Lot Essay
« Pour moi, la culture artistique est comme un immense tapis que nous plions et déplions en permanence », écrivait Sean Scully en 2010. « Chaque fois qu’il est retourné, plié, déplié, il nous montre quelque chose de nouveau ou d’oublié qui semble désormais actuel ». [1]
Red Unfolding (2009) appartient à un ensemble d’œuvres dont le titre renvoie à ce concept. Après plus de trois décennies de pratique, Scully commence à réfléchir en profondeur aux liens qu’il entretient avec les mouvements artistiques antérieurs. Au début de sa trajectoire de peintre, il prend position contre l’art conceptuel, déclarant que l’abstraction doit exprimer l’émotion humaine. Bridget Riley, Frank Stella et Mark Rothko ont notamment influencé son travail. À l’époque de Red Unfolding, Scully commence à exprimer ses opinions de manière plus étayée sur le plan historique. Dans ses écrits d’alors, il étudie l’œuvre d’artistes allant de Georges Seurat à Vincent Van Gogh, en passant par Piet Mondrian, Kasimir Malevich ou les peintres du mouvement cubiste. Il se rend compte que, quelle que soit l’époque, l’art a toujours été aux prises avec la relation entre la forme et l’émotion. Seul le mode d’expression a changé.
Dans les années 1970, Scully fait allégeance aux rayures. Universelles, ces formes simples et imbriquées lui permettent de « dérouler » l’histoire. Elles réunissent à la fois l’approche sérielle et répétitive du minimalisme, et les coups de pinceau libres de l’expressionnisme abstrait. Elles combinent les idéaux classiques de beauté et d’harmonie avec l’ambiguïté postmoderne. D’une certaine façon, elles « chevauchent » la nature et la culture, convoquant de nombreux sujets, des lignes d’horizon lointaines aux façades construites par l’homme. Avec son patchwork de bandes horizontales et verticales, la composition de Red Unfolding rappelle le cycle Wall of Light de Scully, inspiré par un voyage au Mexique dans les années 1980. Il y avait observé le jeu du soleil et de l’ombre sur l’architecture Maya, fasciné par la manière dont la lumière ancienne semblait filtrer à travers les fissures et pénétrer dans le monde moderne.
Cette identification de l’histoire de l’art à un « immense tapis » rappelle une autre influence majeure. Quarante ans plus tôt, en 1969, Scully avait visité le Maroc pour la première fois. Il était tombé amoureux des motifs rayés des textiles locaux, qui lui rappelaient son enfance, lorsqu’il tricotait auprès de sa mère. Scully retournera dans le pays à plusieurs reprises. Au fil des ans, ses palettes riches et terreuses ont toujours fait écho aux tissus brûlés par le soleil d’Afrique du Nord, se mêlant aux couleurs de son Irlande natale. Ici, les tons bleus et noirs se mêlent au roux, à l’orange, à l’acajou, au jaune et au rose pâle. Un spectre de rouge se déploie sur les trois mètres de la toile.
Scully a déclaré qu’il voulait « faire quelque chose dans [sa] vie d'extraordinaire ». [2] À travers le motif humble de la rayure, il a voyagé à travers les époques et les continents. Il s’est interrogé sur la manière dont nous vivons le monde et sur la façon dont l’art peut capturer ces sensations. « Chaque fois que [la culture artistique] est repliée, elle développe de nouveaux secrets, de nouvelles merveilles », écrit-il. « C’est pourquoi l’idée de plier et de déplier est si importante pour moi. C’est pourquoi j’ai utilisé le titre de différentes manières. Plier, déplier ». [3]
[1] S. Scully, cité dans “Fold”, 4 janvier 2010. Reproduit dans K. Grovier (éd.), Inner : The Collected Writings and Selected Interviews of Sean Scully, Berlin, 2016, p. 268.
[2] S. Scully, entretien avec R. Eric Davis, dans Journal of Contemporary Art, 1999, www.jca-online.com/scully.html
[3] S. Scully, ibid.
“Artistic culture, to me, is like a huge rug that is constantly folded and unfolded by us,” wrote Sean Scully in 2010. “Every time it’s turned over, turned out, unfolded: it shows us something new or something overlooked that now seems new.” [1]
Red Unfolding (2009) belongs to a group of works titled in relation to this idea. After more than three decades of practice, Scully began to think deeply about his connections with the art of the past. Early on in his career, he had taken a stand against Conceptualism, declaring that abstraction should express human emotion. Bridget Riley, Frank Stella and Mark Rothko were among his influences. By the time of Red Unfolding, Scully was starting to contextualise his views in greater historical detail. His writings of the period dissect artists ranging from Georges Seurat and Vincent van Gogh to Piet Mondrian, Kazimir Malevich and the Cubists. Art across the ages, he realised, had grappled with the relationship between form and feeling. All that had changed was the mode of expression.
Back in the 1970s, Scully had pledged his allegiance to stripes. Universal in form, these simple, interlocking shapes allowed him to “unfold” history. They united the serial structures of Minimalism with the loose brushwork of Abstract Expressionism. They combined classical ideals of beauty and harmony with postmodern ambiguity. They straddled nature and culture, conjuring everything from distant horizon lines to manmade façades. The composition of Red Unfolding, with its patchwork of horizontal and vertical bands, recalls Scully’s Wall of Light cycle, inspired by a trip to Mexico in the 1980s. There he had observed the play of sun and shadow upon Mayan architecture, fascinated by the way that ancient light seemed to filter through the cracks and into the modern world.
Scully’s description of art history as a “huge rug” calls to mind another major influence. Forty years earlier, in 1969, he had visited Morocco for the first time. He fell in love with the striped patterns of local textiles, which sparked childhood memories of knitting with his mother. Scully would return to the country on multiple occasions. Over the years, his rich, earthen palettes have repeatedly echoed the sun-baked fabrics of North Africa, mingling with the colours of his native Ireland. Here, tones of blue and black are interwoven with russet, orange, mahogany, yellow and pale pink. Across three meters of canvas, a spectrum of red unfolds.
Scully said that he wanted “to do something in my life that wasn’t ordinary”. [2] Through the humble stripe, he has travelled across time periods and continents. He has asked questions about how we experience the world, and about how art can capture those sensations. “Every time [artistic culture] is refolded it grows new secrets, new wonders,” he wrote. “… This is why the idea of folding, unfolding is so important to me. This is why I have used the title in various ways. Folding in, Folding out.” [3]
[1] S. Scully, quoted in ‘’Fold’’, 4 January 2010. Reproduced in K. Grovier (ed.), Inner: The Collected Writings and Selected Interviews of Sean Scully, Berlin, 2016, p. 268.
[2] S. Scully, interview with R. Eric Davis, in Journal of Contemporary Art, 1999, www.jcaonline.com/scully.html.
[3] S. Scully, ibid.
Red Unfolding (2009) appartient à un ensemble d’œuvres dont le titre renvoie à ce concept. Après plus de trois décennies de pratique, Scully commence à réfléchir en profondeur aux liens qu’il entretient avec les mouvements artistiques antérieurs. Au début de sa trajectoire de peintre, il prend position contre l’art conceptuel, déclarant que l’abstraction doit exprimer l’émotion humaine. Bridget Riley, Frank Stella et Mark Rothko ont notamment influencé son travail. À l’époque de Red Unfolding, Scully commence à exprimer ses opinions de manière plus étayée sur le plan historique. Dans ses écrits d’alors, il étudie l’œuvre d’artistes allant de Georges Seurat à Vincent Van Gogh, en passant par Piet Mondrian, Kasimir Malevich ou les peintres du mouvement cubiste. Il se rend compte que, quelle que soit l’époque, l’art a toujours été aux prises avec la relation entre la forme et l’émotion. Seul le mode d’expression a changé.
Dans les années 1970, Scully fait allégeance aux rayures. Universelles, ces formes simples et imbriquées lui permettent de « dérouler » l’histoire. Elles réunissent à la fois l’approche sérielle et répétitive du minimalisme, et les coups de pinceau libres de l’expressionnisme abstrait. Elles combinent les idéaux classiques de beauté et d’harmonie avec l’ambiguïté postmoderne. D’une certaine façon, elles « chevauchent » la nature et la culture, convoquant de nombreux sujets, des lignes d’horizon lointaines aux façades construites par l’homme. Avec son patchwork de bandes horizontales et verticales, la composition de Red Unfolding rappelle le cycle Wall of Light de Scully, inspiré par un voyage au Mexique dans les années 1980. Il y avait observé le jeu du soleil et de l’ombre sur l’architecture Maya, fasciné par la manière dont la lumière ancienne semblait filtrer à travers les fissures et pénétrer dans le monde moderne.
Cette identification de l’histoire de l’art à un « immense tapis » rappelle une autre influence majeure. Quarante ans plus tôt, en 1969, Scully avait visité le Maroc pour la première fois. Il était tombé amoureux des motifs rayés des textiles locaux, qui lui rappelaient son enfance, lorsqu’il tricotait auprès de sa mère. Scully retournera dans le pays à plusieurs reprises. Au fil des ans, ses palettes riches et terreuses ont toujours fait écho aux tissus brûlés par le soleil d’Afrique du Nord, se mêlant aux couleurs de son Irlande natale. Ici, les tons bleus et noirs se mêlent au roux, à l’orange, à l’acajou, au jaune et au rose pâle. Un spectre de rouge se déploie sur les trois mètres de la toile.
Scully a déclaré qu’il voulait « faire quelque chose dans [sa] vie d'extraordinaire ». [2] À travers le motif humble de la rayure, il a voyagé à travers les époques et les continents. Il s’est interrogé sur la manière dont nous vivons le monde et sur la façon dont l’art peut capturer ces sensations. « Chaque fois que [la culture artistique] est repliée, elle développe de nouveaux secrets, de nouvelles merveilles », écrit-il. « C’est pourquoi l’idée de plier et de déplier est si importante pour moi. C’est pourquoi j’ai utilisé le titre de différentes manières. Plier, déplier ». [3]
[1] S. Scully, cité dans “Fold”, 4 janvier 2010. Reproduit dans K. Grovier (éd.), Inner : The Collected Writings and Selected Interviews of Sean Scully, Berlin, 2016, p. 268.
[2] S. Scully, entretien avec R. Eric Davis, dans Journal of Contemporary Art, 1999, www.jca-online.com/scully.html
[3] S. Scully, ibid.
“Artistic culture, to me, is like a huge rug that is constantly folded and unfolded by us,” wrote Sean Scully in 2010. “Every time it’s turned over, turned out, unfolded: it shows us something new or something overlooked that now seems new.” [1]
Red Unfolding (2009) belongs to a group of works titled in relation to this idea. After more than three decades of practice, Scully began to think deeply about his connections with the art of the past. Early on in his career, he had taken a stand against Conceptualism, declaring that abstraction should express human emotion. Bridget Riley, Frank Stella and Mark Rothko were among his influences. By the time of Red Unfolding, Scully was starting to contextualise his views in greater historical detail. His writings of the period dissect artists ranging from Georges Seurat and Vincent van Gogh to Piet Mondrian, Kazimir Malevich and the Cubists. Art across the ages, he realised, had grappled with the relationship between form and feeling. All that had changed was the mode of expression.
Back in the 1970s, Scully had pledged his allegiance to stripes. Universal in form, these simple, interlocking shapes allowed him to “unfold” history. They united the serial structures of Minimalism with the loose brushwork of Abstract Expressionism. They combined classical ideals of beauty and harmony with postmodern ambiguity. They straddled nature and culture, conjuring everything from distant horizon lines to manmade façades. The composition of Red Unfolding, with its patchwork of horizontal and vertical bands, recalls Scully’s Wall of Light cycle, inspired by a trip to Mexico in the 1980s. There he had observed the play of sun and shadow upon Mayan architecture, fascinated by the way that ancient light seemed to filter through the cracks and into the modern world.
Scully’s description of art history as a “huge rug” calls to mind another major influence. Forty years earlier, in 1969, he had visited Morocco for the first time. He fell in love with the striped patterns of local textiles, which sparked childhood memories of knitting with his mother. Scully would return to the country on multiple occasions. Over the years, his rich, earthen palettes have repeatedly echoed the sun-baked fabrics of North Africa, mingling with the colours of his native Ireland. Here, tones of blue and black are interwoven with russet, orange, mahogany, yellow and pale pink. Across three meters of canvas, a spectrum of red unfolds.
Scully said that he wanted “to do something in my life that wasn’t ordinary”. [2] Through the humble stripe, he has travelled across time periods and continents. He has asked questions about how we experience the world, and about how art can capture those sensations. “Every time [artistic culture] is refolded it grows new secrets, new wonders,” he wrote. “… This is why the idea of folding, unfolding is so important to me. This is why I have used the title in various ways. Folding in, Folding out.” [3]
[1] S. Scully, quoted in ‘’Fold’’, 4 January 2010. Reproduced in K. Grovier (ed.), Inner: The Collected Writings and Selected Interviews of Sean Scully, Berlin, 2016, p. 268.
[2] S. Scully, interview with R. Eric Davis, in Journal of Contemporary Art, 1999, www.jcaonline.com/scully.html.
[3] S. Scully, ibid.