frequently, and Picasso's infatuation with Sara was well under way (fig. 5). For all of its gentility and graceful melancholy, Picasso's icon of motherhood contains within it this subversive strain that is the bedrock of Picasso's great work. Would he have liked to have seen Olga replaced by Sara Murphy? It is probably most accurate to describe the mother figure in these series as a sort of wish-fulfillment, finding echoes of both women in an idealized portrait of motherhood.
(fig. 1) Pablo Picasso, Maternité, 1921.
Collection particulière.
(fig. 2) Pablo Picasso, Mère et enfant, 1922.
Baltimore Museum of Art. Collection Cone.
(fig. 3) Pablo Picasso, Mère et enfant, vers 1922.
Collection particulière.
(fig. 4) Raphaël, La belle jardinière, 1507-08.
Musée du Louvre, Paris.
(fig. 5) Sara Murphy et Picasso, Antibes, été 1923.
Photographie de Gerald Murphy.
Collection Honoria Murphy Donnelly.
Pour Christian Zervos, l'oeuvre fut achevée en 1922 (et non 1921 comme l'indiqua le maître) cinq ans après le départ de l'artiste pour Rome où il conçut les décors du ballet Parade de Diaghilev et rencontra Olga Khoklova, danseuse aux Ballets Russes qu'il épousera l'année suivante à Paris. Lors de son séjour en Italie, Picasso visita les ruines de l'ancienne Pompei et admira les collections archéologiques à Naples. Il se familiarisa aussi directement avec les oeuvres des maîtres de la Renaissance italienne. L'influence de l'art antique et du Cinquecento sera profonde et restera présente toute sa vie. Le style néo-classique initial - et si caractéristique - que Picasso élabora et développa entre 1918 et 1924 a fait l'objet d'une abondante littérature et de larges débats. Il est aujourd'hui admis qu'il s'agit d'un style hybride mêlant l'art classique de la Grèce et de Rome, des éléments du néo-classicisme dans la peinture française (Poussin, Ingres puis Renoir) et des peintures et fresques de la Renaissance italienne, plus particulièrement de Michel-Ange et Raphaël.
En février 1921, Olga donna naissance à Paulo, et les années suivantes, le thème de la maternité et de l'enfance apparaît dans plusieurs des grandes toiles de Picasso (fig. 1). A l'origine, ce thème est intimement lié aux personnages néo-classiques que l'artiste a peints depuis son voyage à Rome. La tendresse et la plénitude si intimement liées à ces mères géantes et à leur progéniture tout aussi imposante sont omniprésentes dans les oeuvres de 1922 et 1923, quoique le style de représentation glisse vers quelque chose de bien plus lyrique et délicat, quasiment aérien (fig. 2).
"[Vers 1922, Picasso] délaissa presque entièrement ses gigantesques nus classiques pour un style plus en harmonie avec la grâce et l'élégance du néo-classicisme traditionnel. Bravant l'idée préconçue moderne et récurrente contre le beau et le sentiment, il réalise une série de jolies femmes dans des drapés classiques (fig. 3), des mères tenant des nouveaux-nés, un couple d'ineffables amants et autres arlequins affirmant [ainsi] son pouvoir d'insuffler une vie nouvelle et du charme dans un style aussi épuisé que le néo-classique " (A.H. Barr, Jr., Picasso: Fifty Years of His Art, New York, 1966, p. 128).
La Coiffure renvoie à une deuxième oeuvre, de dimensions légèrement plus grandes que le présent tableau (Zervos IV, no. 385). Le dessin aux lignes vives des premières années de vie commune avec Olga - rappelant souvent Ingres - et la grâce toute chorégraphique des personnages cèdent ici la place aux personnages alanguis et pétrifiés de 1921. Les éléments de ces toiles semblent renvoyer à l'imagerie des Madones de la Renaissance, quoiqu'il serait stérile de faire le lien avec telle ou telle image en particulier. Cela étant, dans son ouvrage Picasso: ombre et soleil (1960), de Champris cite la Madone Benois de Léonard de Vinci à l'origine de ces tableaux. L'auteur note qu'ils partagent tous un même format trois-quarts, une même position des mains et un même déhanchement (contrapposto) harmonieux qui les relient avec une grâce infaillible. Comment croire pourtant qu'un artiste aussi doué et irréligieux que Picasso ait ressenti la nécessité de s'inspirer d'une oeuvre religieuse particulière - qui était à Saint-Petersbourg depuis près de dix ans lorsqu'il peignit La Coiffure- et l'ait utilisée comme modèle figé d'une toile qui, de toute évidence, est le fruit de plusieurs mois de travail.
Cela étant, la mention de l'oeuvre de Leonard de Vinci dans une perspective plus large ne doit pas être écartée. L'examen de l'oeuvre de Picasso à cette période révèle qu'il lançait une idée en la rendant d'une façon hautement léonardesque, pleine de mystère et de lumière ombrée mais parvenant à des variations plus marquées et plus apparentées à Raphaël. La façon de Picasso de dépeindre la délicatesse avec laquelle Paulo caresse la colombe rappelle les images de Saint Jean Baptiste enfant de Raphaël (fig. 4). (Picasso a aussi peint son fils jeune enfant /petit berger menant un agneau [Zervos V, no. 431] qui trouve son écho dans les images de la Renaissance du Christ enfant sous les traits d'un berger). Ainsi, et sans effort apparent, Picasso unit des fragments de la peinture de la Renaissance, notamment la technique du sfumato du monde de Léonard de Vinci à la sensibilité coloriste qui prit naissance dans l'Europe de la fin du XIXème siècle alors que Picasso était adolescent.
Ici, Picasso élève le sujet de la maternité à un niveau tellement supérieur à son observation personnelle qu'il atteint la dimension du mythe. Ce regain d'intérêt pour les relations émotionnelles - dans la mesure où plus de quinze années séparent ce tableau des oeuvres de la période Rose - découle naturellement de sa vie personnelle. Or, son oeuvre n'est jamais autobiographique au sens commun du terme. Il a toujours porté l'expérience personnelle à un niveau d'universalité et d'objectivité, comme ici, où la naissance de son premier fils est rendue en termes de mythologie moderne (H. Jaffe, Pablo Picasso, New York, 1980, p. 106).
William Rubin convient que l'oeuvre de Picasso est délibérément autobiographique et que la majorité des oeuvres de l'artiste sont directement liées à des émotions et circonstances personnelles. Mais Rubin a démontré abondamment que l'oeuvre de Picasso repose souvent sur les qualités du subterfuge, de la duplicité, des doubles identités, des transfigurations, et des symboles cachés et privés. Rubin a fait valoir de façon convaincante que la belle femme mélancolique représentée ici et qui apparaît dans des dizaines de toiles et dessins de Picasso entre 1922 et 1923, n'est pas sa femme Olga mais un portrait légèrement idéalisé de Sara Murphy, épouse du peintre américain expatrié Gerald Murphy. Pourquoi ne pas en déduire que ce tableau fut par la suite daté 1922, soit par accident soit à dessein pour mettre Olga - qui était maladivement jalouse - "sur une fausse piste."
En 1922, les Murphy et les Picasso se voyaient souvent, et les sentiments de Picasso pour Sara étaient déjà bien affirmés (fig. 5). En dépit de son élégance et de sa mélancolie gracieuse, ce symbole de la maternité tel que peint par Picasso contient en lui cet effort de subversion qui forme le socle des grandes oeuvres de Picasso. Aurait-il aimé que Sara Murphy prît la place d'Olga? Il est probablement plus juste de décrire le personnage de la mère peint dans cette série comme une sorte d'accomplissement des désirs, réminiscence des deux femmes dans un portrait idéalisé de la maternité.
Sigmund Freud called the bond between a mother and her first born male child the single most powerful bond in humankind. Picasso's 1922 La Coiffure can be read as a powerful affirmation of such an assertion and yet no less an authority on the work of Picasso than William Rubin has compellingly and conclusively refuted the notion that this is an image of Olga Picasso with her son Paulo. Rather, Rubin argues, it is a painting that is part of a biographically complex history--and not without equally complex psychological elements.
According to Christian Zervos, this painting was completed in 1922 (not 1921 as dated by the artist) some five years after the artist had gone to Rome where he designed the stage sets for Diaghilev's Parade and met Olga Khoklova, a dancer with the Ballet Russes whom he married the following year in Paris. During his stay in Italy, Picasso made excursions to see the ruins of ancient Pompeii and the archeological collections in Naples. Picasso also familiarised himself first hand with the work of the masters of the Italian Renaissance. The influence of both ancient art and that of the cinquecento was profound and lasted the rest of his life. The initial - and idiosyncratic - "Neo-Classical" style Picasso devised and developed between 1918 and 1924 has been well documented and exhaustively discussed. It is now posited as a hybrid of the classical art of Greece and Rome, earlier Neo-Classical strands in French art (Poussin, Ingres and later Renoir) and the paintings and frescoes of the Italian Renaissance, most notably Michelangelo and Raphael.
In February, 1921, Olga bore Picasso a son, Paulo, and for the next few years, the theme of motherhood and childhood was featured in many of Picasso's major paintings (fig. 1). Initially, the theme was inextricable from the monumental neo-classical figures which he had been painting since his trip to Rome. The tenderness and plenitude that were part and parcel of these gigantic mothers and their equally massive offspring lingered on in the paintings of 1922 and 1923, though the style in which they were presented shifts towards something far more lyrical and delicate, almost ethereal (fig. 2).
"[Around 1922, Picasso] virtually abandoned his colossal classical nudes for a style more in keeping with the grace and elegance of traditional neo-classicism. Defying the chronic modern prejudice against prettiness and sentiment he made a series of sweet figures of women in classic draperies [fig. 3], mothers handling babies, a pair of ineffable lovers, harlequins [thus] asserting his ability to breathe new life and charm into so exhausted a style as the neo-classical" (A.H. Barr, Jr., Picasso: Fifty Years of His Art, New York, 1966, p. 128).
La Coiffure is related to a second painting, only slightly larger in scale than the present work (Zervos IV, no. 385). Picasso's crisp line drawings of his first few years with Olga - which is usually likened to Ingres - and the balletic gracefulness of the figures here has been replaced by the stolid, stone-like figures of 1921. Elements of these paintings seem to refer back to imagery found in Renaissance Madonnas, though it would be fruitless to suggest one or another particular image. Nonetheless, in his 1960 Picasso: ombre et soleil, de Champris cited Leonardo da Vinci's Benois Madonna as a source for these paintings. De Champris points out that they all share an identical three-quarter length format, hand placements and the use of a harmonious contrapposto which unites them with unerring gracefulness. That an artist as gifted - and irreligious - as Picasso would have needed to depend upon a particular religious picture -which had been in Saint Petersburg for almost ten years when -La Coiffure was painted - as a unalterable template for a canvas that was very clearly the result of many months of work is hard to believe.
Yet the mention of the work of Leonardo in a more general sense should not be discounted. A perusal of the work of Picasso of this period shows Picasso initiating an idea by rendering it in a highly 'Leonardesque' fashion, full of mystery and cloudy light but often completing variations that are more solid and more akin to Raphael. The way Picasso handles Paulo's tender petting of the dove calls to mind Raphaël's images of Saint John the Baptist as a child (fig. 4). (Picasso also depicted his son as a toddler/shephard boy leading a lamb [Zervos V, no. 431] which also has its resonance in Renaissance images of the Christ child as a shephard). Thus with seeming effortlessness, Picasso joins fragments of Renaissance painting, particularly the misty sfumato of the world of Leonardo to the coloristic sensibility which originated in fin-de-siècle Europe when Picasso was a teenager.
Picasso here raises the subject of motherhood so far above his personal observation as to attain the monumentality of myth... This renewed interest in emotional relationships - renewed in the sense that more than fifteen years separate this painting from the works of the Rose period - of course grew out of Picasso's personal life. Yet his work is never autobiographical in the ordinary sense of the term. He has always raised personal experience to a level of universality and objectivity, as here, where the birth of his first son is rendered in terms of some modern mythology (H. Jaffe,Pablo Picasso, New York, 1980, p. 106).
William Rubin agrees that Picasso's oeuvre is assertively autobiographical and that virtually all of the artist's works bear a direct relation to his emotions and circumstances. But again and again Rubin has demonstrated that Picasso's work is often based on the qualities of subterfuge, duplicity, alternative identities, transmogrifications, and hidden, private symbols. Rubin has convincingly argued that the beautiful, wistful figure here, who appears in scores of Picasso paintings and drawings over the course of 1922 and 1923, is not his wife Olga but a slightly idealized portrait of Sara Murphy, wife of the American expatriate painter Gerald Murphy. One may conclude that this painting was subsequently misdated 1922, either by accident or on purpose to throw Olga - who was insanely jealous - "off the track."
By 1922, the Murphys and Picassos were seeing each other frequently, and Picasso's infatuation with Sara was well under way (fig. 5). For all of its gentility and graceful melancholy, Picasso's icon of motherhood contains within it this subversive strain that is the bedrock of Picasso's great work. Would he have liked to have seen Olga replaced by Sara Murphy? It is probably most accurate to describe the mother figure in these series as a sort of wish-fulfillment, finding echoes of both women in an idealized portrait of motherhood.
(fig. 1) Pablo Picasso, Maternité, 1921.
Collection particulière.
(fig. 2) Pablo Picasso, Mère et enfant, 1922.
Baltimore Museum of Art. Collection Cone.
(fig. 3) Pablo Picasso, Mère et enfant, vers 1922.
Collection particulière.
(fig. 4) Raphaël, La belle jardinière, 1507-08.
Musée du Louvre, Paris.
(fig. 5) Sara Murphy et Picasso, Antibes, été 1923.
Photographie de Gerald Murphy.
Collection Honoria Murphy Donnelly.