Lot Essay
« Jeannette était à la fois la tendresse et le silence, la beauté et le pardon. […] Après les orages de sa liaison avec Béatrice puis les désordres de l’errance, Modigliani, déjà usé, trouvait auprès de Jeanne un havre de repos ».
D. Marchesseau, cité in Amedeo Modigliani, cat. exp., Musée d’art moderne de la ville de Paris, Paris, 1981.
"Ils devinrent amoureux l'un de l'autre, et à notre insu, le peintre persuada notre fille de s'évader de la maison paternelle.
Notre fille nous a caché ce fait pendant plusieurs mois, en retournant de temps en temps chez nous, et en nous faisant croire qu'entre-temps elle s'était rendue chez des parents de province.
Mais au mois de mars de l'année suivante, elle ne put plus cacher à sa mère qu'elle était enceinte, et comme nous eûmes alors des déclarations de la part du nommé Modigliani qui nous rassurèrent complètement, nous pardonnâmes sa faute à notre fille qui le 29 novembre accoucha à Nice d'une fille qui fut enregistrée à l'état civil de cette ville avec le nom de Jeanne, fille de Jeanne Hébuterne."
Achille Casimir Hébuterne, père d'André et Jeanne Hébuterne, déclaration faite devant le notaire le 28 mars 1923 au sujet de la rencontre de Jeanne et Modigliani.
Appartenant initialement à l'artiste Jeanne Hébuterne (1898-1920) avant qu'elle ne le donne à son frère et mentor André Hébuterne (1894-1992), ce dessin est d'une rareté inédite, puisqu'il représente un portrait de la jeune femme réalisé par son amant, le grand artiste Modigliani. Etant donc restée dans la même famille depuis plus de cent ans, ce portrait de « Jeannette » est une redécouverte qui célèbre la naissance des amours brèves mais ardentes des deux artistes, condamnées à un dénouement cruel.
Avant que cette oeuvre ne soit exposée pour la première fois au Japon en 2007, les sources sur Hébuterne et Modigliani divergeaient quant au jour exact de leur première rencontre. Certaines avançaient que le sculpteur Chana Orloff se chargea des présentations au célèbre café de La Rotonde en mars 1917. D'autres affrmaient que Modigliani ft pour la première fois la cour à Jeanne en costume de Pierrot lors d'une soirée déguisée en février 1917, ou encore qu'ils se connurent à l'Académie Colarossi. Or ce dessin signé, daté et dédicacé – « À Jeannette, 30 décembre 1916, Modigliani » – est bien la preuve concrète que leurs chemins s'étaient croisés dès la fin 1916. Il constitue donc l'un des premiers témoignages de l'amour qui lia Jeanne, à dix-huit ans seulement, au peintre italien de trente-deux ans. Sans rien dévoiler des circonstances de leur entrevue, Modigliani saisit ici son modèle en quelques coups de crayons fuides et spontanés, mais d'une précision remarquable : on reconnaît instantanément le personnage à ses deux longues tresses, sa coiffe insolite et ses yeux en amande. Les traits qui se dessinent sur le visage de Jeanne Hébuterne dans une série de portraits-photos de la fn des années 1910 nous indiquent qu'il s'agit bien de la même femme, dont l'on retrouve aussi les signes distinctifs dans un autoportrait daté de 1917 et vendu par Christie's Paris il y a trois ans exactement, en octobre 2018, pour près de 250 000 euros.
Regard perçant rivé sur l'observateur, aplats de couleurs vives et franches... À rebours des témoignages qui la décrivent comme un être timide, introverti et délicat, dans ce tableau saisissant Jeanne se dépeint au contraire en créature confante et décidée. Contre le gré de sa famille, elle fera alors le choix d'emménager chez Modigliani– alcoolique notoire et infirme par-dessus le marché – au 8, rue de la Grande-Chaumière vers juillet 1917. À peine un an plus tard, elle met au monde leur premier enfant, Jeanne, ou Giovanna, née à Nice en novembre 1918. Dans le dessin de Modigliani, en revanche, la jeune artiste apparaît en demoiselle élégante, sereine, voire candide – l'absence de bruit, de mouvement, et de tout autre élément superflu contribue à l'atmosphère de calme, de pureté, de sainteté, même, que dégage l'ensemble. D'une certaine manière, cette oeuvre marque ainsi une rupture avec la passion violente que l'Italien avait précédemment vécue avec Béatrice Hastings. Un contraste que Daniel Marchesseau soulignait d'ailleurs dans le catalogue de la rétrospective parisienne de Modigliani en 1981.
"Jeannette was both tenderness and silence, beauty, and forgiveness. […] After the storms of his affair with Béatrice and the disorders of wandering, Modigliani found with Jeanne a haven of rest".
D. Marchesseau, quoted in Amedeo Modigliani, exh. cat., Musée d’art moderne de la ville de Paris, Paris, 1981.
"They fell in love with one another, and without us knowing, the painter convinced our daughter to flee her family home. Our daughter hid this from us for several months, as she would regularly come back home making us believe that she had visited some family in the countryside.
However, in March the following year, she couldn’t hide her pregnancy anymore from her mother and as we received declarations from this man named Modigliani that were very reassuring, we forgave our daughter who gave birth in Nice to a little girl on 29 November, who was registered in that city’s birth records as Jeanne, daughter of Jeanne Hébuterne".
Achille Casimir Hébuterne, André and Jeanne Hébuterne’s father, making a declaration in front of the notary on 28 March 1923 to describe the meeting of Modigliani and his daughter.
Initially belonging to Jeanne Hébuterne (1898-1920) before she gifted it to her brother and mentor André Hébuterne (1894-1992), this is an incredibly rare drawing as it represents the young woman portrayed by her lover, the great artist Modigliani. Having therefore remained in the same family for over a hundred years, this portrait of ‘Jeannette’ is a complete rediscovery, that celebrates the beginning of the short but intensely passionate relationship of the two artists, that ended in tragedy.
Before this work was exhibited publicly for the very first time in Japan in 2007, several sources on Hébuterne and Modigliani did not seem to concur with regards to the exact date of their first encounter. Some said it was fellow Ukrainian sculptor Chana Orloff who introduced Jeanne to Modigliani at the famous café La Rotonde in March 2017. Others stated that Modigliani, dressed up as Pierrot, courted Jeanne for the first time at a dressed-up party in February 1917 and some claimed they met at the Académie Colorassi. Finally, there is no doubt that it was actually as early as the end of the year of 1916 -at least before 30th December 1916 - that they crossed paths as confirmed by the present drawing, signed, dated and dedicated ‘à Jeannette 30 décembre 1916 Modigliani’. Hence this drawing is most likely one of the first testimonies of their love at first sight, Jeanne aged barely 18 years old, and Modigliani aged 32 years old.
Whatever the circumstances of their meeting, Modigliani captured his sitter’s features with a few spontaneous, fluid yet precise pencil lines: she is immediately recognizable with her two long braids, her headdress and her almond-shaped eyes. Extracting the essential lines of the sitter in the photographs of Jeanne Hébuterne taken in the late 1910s, she is clearly the same person as Jeanne’s own self-portrait that she executed in 1917, sold by Christie’s Paris exactly three years ago in October 2018 for almost € 250,000. The latter defies the known descriptions of Jeanne being a shy, quiet and delicate character. With her piercing almond-shaped eyes staring straight out at the beholder and her use of flat, bold colours, Jeanne seems to portray herself as a confident young woman. Against her family’s will, she had taken the decision to move in with Modigliani - who was already sick on top of his reputation of being a drunkard - in July 1917 in his studio located 8, rue de la Grande Chaumière. Only a year later, Jeanne would give birth in Nice to their first child, Jeanne or Giovanna, born in November 1918. In contrast, Modigliani’s drawing presents Jeanne as an elegant, calm, possibly naïve young woman – the absence of noise, movement, or any other extraneous element seems to contribute to the overall serenity, purity and to some extent, holiness of Jeanne’s portrait. In some ways, it incarnates the end of the artist’s previous violent passion with English novelist Beatrice Hastings, as noted by Daniel Marchesseau in the 1981.
D. Marchesseau, cité in Amedeo Modigliani, cat. exp., Musée d’art moderne de la ville de Paris, Paris, 1981.
"Ils devinrent amoureux l'un de l'autre, et à notre insu, le peintre persuada notre fille de s'évader de la maison paternelle.
Notre fille nous a caché ce fait pendant plusieurs mois, en retournant de temps en temps chez nous, et en nous faisant croire qu'entre-temps elle s'était rendue chez des parents de province.
Mais au mois de mars de l'année suivante, elle ne put plus cacher à sa mère qu'elle était enceinte, et comme nous eûmes alors des déclarations de la part du nommé Modigliani qui nous rassurèrent complètement, nous pardonnâmes sa faute à notre fille qui le 29 novembre accoucha à Nice d'une fille qui fut enregistrée à l'état civil de cette ville avec le nom de Jeanne, fille de Jeanne Hébuterne."
Achille Casimir Hébuterne, père d'André et Jeanne Hébuterne, déclaration faite devant le notaire le 28 mars 1923 au sujet de la rencontre de Jeanne et Modigliani.
Appartenant initialement à l'artiste Jeanne Hébuterne (1898-1920) avant qu'elle ne le donne à son frère et mentor André Hébuterne (1894-1992), ce dessin est d'une rareté inédite, puisqu'il représente un portrait de la jeune femme réalisé par son amant, le grand artiste Modigliani. Etant donc restée dans la même famille depuis plus de cent ans, ce portrait de « Jeannette » est une redécouverte qui célèbre la naissance des amours brèves mais ardentes des deux artistes, condamnées à un dénouement cruel.
Avant que cette oeuvre ne soit exposée pour la première fois au Japon en 2007, les sources sur Hébuterne et Modigliani divergeaient quant au jour exact de leur première rencontre. Certaines avançaient que le sculpteur Chana Orloff se chargea des présentations au célèbre café de La Rotonde en mars 1917. D'autres affrmaient que Modigliani ft pour la première fois la cour à Jeanne en costume de Pierrot lors d'une soirée déguisée en février 1917, ou encore qu'ils se connurent à l'Académie Colarossi. Or ce dessin signé, daté et dédicacé – « À Jeannette, 30 décembre 1916, Modigliani » – est bien la preuve concrète que leurs chemins s'étaient croisés dès la fin 1916. Il constitue donc l'un des premiers témoignages de l'amour qui lia Jeanne, à dix-huit ans seulement, au peintre italien de trente-deux ans. Sans rien dévoiler des circonstances de leur entrevue, Modigliani saisit ici son modèle en quelques coups de crayons fuides et spontanés, mais d'une précision remarquable : on reconnaît instantanément le personnage à ses deux longues tresses, sa coiffe insolite et ses yeux en amande. Les traits qui se dessinent sur le visage de Jeanne Hébuterne dans une série de portraits-photos de la fn des années 1910 nous indiquent qu'il s'agit bien de la même femme, dont l'on retrouve aussi les signes distinctifs dans un autoportrait daté de 1917 et vendu par Christie's Paris il y a trois ans exactement, en octobre 2018, pour près de 250 000 euros.
Regard perçant rivé sur l'observateur, aplats de couleurs vives et franches... À rebours des témoignages qui la décrivent comme un être timide, introverti et délicat, dans ce tableau saisissant Jeanne se dépeint au contraire en créature confante et décidée. Contre le gré de sa famille, elle fera alors le choix d'emménager chez Modigliani– alcoolique notoire et infirme par-dessus le marché – au 8, rue de la Grande-Chaumière vers juillet 1917. À peine un an plus tard, elle met au monde leur premier enfant, Jeanne, ou Giovanna, née à Nice en novembre 1918. Dans le dessin de Modigliani, en revanche, la jeune artiste apparaît en demoiselle élégante, sereine, voire candide – l'absence de bruit, de mouvement, et de tout autre élément superflu contribue à l'atmosphère de calme, de pureté, de sainteté, même, que dégage l'ensemble. D'une certaine manière, cette oeuvre marque ainsi une rupture avec la passion violente que l'Italien avait précédemment vécue avec Béatrice Hastings. Un contraste que Daniel Marchesseau soulignait d'ailleurs dans le catalogue de la rétrospective parisienne de Modigliani en 1981.
"Jeannette was both tenderness and silence, beauty, and forgiveness. […] After the storms of his affair with Béatrice and the disorders of wandering, Modigliani found with Jeanne a haven of rest".
D. Marchesseau, quoted in Amedeo Modigliani, exh. cat., Musée d’art moderne de la ville de Paris, Paris, 1981.
"They fell in love with one another, and without us knowing, the painter convinced our daughter to flee her family home. Our daughter hid this from us for several months, as she would regularly come back home making us believe that she had visited some family in the countryside.
However, in March the following year, she couldn’t hide her pregnancy anymore from her mother and as we received declarations from this man named Modigliani that were very reassuring, we forgave our daughter who gave birth in Nice to a little girl on 29 November, who was registered in that city’s birth records as Jeanne, daughter of Jeanne Hébuterne".
Achille Casimir Hébuterne, André and Jeanne Hébuterne’s father, making a declaration in front of the notary on 28 March 1923 to describe the meeting of Modigliani and his daughter.
Initially belonging to Jeanne Hébuterne (1898-1920) before she gifted it to her brother and mentor André Hébuterne (1894-1992), this is an incredibly rare drawing as it represents the young woman portrayed by her lover, the great artist Modigliani. Having therefore remained in the same family for over a hundred years, this portrait of ‘Jeannette’ is a complete rediscovery, that celebrates the beginning of the short but intensely passionate relationship of the two artists, that ended in tragedy.
Before this work was exhibited publicly for the very first time in Japan in 2007, several sources on Hébuterne and Modigliani did not seem to concur with regards to the exact date of their first encounter. Some said it was fellow Ukrainian sculptor Chana Orloff who introduced Jeanne to Modigliani at the famous café La Rotonde in March 2017. Others stated that Modigliani, dressed up as Pierrot, courted Jeanne for the first time at a dressed-up party in February 1917 and some claimed they met at the Académie Colorassi. Finally, there is no doubt that it was actually as early as the end of the year of 1916 -at least before 30th December 1916 - that they crossed paths as confirmed by the present drawing, signed, dated and dedicated ‘à Jeannette 30 décembre 1916 Modigliani’. Hence this drawing is most likely one of the first testimonies of their love at first sight, Jeanne aged barely 18 years old, and Modigliani aged 32 years old.
Whatever the circumstances of their meeting, Modigliani captured his sitter’s features with a few spontaneous, fluid yet precise pencil lines: she is immediately recognizable with her two long braids, her headdress and her almond-shaped eyes. Extracting the essential lines of the sitter in the photographs of Jeanne Hébuterne taken in the late 1910s, she is clearly the same person as Jeanne’s own self-portrait that she executed in 1917, sold by Christie’s Paris exactly three years ago in October 2018 for almost € 250,000. The latter defies the known descriptions of Jeanne being a shy, quiet and delicate character. With her piercing almond-shaped eyes staring straight out at the beholder and her use of flat, bold colours, Jeanne seems to portray herself as a confident young woman. Against her family’s will, she had taken the decision to move in with Modigliani - who was already sick on top of his reputation of being a drunkard - in July 1917 in his studio located 8, rue de la Grande Chaumière. Only a year later, Jeanne would give birth in Nice to their first child, Jeanne or Giovanna, born in November 1918. In contrast, Modigliani’s drawing presents Jeanne as an elegant, calm, possibly naïve young woman – the absence of noise, movement, or any other extraneous element seems to contribute to the overall serenity, purity and to some extent, holiness of Jeanne’s portrait. In some ways, it incarnates the end of the artist’s previous violent passion with English novelist Beatrice Hastings, as noted by Daniel Marchesseau in the 1981.