Lot Essay
Les œuvres d’Anish Kapoor exercent un pouvoir de séduction immédiat sur le spectateur. Leur surface réfléchissante l’attire, puis elles disparaissent à mesure qu’on s’approche, donnant à voir une vision déformée de la réalité. À ce stade, l’œuvre cesse d’être un objet. Elle devient invisible. Elle devient une expérience.
Créée en 2005, cette œuvre s'inscrit dans la lignée de l'exploration du miroir concave chez Kapoor et marque sa transition vers l'utilisation de la fibre de verre pour itérer ce langage. Alors que les premières œuvres en miroir avaient été créées en acier inoxydable poli et en pierre, le développement de ce corpus d'œuvres en fibre de verre et en peinture a permis de donner une nouvelle dimension à la subtilité de la présence avec laquelle jouent les œuvres du vide, où l'espace autour de l'objet devient liminal, actif et vertigineux. « Lorsqu’elle est suffisamment parfaite », explique-t-il, « quelque chose advient : elle cesse littéralement d’être physique, elle lévite, elle produit quelque chose d’autre ». Ce qui se passe avec les surfaces concaves est, selon moi, tout à fait fascinant ». [1]
Kapoor est né à Mumbai et s’est installé à Londres pour suivre des études artistiques au début des années soixante-dix. Il s’est fait connaître dans les années 1980 et a remporté le Turner Prize en 1991. C’est à cette époque qu’il a commencé à explorer l’idée du vide, dans des œuvres que Kapoor décrit comme évoquant un "sublime moderne". [2] Les romantiques avaient exploré le sentiment d’émerveillement que l’homme éprouvait face à la nature. Barnett Newman et ses contemporains ont recréé cette impression à travers la peinture abstraite. Dans les mains de Kapoor, ce sentiment renaît à travers la sculpture. Son œuvre confronte le spectateur à un abîme infini.
Le plasticien a également très tôt été influencé par le courant minimaliste. A l’instar de Donald Judd et d’autres artistes qu’il admirait, il ne souhaitait pas raconter des histoires à travers son art. Ses œuvres ne représentent rien : elles « existent » simplement. Mais elles ne peuvent le faire seules. « L’œuvre n’existe pas sans le spectateur, sans que quelqu’un l’observe », explique Kapoor. « Dans une large mesure, toute œuvre est incomplète. Elle est complétée par celui qui la regarde ». [3]
Sans titre (2005) a été exécuté durant une période décisive dans la carrière de l'artiste. Au milieu des années 2000, il a réalisé certaines de ses installations publiques les plus emblématiques, notamment Cloud Gate (2004-2006) au Millennium Park de Chicago et Sky Mirror (2006) au Rockefeller Center de New York. Kapoor est aujourd’hui l’un des sculpteurs les plus importants de sa génération ; il a été mis à l’honneur dans d’une grande exposition à la Biennale de Venise en 2022.
[1] A. Kapoor, cité dans Anish Kapoor, catalogue d’exposition, Institute of Contemporary Art, Boston, 2008, p. 53.
[2] A. Kapoor, cité dans D. de Salvo, Anish Kapoor in Conversation, D. Anfam (ed.), Anish Kapoor, Londres, 2012, p. 403.
[3] A. Kapoor, en conversation avec A. Meer, dans BOMB, New York, 1er janvier 1990.
Anish Kapoor’s work seduces the viewer. Its reflective surface draws you in, only to disappear as you approach. In its place is a distorted view of reality. At this point, the work stops being an object. It becomes invisible. Instead, it becomes an experience.
Created in 2005, this work continues Kapoor’s exploration of the monochrome concave mirror, and marks his transition to using Fibreglass to iterate this language. Whilst earlier mirror works had been created in polished stainless steel and stone, the development of this body of work into Fibreglass and paint allowed a new dimension to the subtlety of presence the void works play with, where the space around the object becomes liminal, active and vertiginous. “When it is really perfect enough”, Kapoor explains, “something happens—it literally ceases to be physical; it levitates; it does something else. What happens with concave surfaces is, in my view, completely beguiling.’’ [1]
Kapoor was born in Mumbai, and moved to London to attend art school in the early seventies. He came to prominence in the 1980s, and won the Turner Prize in 1991. It was during this period that he began to explore the idea of the void in works that Kapoor has described as evoking a “modern sublime.” [2] The Romantics had explored the sense of awe that humankind experienced in nature. Barnett Newman and his contemporaries recreated this feeling through abstract painting. In Kapoor’s hands, it is reborn in sculpture. His work confronts the viewer like an infinite abyss.
Kapoor was also influenced early on by Minimalism. Like Donald Judd and others he admired, he was not interested in telling stories through his art. His works do not represent anything: they simply exist. But they cannot do it alone. “The work doesn’t exist without the viewer, without somebody looking at it,” explains Kapoor. “To a large extent all work is incomplete. It’s completed by the person who is looking at it.” [3]
This work was made at an important time in Kapoor’s career. During the mid-2000s he produced some of his most iconic public installations, including Cloud Gate (2004-2006) at Chicago’s Millennium Park and Sky Mirror (2006) at New York’s Rockefeller Center. Today, he remains one of the most important sculptors of his generation, mounting a major exhibition at last year’s Venice Biennale.
[1] A. Kapoor, quoted in Anish Kapoor, exhibition catalog, Institute of Contemporary Art, Boston, 2008, p. 53.
[2] A. Kapoor, quoted in D. de Salvo, Anish Kapoor in Conversation, in D. Anfam (ed.), Anish Kapoor, London, 2012, p. 403.
[3] A. Kapoor, in conversation with A. Meer, in BOMB, New York, 1 January 1990.
Créée en 2005, cette œuvre s'inscrit dans la lignée de l'exploration du miroir concave chez Kapoor et marque sa transition vers l'utilisation de la fibre de verre pour itérer ce langage. Alors que les premières œuvres en miroir avaient été créées en acier inoxydable poli et en pierre, le développement de ce corpus d'œuvres en fibre de verre et en peinture a permis de donner une nouvelle dimension à la subtilité de la présence avec laquelle jouent les œuvres du vide, où l'espace autour de l'objet devient liminal, actif et vertigineux. « Lorsqu’elle est suffisamment parfaite », explique-t-il, « quelque chose advient : elle cesse littéralement d’être physique, elle lévite, elle produit quelque chose d’autre ». Ce qui se passe avec les surfaces concaves est, selon moi, tout à fait fascinant ». [1]
Kapoor est né à Mumbai et s’est installé à Londres pour suivre des études artistiques au début des années soixante-dix. Il s’est fait connaître dans les années 1980 et a remporté le Turner Prize en 1991. C’est à cette époque qu’il a commencé à explorer l’idée du vide, dans des œuvres que Kapoor décrit comme évoquant un "sublime moderne". [2] Les romantiques avaient exploré le sentiment d’émerveillement que l’homme éprouvait face à la nature. Barnett Newman et ses contemporains ont recréé cette impression à travers la peinture abstraite. Dans les mains de Kapoor, ce sentiment renaît à travers la sculpture. Son œuvre confronte le spectateur à un abîme infini.
Le plasticien a également très tôt été influencé par le courant minimaliste. A l’instar de Donald Judd et d’autres artistes qu’il admirait, il ne souhaitait pas raconter des histoires à travers son art. Ses œuvres ne représentent rien : elles « existent » simplement. Mais elles ne peuvent le faire seules. « L’œuvre n’existe pas sans le spectateur, sans que quelqu’un l’observe », explique Kapoor. « Dans une large mesure, toute œuvre est incomplète. Elle est complétée par celui qui la regarde ». [3]
Sans titre (2005) a été exécuté durant une période décisive dans la carrière de l'artiste. Au milieu des années 2000, il a réalisé certaines de ses installations publiques les plus emblématiques, notamment Cloud Gate (2004-2006) au Millennium Park de Chicago et Sky Mirror (2006) au Rockefeller Center de New York. Kapoor est aujourd’hui l’un des sculpteurs les plus importants de sa génération ; il a été mis à l’honneur dans d’une grande exposition à la Biennale de Venise en 2022.
[1] A. Kapoor, cité dans Anish Kapoor, catalogue d’exposition, Institute of Contemporary Art, Boston, 2008, p. 53.
[2] A. Kapoor, cité dans D. de Salvo, Anish Kapoor in Conversation, D. Anfam (ed.), Anish Kapoor, Londres, 2012, p. 403.
[3] A. Kapoor, en conversation avec A. Meer, dans BOMB, New York, 1er janvier 1990.
Anish Kapoor’s work seduces the viewer. Its reflective surface draws you in, only to disappear as you approach. In its place is a distorted view of reality. At this point, the work stops being an object. It becomes invisible. Instead, it becomes an experience.
Created in 2005, this work continues Kapoor’s exploration of the monochrome concave mirror, and marks his transition to using Fibreglass to iterate this language. Whilst earlier mirror works had been created in polished stainless steel and stone, the development of this body of work into Fibreglass and paint allowed a new dimension to the subtlety of presence the void works play with, where the space around the object becomes liminal, active and vertiginous. “When it is really perfect enough”, Kapoor explains, “something happens—it literally ceases to be physical; it levitates; it does something else. What happens with concave surfaces is, in my view, completely beguiling.’’ [1]
Kapoor was born in Mumbai, and moved to London to attend art school in the early seventies. He came to prominence in the 1980s, and won the Turner Prize in 1991. It was during this period that he began to explore the idea of the void in works that Kapoor has described as evoking a “modern sublime.” [2] The Romantics had explored the sense of awe that humankind experienced in nature. Barnett Newman and his contemporaries recreated this feeling through abstract painting. In Kapoor’s hands, it is reborn in sculpture. His work confronts the viewer like an infinite abyss.
Kapoor was also influenced early on by Minimalism. Like Donald Judd and others he admired, he was not interested in telling stories through his art. His works do not represent anything: they simply exist. But they cannot do it alone. “The work doesn’t exist without the viewer, without somebody looking at it,” explains Kapoor. “To a large extent all work is incomplete. It’s completed by the person who is looking at it.” [3]
This work was made at an important time in Kapoor’s career. During the mid-2000s he produced some of his most iconic public installations, including Cloud Gate (2004-2006) at Chicago’s Millennium Park and Sky Mirror (2006) at New York’s Rockefeller Center. Today, he remains one of the most important sculptors of his generation, mounting a major exhibition at last year’s Venice Biennale.
[1] A. Kapoor, quoted in Anish Kapoor, exhibition catalog, Institute of Contemporary Art, Boston, 2008, p. 53.
[2] A. Kapoor, quoted in D. de Salvo, Anish Kapoor in Conversation, in D. Anfam (ed.), Anish Kapoor, London, 2012, p. 403.
[3] A. Kapoor, in conversation with A. Meer, in BOMB, New York, 1 January 1990.