Lot Essay
Le Comité Toulouse-Lautrec a confirmé l'authenticité de cette oeuvre.
Peu d'artistes modernes ont capté l'imaginaire du public comme Toulouse-Lautrec. Son histoire personnelle est tout à fait conforme à l'image traditionnelle de l'artiste désespéré et socialement rebelle: issu d'une famille aristocratique privilégiée, une série d'accidents alors qu'il était enfant l'afflige d'handicaps physiques, qui l'amènent bientôt à chercher le réconfort dans l'alcool et les amitiés faciles du demi-monde parisien. Les critiques de son temps ont rapidement associé sa malformation physique à sa déchéance morale et sa transgression culturelle, confondant l'homme avec son art et ses pratiques sociales. Mais certains commentateurs furent plus réfléchis et bienveillants à son égard. "Il y a un humour bravache et une cruauté dans l'oeuvre de Lautrec lorsqu'il peint des bals, des intérieurs de bordels et des liaisons contre-nature", écrit ainsi Gustave Geffroy en 1893, "mais il conserve son intégrité d'artiste; sa puissance d'observation impitoyable préserve la beauté de la vie, et la philosophie du vice qu'il fait parader d'une façon parfois ostentatoire et provocante prend la force d'une leçon de morale grâce à la puissance de son dessin" (cité in Ibid., p. 13).
À l'image du faubourg qu'il fréquentait - Montmartre était à l'époque un mélange contrasté d'ateliers et taudis alignés dans les ruelles pauvres, et de bals et cabarets magnifiques le long du boulevard séparant le quartier du reste de Paris - Lautrec évoluait dans des mondes différents et radicalement opposés. S'amusant à défier les frontières sociales imposées par sa naissance et par son sexe, il ne parvint pourtant jamais à les effacer complètement. En un mot, Lautrec était l'archétype même du bohème, navigant du centre aux marges de la vie bourgeoise. Il pouvait aussi bien assister au spectacle à la prestigieuse Comédie Française que se rendre au Cirque Fernando, à des bals comme Les Ambassadeurs, Le Mirliton, les tapageuses Folies Bergères, ou encore le Moulin Rouge. Aujourd'hui légendaire, ce dernier fut représenté de nombreuses fois par l'artiste, dont l'un des tableaux ornait l'entrée.
Les recherches techniques de Lautrec à l'époque sont remarquables et doivent beaucoup à Degas. Gale Murray écrit ainsi: "Lautrec élabore alors une façon unique d'appliquer la peinture en fine couche avec de longs coups de pinceau striés. Il commence aussi à superposer ses pigments et, qu'il peigne sur des toiles préparées avec un fond blanc ou directement sur du carton, il laisse souvent des parties du support à nu, pour qu'elles fonctionnent comme "couleur". En diluant ses peintures à l'huile avec de la térébenthine (peinture à l'essence), il crée un mélange moins visqueux, au fini mat, conférant au tableau une apparence plus proche du dessin ou du pastel que de la peinture. Il élabore sa forme personnelle de la touche impressionniste et néo-impressionniste, sa "marque". Il délivre une interprétation personnelle à la peinture à l'huile de la façon dont Degas applique le pastel, mais aussi du dessin strié des illustrations d'artistes célèbres comme Steinlen, Forain et Raffaëlle" (Toulouse-Lautrec : The Formative Years, 1878-1891i, Oxford, 1991, p.177).
Le théâtre et le cirque ont fourni à Lautrec une inépuisable source de thèmes, de sujets et de modèles, allant des artistes du cirque aux chanteurs de cabaret, jusqu'à ses silhouettes solitaires si caractéristiques, souvent vues de derrière. Dans les coulisses : l'acrobate appartient à cette dernière catégorie. Dans cette magnifique étude de personnage, une acrobate solitaire se tient debout, légèrement voutée, un châle serré sur ses épaules, en attendant son retour sur scène. Le fait que la danseuse de Lautrec soit peut-être une artiste de cirque intrigue. En effet l'élément de parodie caractéristique du cirque, l'inversion des normes établies et des codes sociaux, ne peuvent pas être passés inaperçus auprès de Lautrec, qui admirait les caricatures de Daumier et Forain et dont le sens de l'humour mordant était légendaire. Le Cirque Fernando, plus tard rebaptisé Cirque Medrano, allait d'ailleurs offrir au jeune Pablo Picasso tout un répertoire de personnages marginaux au cours de sa célèbre Période Rose.
Few modern artists have captured the public imagination like Henri de Toulouse-Lautrec (fig. 1). His biography conforms perfectly to the notion of artistic agonies and social rebellion: born into a life of aristocratic privilege, he suffered a series of accidents as a child that left him a cripple, and he was ultimately to seek comfort in the bottle and friendship among the denizens of the Parisian demi-monde. To be sure, writers in Lautrec's day associated his physical deformity with moral decay and cultural transgression, eliding the man with his art and social practices. But there were also more generous and thoughtful critiques of Lautrec the artist: "There is a brash humour and a cruelty in Lautrec's work when he is depicting dance-halls, brothel interiors and unnatural liaisons," wrote Gustave Geffroy in 1893, "but he retains his integrity as an artist; his pitiless powers of observation preserve life's beauty, and the philosophy of vice which he parades with a sometimes provocative ostentation nevertheless takes on the force of a lesson in clinical morality through the strength of his drawing..." (quoted in Ibid., p. 13).
Like the peripheral faubourg he haunted--Montmartre was a contradictory mix of ateliers and tenements along the little back streets, and spectacular dance halls and café-concerts around the axial boulevards separating the quarter from the rest of Paris-- Lautrec moved between different and opposed worlds, testing, but never fully erasing, the social boundaries of his class and gender. In a word, Lautrec was the quintessential bohemian, working between the center and the margins of bourgeois life. He was just as apt to visit the prestigious Comédie Française as he was the Cirque Fernando, or dance halls such as Les Ambassadeurs, Le Mirliton, the raucous Folies Bergères, or the now legendary Moulin Rouge, which he depicted on numerous occasions and whose entry hall was graced by one of his paintings.
The theater and the circus provided Lautrec with a range of themes, subjects, and models, from circus performers to singers on stage to lone figures, often viewed from behind. Dans les coulisses: l'acrobate belongs to the latter category. In this magnificent character study, a solitary acrobat is standing, slightly slouched, hugging a shawl around her shoulders and awaiting her return to the scene.
Dans les coulisses: l'acrobate is a characteristic work of this period. Lautrec's technical experimentation at this time was notable, and much indebted to Degas. As Gale Murray writes : Lautrec was now evolving a distinctive way of applying paint thinly in long, striated brush strokes. He began also to layer his pigments, and whether he was painting on canvas primed with white ground or directly onto cardboard, he often left areas of the support exposed to function positively as "colour." By thinning his oil paints with turpentine (peinture à l'essence), he mixed a less viscous, matte finish, giving an appearance more commonly associated with drawing or pastel than painting. He was, in effect, consolidating his personal variation of the Impressionist and Neo-Impressionist touch--his "streak"--with his own adaptation in oil paints, first of Degas's manner of applying pastel, and second, of the streaky drawing in illustrations by popular artists such as Steinlen, Forain, and Raffaëlle. (G. Murray, Toulouse-Lautrec: The Formative Years, 1878-1891, Oxford, 1991, p. 177)
The possibility that Lautrec's dancer may be a circus performer is intriguing. The element of parody that is a stock-in-trade of the circus--the inversion of established norms and social codes--would not have been lost on Lautrec, who admired the caricatures of Daumier and Forain and whose biting humor was legendary. Indeed, the Cirque Fernando, later renamed the Cirque Médrano, would provide the youthful Pablo Picasso with a repertory of marginal social types during his celebrated Rose Period.
Peu d'artistes modernes ont capté l'imaginaire du public comme Toulouse-Lautrec. Son histoire personnelle est tout à fait conforme à l'image traditionnelle de l'artiste désespéré et socialement rebelle: issu d'une famille aristocratique privilégiée, une série d'accidents alors qu'il était enfant l'afflige d'handicaps physiques, qui l'amènent bientôt à chercher le réconfort dans l'alcool et les amitiés faciles du demi-monde parisien. Les critiques de son temps ont rapidement associé sa malformation physique à sa déchéance morale et sa transgression culturelle, confondant l'homme avec son art et ses pratiques sociales. Mais certains commentateurs furent plus réfléchis et bienveillants à son égard. "Il y a un humour bravache et une cruauté dans l'oeuvre de Lautrec lorsqu'il peint des bals, des intérieurs de bordels et des liaisons contre-nature", écrit ainsi Gustave Geffroy en 1893, "mais il conserve son intégrité d'artiste; sa puissance d'observation impitoyable préserve la beauté de la vie, et la philosophie du vice qu'il fait parader d'une façon parfois ostentatoire et provocante prend la force d'une leçon de morale grâce à la puissance de son dessin" (cité in Ibid., p. 13).
À l'image du faubourg qu'il fréquentait - Montmartre était à l'époque un mélange contrasté d'ateliers et taudis alignés dans les ruelles pauvres, et de bals et cabarets magnifiques le long du boulevard séparant le quartier du reste de Paris - Lautrec évoluait dans des mondes différents et radicalement opposés. S'amusant à défier les frontières sociales imposées par sa naissance et par son sexe, il ne parvint pourtant jamais à les effacer complètement. En un mot, Lautrec était l'archétype même du bohème, navigant du centre aux marges de la vie bourgeoise. Il pouvait aussi bien assister au spectacle à la prestigieuse Comédie Française que se rendre au Cirque Fernando, à des bals comme Les Ambassadeurs, Le Mirliton, les tapageuses Folies Bergères, ou encore le Moulin Rouge. Aujourd'hui légendaire, ce dernier fut représenté de nombreuses fois par l'artiste, dont l'un des tableaux ornait l'entrée.
Les recherches techniques de Lautrec à l'époque sont remarquables et doivent beaucoup à Degas. Gale Murray écrit ainsi: "Lautrec élabore alors une façon unique d'appliquer la peinture en fine couche avec de longs coups de pinceau striés. Il commence aussi à superposer ses pigments et, qu'il peigne sur des toiles préparées avec un fond blanc ou directement sur du carton, il laisse souvent des parties du support à nu, pour qu'elles fonctionnent comme "couleur". En diluant ses peintures à l'huile avec de la térébenthine (peinture à l'essence), il crée un mélange moins visqueux, au fini mat, conférant au tableau une apparence plus proche du dessin ou du pastel que de la peinture. Il élabore sa forme personnelle de la touche impressionniste et néo-impressionniste, sa "marque". Il délivre une interprétation personnelle à la peinture à l'huile de la façon dont Degas applique le pastel, mais aussi du dessin strié des illustrations d'artistes célèbres comme Steinlen, Forain et Raffaëlle" (Toulouse-Lautrec : The Formative Years, 1878-1891i, Oxford, 1991, p.177).
Le théâtre et le cirque ont fourni à Lautrec une inépuisable source de thèmes, de sujets et de modèles, allant des artistes du cirque aux chanteurs de cabaret, jusqu'à ses silhouettes solitaires si caractéristiques, souvent vues de derrière. Dans les coulisses : l'acrobate appartient à cette dernière catégorie. Dans cette magnifique étude de personnage, une acrobate solitaire se tient debout, légèrement voutée, un châle serré sur ses épaules, en attendant son retour sur scène. Le fait que la danseuse de Lautrec soit peut-être une artiste de cirque intrigue. En effet l'élément de parodie caractéristique du cirque, l'inversion des normes établies et des codes sociaux, ne peuvent pas être passés inaperçus auprès de Lautrec, qui admirait les caricatures de Daumier et Forain et dont le sens de l'humour mordant était légendaire. Le Cirque Fernando, plus tard rebaptisé Cirque Medrano, allait d'ailleurs offrir au jeune Pablo Picasso tout un répertoire de personnages marginaux au cours de sa célèbre Période Rose.
Few modern artists have captured the public imagination like Henri de Toulouse-Lautrec (fig. 1). His biography conforms perfectly to the notion of artistic agonies and social rebellion: born into a life of aristocratic privilege, he suffered a series of accidents as a child that left him a cripple, and he was ultimately to seek comfort in the bottle and friendship among the denizens of the Parisian demi-monde. To be sure, writers in Lautrec's day associated his physical deformity with moral decay and cultural transgression, eliding the man with his art and social practices. But there were also more generous and thoughtful critiques of Lautrec the artist: "There is a brash humour and a cruelty in Lautrec's work when he is depicting dance-halls, brothel interiors and unnatural liaisons," wrote Gustave Geffroy in 1893, "but he retains his integrity as an artist; his pitiless powers of observation preserve life's beauty, and the philosophy of vice which he parades with a sometimes provocative ostentation nevertheless takes on the force of a lesson in clinical morality through the strength of his drawing..." (quoted in Ibid., p. 13).
Like the peripheral faubourg he haunted--Montmartre was a contradictory mix of ateliers and tenements along the little back streets, and spectacular dance halls and café-concerts around the axial boulevards separating the quarter from the rest of Paris-- Lautrec moved between different and opposed worlds, testing, but never fully erasing, the social boundaries of his class and gender. In a word, Lautrec was the quintessential bohemian, working between the center and the margins of bourgeois life. He was just as apt to visit the prestigious Comédie Française as he was the Cirque Fernando, or dance halls such as Les Ambassadeurs, Le Mirliton, the raucous Folies Bergères, or the now legendary Moulin Rouge, which he depicted on numerous occasions and whose entry hall was graced by one of his paintings.
The theater and the circus provided Lautrec with a range of themes, subjects, and models, from circus performers to singers on stage to lone figures, often viewed from behind. Dans les coulisses: l'acrobate belongs to the latter category. In this magnificent character study, a solitary acrobat is standing, slightly slouched, hugging a shawl around her shoulders and awaiting her return to the scene.
Dans les coulisses: l'acrobate is a characteristic work of this period. Lautrec's technical experimentation at this time was notable, and much indebted to Degas. As Gale Murray writes : Lautrec was now evolving a distinctive way of applying paint thinly in long, striated brush strokes. He began also to layer his pigments, and whether he was painting on canvas primed with white ground or directly onto cardboard, he often left areas of the support exposed to function positively as "colour." By thinning his oil paints with turpentine (peinture à l'essence), he mixed a less viscous, matte finish, giving an appearance more commonly associated with drawing or pastel than painting. He was, in effect, consolidating his personal variation of the Impressionist and Neo-Impressionist touch--his "streak"--with his own adaptation in oil paints, first of Degas's manner of applying pastel, and second, of the streaky drawing in illustrations by popular artists such as Steinlen, Forain, and Raffaëlle. (G. Murray, Toulouse-Lautrec: The Formative Years, 1878-1891, Oxford, 1991, p. 177)
The possibility that Lautrec's dancer may be a circus performer is intriguing. The element of parody that is a stock-in-trade of the circus--the inversion of established norms and social codes--would not have been lost on Lautrec, who admired the caricatures of Daumier and Forain and whose biting humor was legendary. Indeed, the Cirque Fernando, later renamed the Cirque Médrano, would provide the youthful Pablo Picasso with a repertory of marginal social types during his celebrated Rose Period.