Lot Essay
Charles Darwin as a Young Man (2013) fut présenté en 2015 lors de l’exposition phare consacrée à Adrian Ghenie à la Biennale de Venise. C’est précisément cette exposition, intitulée « Darwin’s Room », qui permit au jeune peintre roumain d’acquérir sa renommée sur la scène internationale. Darwin, le père de la biologie de l’évolution, allait devenir l’un des sujets récurrents et emblématiques de l’artiste. Les portraits saisissants du biologiste que Ghenie a réalisés sont révélateurs de la façon dont il appréhende l’histoire.
L’artiste met en scène des personnages ayant impacté le destin de l’humanité, pour le meilleur ou pour le pire. Ainsi, Vincent Van Gogh a changé le cours de l’histoire de l’art. Elvis Presley a transformé radicalement la musique. Les dictatures du XXe siècle – du Troisième Reich au régime de Ceaușescu – ont modifié en profondeur le tissu des sociétés. Les théories de Darwin ont marqué un tournant dans la science, mais elles ont également été exploitées par le régime nazi. De nombreuses peintures de la série « Darwin’s Room » évoquent d’ailleurs ce conflit.
L’art de Ghenie explore la façon dont ces figures continuent à exister dans notre imagination. À l’ère des écrans, l’artiste pense qu’elles sont susceptibles d’être aplaties facilement. À travers la peinture, Ghenie tente de « re-matérialiser » le passé. Son coup de pinceau spontané et ses couleurs intenses donnent vie à ses sujets. Ils sont remplis de mouvements et de sensations, atteignant presque une forme d’abstraction. Le plasticien nous rappelle que ces personnages existaient autrefois en chair et en os, et qu’ils sont bien plus qu’une image pixellisée aperçue à travers l’écran d’un ordinateur.
Réalisé en 2013, Charles Darwin as a Young Man porte en lui la trace des nombreuses influences précoces de Ghenie. Il rappelle les portraits animés de Francis Bacon et les surfaces marbrées de Gerhard Richter, ainsi que le geste expressif de Van Gogh. Ghenie se délecte des accidents picturaux et les encourage délibérément dans son travail à l’atelier. Il s’inspire également du cinéma, des films de David Lynch aux sketches burlesques des Three Stooges. Les mouvements abstraits et l’épaisse matière de cette œuvre rappellent ses précédentes études « Pie Fight », exposées l’année précédente.
C’est une photographie de Darwin, datant de 1854, qui a inspiré ce portrait à l’artiste. À cette époque, le chercheur en biologie, âgé de 45 ans, travaille sur De l’origine des espèces (1859), une publication qui allait s’avérer révolutionnaire. Ghenie note que Darwin souffrait alors de nombreux maux sur le plan physiologique, notamment d’une maladie de peau qui l’obligeait à porter souvent des bandages. Ainsi « chaque année, pendant sept ou huit mois, il se montrait incapable de travailler car il se sentait constamment mal en point. Il était trahi par son propre corps » [1].
Ici, Ghenie apporte un peu de cette « texture » à l’image de Darwin. Le temps peut obscurcir la réalité, suggère-t-il, mais la peinture possède le pouvoir de lui redonner vie.
[1] A. Ghenie, en conversation avec M. Radudans dans Adrian Ghenie: Darwin’s Room, catalogue d’exposition, Pavillon roumain, Venise, 2015, p. 29.
Charles Darwin as a Young Man (2013) was included in Adrian Ghenie’s landmark exhibition at the Venice Biennale in 2015. It was this show, entitled ‘’Darwin’s Room’’, that brought the young Romanian painter to international acclaim. Darwin, the father of evolutionary biology, would become one of Ghenie’s most celebrated subjects. His vivid portraits of him reveal much about the artist’s understanding of history.
Ghenie depicts figures who, for better or worse, changed humankind. Vincent van Gogh altered the course of art history. Elvis Presley transformed music. The dictatorships of the twentieth century—from the Third Reich to the Ceaușescu regime—changed the very fabric of society. Darwin’s theories were a turning point in science, but were also exploited by the Nazi regime. Many of the paintings in ‘’Darwin’s Room’’ addressed this conflict.
Ghenie’s art explores how these figures live in our imagination. In an age of digital screens, he believes, it is easy for them to become flattened. Through paint, Ghenie attempts to ‘’re-materialise’’ the past. His visceral brushwork and heightened colours inject his subjects with life. They are filled with movement and sensation, often dissolving into abstraction. He reminds us that they were once flesh and blood—not simply a grainy figment seen through the glass of a computer.
Painted in 2013, Charles Darwin as a Young Man demonstrates many of Ghenie’s early influences. It recalls Francis Bacon’s animated portraits and Gerhard Richter’s marbled surfaces, as well as van Gogh’s expressive brushwork. Ghenie delights in painterly accidents, and deliberately encourages them in his studio. He is also inspired by cinema: from the films of David Lynch, to the slapstick “pie fight” sketches of The Three Stooges. The thick abstract gestures of the present work echo those of Ghenie’s seminal ‘’Pie Fight Studies’’, exhibited the previous year.
The work’s source is a photo of Darwin, believed to have been taken in 1854. At that time, he would actually have been 45, and preparing his ground-breaking publication On the Origin of the Species (1859). Ghenie notes that Darwin suffered from a range of physical dysfunctions, including a skin condition that often required him to be fully bandaged. “He said that for a period of every year, for seven or eight months, he was unable to work, because he felt constantly unwell,” he explains; “… he was betrayed by his own body.” [1]
Here, Ghenie brings some of this “texture” to Darwin’s image. Time might obscure reality, he suggests, but paint can bring it back to life.
[1] A. Ghenie, in conversation with M. Radu, in Adrian Ghenie: Darwin’s Room, exhibition catalog, Romanian Pavilion, Venice 2015, p. 29.
L’artiste met en scène des personnages ayant impacté le destin de l’humanité, pour le meilleur ou pour le pire. Ainsi, Vincent Van Gogh a changé le cours de l’histoire de l’art. Elvis Presley a transformé radicalement la musique. Les dictatures du XXe siècle – du Troisième Reich au régime de Ceaușescu – ont modifié en profondeur le tissu des sociétés. Les théories de Darwin ont marqué un tournant dans la science, mais elles ont également été exploitées par le régime nazi. De nombreuses peintures de la série « Darwin’s Room » évoquent d’ailleurs ce conflit.
L’art de Ghenie explore la façon dont ces figures continuent à exister dans notre imagination. À l’ère des écrans, l’artiste pense qu’elles sont susceptibles d’être aplaties facilement. À travers la peinture, Ghenie tente de « re-matérialiser » le passé. Son coup de pinceau spontané et ses couleurs intenses donnent vie à ses sujets. Ils sont remplis de mouvements et de sensations, atteignant presque une forme d’abstraction. Le plasticien nous rappelle que ces personnages existaient autrefois en chair et en os, et qu’ils sont bien plus qu’une image pixellisée aperçue à travers l’écran d’un ordinateur.
Réalisé en 2013, Charles Darwin as a Young Man porte en lui la trace des nombreuses influences précoces de Ghenie. Il rappelle les portraits animés de Francis Bacon et les surfaces marbrées de Gerhard Richter, ainsi que le geste expressif de Van Gogh. Ghenie se délecte des accidents picturaux et les encourage délibérément dans son travail à l’atelier. Il s’inspire également du cinéma, des films de David Lynch aux sketches burlesques des Three Stooges. Les mouvements abstraits et l’épaisse matière de cette œuvre rappellent ses précédentes études « Pie Fight », exposées l’année précédente.
C’est une photographie de Darwin, datant de 1854, qui a inspiré ce portrait à l’artiste. À cette époque, le chercheur en biologie, âgé de 45 ans, travaille sur De l’origine des espèces (1859), une publication qui allait s’avérer révolutionnaire. Ghenie note que Darwin souffrait alors de nombreux maux sur le plan physiologique, notamment d’une maladie de peau qui l’obligeait à porter souvent des bandages. Ainsi « chaque année, pendant sept ou huit mois, il se montrait incapable de travailler car il se sentait constamment mal en point. Il était trahi par son propre corps » [1].
Ici, Ghenie apporte un peu de cette « texture » à l’image de Darwin. Le temps peut obscurcir la réalité, suggère-t-il, mais la peinture possède le pouvoir de lui redonner vie.
[1] A. Ghenie, en conversation avec M. Radudans dans Adrian Ghenie: Darwin’s Room, catalogue d’exposition, Pavillon roumain, Venise, 2015, p. 29.
Charles Darwin as a Young Man (2013) was included in Adrian Ghenie’s landmark exhibition at the Venice Biennale in 2015. It was this show, entitled ‘’Darwin’s Room’’, that brought the young Romanian painter to international acclaim. Darwin, the father of evolutionary biology, would become one of Ghenie’s most celebrated subjects. His vivid portraits of him reveal much about the artist’s understanding of history.
Ghenie depicts figures who, for better or worse, changed humankind. Vincent van Gogh altered the course of art history. Elvis Presley transformed music. The dictatorships of the twentieth century—from the Third Reich to the Ceaușescu regime—changed the very fabric of society. Darwin’s theories were a turning point in science, but were also exploited by the Nazi regime. Many of the paintings in ‘’Darwin’s Room’’ addressed this conflict.
Ghenie’s art explores how these figures live in our imagination. In an age of digital screens, he believes, it is easy for them to become flattened. Through paint, Ghenie attempts to ‘’re-materialise’’ the past. His visceral brushwork and heightened colours inject his subjects with life. They are filled with movement and sensation, often dissolving into abstraction. He reminds us that they were once flesh and blood—not simply a grainy figment seen through the glass of a computer.
Painted in 2013, Charles Darwin as a Young Man demonstrates many of Ghenie’s early influences. It recalls Francis Bacon’s animated portraits and Gerhard Richter’s marbled surfaces, as well as van Gogh’s expressive brushwork. Ghenie delights in painterly accidents, and deliberately encourages them in his studio. He is also inspired by cinema: from the films of David Lynch, to the slapstick “pie fight” sketches of The Three Stooges. The thick abstract gestures of the present work echo those of Ghenie’s seminal ‘’Pie Fight Studies’’, exhibited the previous year.
The work’s source is a photo of Darwin, believed to have been taken in 1854. At that time, he would actually have been 45, and preparing his ground-breaking publication On the Origin of the Species (1859). Ghenie notes that Darwin suffered from a range of physical dysfunctions, including a skin condition that often required him to be fully bandaged. “He said that for a period of every year, for seven or eight months, he was unable to work, because he felt constantly unwell,” he explains; “… he was betrayed by his own body.” [1]
Here, Ghenie brings some of this “texture” to Darwin’s image. Time might obscure reality, he suggests, but paint can bring it back to life.
[1] A. Ghenie, in conversation with M. Radu, in Adrian Ghenie: Darwin’s Room, exhibition catalog, Romanian Pavilion, Venice 2015, p. 29.