PAUL CEZANNE (1839-1906)
No VAT will be charged on the hammer price, but VA… 显示更多 La Montagne Sainte-Victoire, dont la singulière silhouette domine, par sa présence exceptionnelle, la campagne des environs d'Aix-en-Provence, nourrit depuis la préhistoire légendes et mythologie régionales. Pour Cézanne, originaire d'Aix, Sainte-Victoire incarnait cette terre et cette culture provençales qu'il aimait tant. Les écrivains et poètes du mouvement de la Renaissance provençale, parmi lesquels il comptait des amis, partageaient avec lui cet attachement à la terre natale, qu'ils célébraient à travers leurs oeuvres. Mais pour Cézanne, peintre aux ambitions suprêmes, Sainte-Victoire peut également être considérée comme le symbole de la lutte solitaire qu'il mena, sa vie durant, pour atteindre les sommets, pour devenir ce Moïse qu'il évoque dans sa correspondance, ce prophète porteur d'un art nouveau. Il n'est donc pas surprenant qu'elle devînt son motif de prédilection, sujet d'une multitude d'huiles, aquarelles et dessins de la fin des années 1860 à sa mort, quarante ans plus tard. Variant les perspectives au fil des ans, Cézanne considère Sainte-Victoire de loin, petite silhouette bleue, ou de très près, impressionnante paroi rocheuse incisée de profondes balafres. Elle prend parfois l'apparence d'un cône trapu et tronqué, et parfois celle d'une interminable et massive enfilade de falaises. Dans ses représentations les plus "classiques", elle forme une masse à peu près symétrique, au sommet aplati, aux flancs pentus et ondulants. Dans ces vastes panoramas embrassant la plaine de l'Arc, la montagne semble se détacher par à-coups réguliers du patchwork de champs, d'arbres et des premiers reliefs qu'elle domine de sa forme équilibrée et centrée, encadrée de pins élancés au premier plan. Mais ce n'est que dans ses ultimes paysages, peints durant les quatre dernières années de sa vie, que Cézanne, découvrant son sujet habituel sous un angle inhabituel, parvint à la capturer dans toute sa stature, majestueusement dressée au-dessus de la vaste plaine en contrebas, et dominant le ciel de sa masse. Cette nouvelle perspective partait de la crête des Lauves, une colline située au nord d'Aix dont Cézanne acquit un versant pour y installer un atelier en 1902. La vue, depuis la crête, offrait un panorama, à perte de vue, étourdissant, et dans lequel, pour reprendre les mots de John Rewald "la montagne dessinait un triangle irrégulier, dont l'échine s'étirait lentement jusqu'à la face abrupte, sorte de falaise qui rétrécissait pour se fondre dans le prolongement à l'horizontal qu'offrait le mont du Cengle. Au pied de Cézanne s'étalait la plaine, immense et vallonnée, tel un édredon aux motifs de champs et de bosquets, que piquaient ici et là les bâtisses d'un mas. Loin de se courber sous l'immensité des cieux, la montagne semble tendre vers l'infini, plus imposante que jamais, et peut-être même plus majestueuse. En suspension, aérienne, dans cette lumière du midi, elle s'impose comme le symbole éclatant de la Provence". (Paul Cézanne, The Watercolors, Boston, 1983, p. 240). Au cours des quatre années qui lui restaient, Cézanne composa des variations sur ce paysage, chacune se distinguant subtilement des précédentes, au nombre de dix-sept huiles et onze aquarelles. Ce qui caractérise la présente aquarelle, et l'huile qui s'en rapproche (fig. 1), c'est ce format horizontal allongé, inhabituel, en particulier pour ce qui est de l'aquarelle, dont la largeur est le double de la hauteur. Il s'agit en fait de l'aquarelle la plus étirée sur le plan horizontal de Cézanne. Même Reflets dans l'eau, Lac d'Annecy (Rewald, no. 474), qui s'efforce d'embrasser la longue rive opposée du lac, va moins loin. Cette oeuvre aurait pu loger sur une seule feuille, alors que, dans le cas présent, Cézanne a dû ajouter un morceau de feuille supplémentaire sur la droite. C'est le seul paysage à l'aquarelle qui semble avoir fait l'objet d'un tel ajout, les autres feuilles agrandies de cette manière concernant une composition allégorique, un nu et une scène de bain (Rewald, nos. 68, 387 et 606). Pourquoi, alors, altéra-t-il d'une façon aussi radicale le format de ce paysage ? L'unique réponse qui nous a été apportée à ce jour est qu'il "s'efforçait de représenter l'ensemble du panorama dominé par Sainte-Victoire, tel qu'il le contemplait du haut des Lauves" (Rewald, p. 239). Réponse séduisante, mais guère convaincante. Rewald lui-même, ou du moins son objectif, ne parvint pas à cadrer l'ensemble de la vue qu'il cherchait à photographier du même endroit en 1935 (fig. 2). Le fait est que le panorama est trop vaste pour être embrassé d'un seul regard. Si Cézanne commençait par fixer son attention sur le Mont Sainte-Victoire tout à gauche, il devait ensuite se tourner à l'opposé pour voir sur la droite la totalité du Mont du Cengle, un plateau rocheux peu élevé, niché contre le flanc méridional de Sainte-Victoire. Lui aussi appartenait à la mémoire collective locale depuis l'époque romaine, et était connu de Cézanne de longue date. L'artiste l'avait peint à plusieurs reprises par le passé, notamment dans une aquarelle, aux alentours de 1895 (Rewald, no. 411), où ses formes accidentées sont clairement mises en avant. Dans la présente aquarelle, il le souligne de tons mauves et bleus, qui reprennent, en plus foncé, ceux de Sainte-Victoire. On les retrouve encore parmi les branches noueuses des oliviers, visibles au premier plan, sur la droite, qui, en fait, incorporent les éléments de la droite de l'image, des plus éloignés aux plus proches, et permettent de faire le lien avec le côté gauche. Apparemment éparpillés, mais obéissant à leur propre logique formelle et créatrice, d'innombrables lavis bleu clair, orange, vert et rose égalisent de la même manière la surface, tout en l'animant d'une tache de soleil et d'un souffle d'air. Voir le Mont du Cengle et le Mont Sainte-Victoire réunis dans une même oeuvre devient alors une expérience aussi conceptuelle que visuelle, qui assimile le connu et l'observation directe dans une oeuvre cohérente à l'ampleur et à l'ambition exceptionnelles. Au lieu du paysage unifié, mais essentiellement statique, constituant le motif des autres aquarelles de cette série, nous sommes confrontés ici à un paysage dynamique et exigeant, dont les éléments semblent défiler devant nous au fur et à mesure que nous balayons la feuille du regard. Par Theodore Reff, novembre 2008. Ce texte a été traduit de l'anglais. (fig. 1) Paul Cézanne, La Montagne Sainte-Victoire, 1902-06. The Metropolitan Museum of Art, New York. ©The Metropolitan Museum of Art, Dist, RMN - ©Image de MMA (fig. 2) Photographie prise par John Rewald de la Montagne Sainte-Victoire, vue des Lauves, vers 1935. © X.D.R.
PAUL CEZANNE (1839-1906)

La montagne Sainte-Victoire vue des Lauves (recto); Etude d'arbres (verso)

细节
PAUL CEZANNE (1839-1906)
La montagne Sainte-Victoire vue des Lauves (recto); Etude d'arbres (verso)
aquarelle et mine de plomb sur papiers joints
30.9 x 71.6 cm. (12¼ x 28¼ in.)
Exécuté vers 1902-06
来源
Atelier de l'artiste.
Paul Cézanne fils, Paris (par descendance).
Paul Cassirer, Berlin (acquis auprès de celui-ci).
Margarete Oppenheim, Berlin.
Otto von Simson, Paris (par descendance).
Ernest M. von Simson, New York (par descendance).
Galerie Tarica, Paris.
Acquis auprès de celle-ci par Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, juillet 1983.
出版
L. Venturi, Cézanne, son art-son oeuvre, Paris, 1936, vol. I, p. 254, no. 917 (illustré, vol. II; daté '1890-1900').
J. Rewald, Les aquarelles de Cézanne, catalogue raisonné, Paris, 1984, p. 239, no. 594 (illustré).
J. Coignard, "Chez Pierre Bergé et Yves Saint Laurent", in Connaissance des Arts, no. 634, janvier 2006, p. 49 (illustré en couleur).
"Les chefs-d'oeuvre de la collection Yves Saint Laurent Pierre Bergé", in Connaissance des Arts, h.s., no. 271, janvier 2006 (daté vers '1900').
展览
New York, M. Knoedler & Co., Cézanne Watercolors, avril 1963, p. 57, no. 64 (illustré, pl. LX).
New York, The Museum of Modern Art; Houston, Museum of Fine Arts et Paris, Grand Palais (no. 85), Cézanne, The Late Work, 1977-juillet 1978, p. 412, no. 105 (illustré, p. 319, pl. 126).
注意事项
No VAT will be charged on the hammer price, but VAT payable at 19.6% (5.5% for books) will be added to the buyer’s premium which is invoiced on a VAT inclusive basis
更多详情
'THE SAINTE-VICTOIRE MOUNTAIN SEEN FROM LES LAUVES' (RECTO); 'STUDY OF TREES' (VERSO); WATERCOLOUR AND PENCIL ON JOINED PAPER.

登入
浏览状况报告

拍品专文

The Mont Sainte-Victoire, its striking silhouette rising as a unique presence above the countryside around Aix-en-Provence, has since prehistoric times been a legendary site in the mythology and history of the region. For Cézanne, a native of Aix, Sainte-Victoire was an embodiment of the Provençal land and culture he deeply loved. The writers and poets of the Provençal Revival, some of them his friends, shared his attachment to their native land and celebrated it in their work. But for Cézanne, an artist of the highest ambition, Sainte-Victoire can also be seen as a symbol of his solitary, lifelong struggle to ascend the heights, to become the Moses he evokes in his letters, the prophet of a new art. So it is not surprising that it became his most familiar pictorial motif, the subject of scores of oils, watercolors, and drawings from the late 1860s to his death forty years later.

Choosing different vantage points over the years, Cézanne sees Sainte-Victoire from afar as a small blue silhouette or from very near as a looming, deeply scarred rock face. Sometimes it appears as a squat, truncated cone, sometimes as an endless, massive wall of cliffs. In the most "classic" views, it is a roughly symmetrical mass, flat at the top, with sloping, undulating flanks. In these sweeping vistas, seen across the valley of the Arc river, the mountain seems to rise in measured steps from the patchwork of fields and trees and foothills below it, a balanced, centered form, framed by large pines in the foreground. But it is only in the last views he painted, in the last four years of his life, that Cézanne, seeing the familiar motif from an unfamiliar viewpoint, was able to capture its full stature, rising majestically above the broad valley below it and dominating the sky all around it.

This new viewpoint was from the crest of Les Lauves, a hill north of the city of Aix, on whose slope Cézanne bought land and built a studio in 1902. The view from the crest afforded a vast and exhilarating panorma, in which, in John Rewald's words, "the mountain now presented itself as an irregular triangle, its long back gently rising to the abrupt, clifflike front that tapered off to the horizontal extension of the Mont du Cengle. At Cézanne's feet extended a vast, undulating plain with a quilt-like pattern of fields and clusters of trees, interrupted by occasional farm buildings. Rather than squatting beneath the immensity of the skies, the mountain seems pointed toward heaven, as imposing as ever, and possibly even more majestic. Floating ethereally in the southern light, it appears like a glorious symbol of Provence." (Paul Cézanne. The Watercolors, Boston, 1983, p. 240).

In the four years that remained to him, Cézanne painted variations of this view, each subtly different from the others, in seventeen oils and eleven watercolors. Distinctive to the present watercolor and the closely related oil (fig. 1) is their unusually wide horizontal format, the width of the watercolor in particular being more than twice its height. It is in fact the most extremely horizontal of Cézanne's watercolors; even Reflets dans l'eau, lac d'Annecy (Rewald, no. 474), an attempt to capture the sweep of the lake's opposite shore, is less extreme. That work could still be made on a single sheet; whereas to make the present one Cézanne had to add a second piece of paper at the right. It is the only landscape watercolor in which he seems to have done so; the other sheets enlarged in this way are an allegorical composition, a nude model, and a bathers composition (Rewald, nos. 68, 387 and 606). Why then did he so radically alter the format in the case of this landscape?

The only answer given thus far, that he endeavored to represent the full breadth of the panorama dominated by Sainte-Victoire that unfolded before him as he stood on the height of Les Lauves (Rewald, p. 239), is appealing but unconvincing. Rewald himself, or at least his camera, could not take in so comprehensive a view when he stood there about 1935, taking the photograph illustrated here (fig. 2). The fact is, the panorama is too vast to be encompassed in a single view. If Cézanne began by focussing on the Mont Sainte-Victoire at the far left, he had to turn to the far right in order to view in its full breadth the Mont du Cengle, the low rock platform located directly below the southern flank of Sainte-Victoire. Also a feature of local history since Roman times, it had long been familiar to Cézanne, who depicted it in several earlier works, notably in a watercolor of about 1895 (Rewald, no. 411), a closer view showing its rugged form more distinctly. In the present watercolor, he strengthens its appearance by using dark mauve-blue tones, a deeper echo of those on Sainte-Victoire. They are echoed again in the gnarled branches of the olive trees in the right foreground, which integrate effectively the nearest and furthest elements at the right side and help to link them with the left side. Apparently scattered, but with their own formal, form-creating logic, are the countless washes of light blue and orange, green and pink that likewise unify the surface, while animating it with the sparkle of sunlight and the flicker of air.

Seeing both the Mont du Cengle and the Mont Sainte-Victoire together in the same work is, then, as much a conceptual as an optical experience, integrating what is known and what is directly observed into a coherent work of exceptional breadth and ambition. Rather than the unified but essentially static view of the motif in the other watercolors of this series, we experience here a challenging, dynamic view whose elements seem to unfold sequentially as our eyes move from left to right across the sheet.

By Theodore Reff, october 2008.