拍品专文
Le Dr Andreas Neufert a confirmé l'authenticité de cette oeuvre.
En 1938, Wolfgang Paalen, l'un des plus jeunes membres du groupe surréaliste à Paris, est au zénith de sa renommée. André Breton écrit la préface du catalogue de l'exposition que la galerie Renou et Colle consacre au peintre et le critique britannique Herbert Read écrit: "Les peintures de Wolfgang Paalen sont fondamentales: les sens transpercent le mur séparant la vision nouvellement créée de la réalité (...). Tous les grands artistes inventent un monde nouveau: mais ces nouveaux mondes révèlent les expériences originelles de la race humaine" (H.Read, "Wolfgang Paalen", in Minotaure, no. 12/13, mai 1939, p. 90).
En 1940, ces mêmes oeuvres allaient faire connaître Paalen à New York lors de l'exposition à la galerie Julien Levy. Par rapport à ses contemporains, les fumages de Paalen apportent une dimension nouvelle et dérangeante. Ce n'est plus un rêve que décrit ou suggère le thème pictural. Les oeuvres de Paalen naissent directement du tressaillement provoqué par un éveil soudain dans sa conscience. En un clin d'oeil, la surprise laisse la place à une stupéfaction muette - mais il émane aussi des grands fumages de Paalen de 1938 un désir mélancolique de se rapprocher au plus près de l'essence indicible des impondérables les plus profonds de l'humanité. Un espace condensé s'ouvre devant les yeux, l'arrière plan disparaissant dans un halo crépusculaire, passant du vert clair au bleu profond du ciel, comme si le peintre avait voulu suggérer sa rêverie, ses apparitions, le plus près possible de l'oeil du spectateur. La lumière semble venir de derrière le tableau, puis s'éparpille horizontalement à la surface où elle arrive comme autant de lueurs à peine perceptibles transperçant les ombres des traces de fumée. Le fumage atomise la lumière qu'il reçoit par derrière et, dans son cheminement vers l'oeil, il colore les marques de fumée, dessinant des formes projetées vers l'extérieur en rouge, bleu et vert. Leur trajectoire interrompue s'estompe dans un néant qui les mêlent dans un même firmament. Dans ses meilleures oeuvres surréalistes de 1938-39, comme Ciel de pieuvre, Taches solaires, Combat des princes saturniens ou Pays médusé, Paalen se révèle un artiste au talent lyrique extraordinaire, harmonieux et précis. Aucun peintre avant lui n'avait décrit aussi fidèlement l'état d'éveil de la conscience. Tous ces fumages capturent la tension entre le cadre, tel un parapluie déployé et vacillant, et la lumière et les couleurs en expansion.
Comment ne pas penser à la vue des ces tableaux à l'art premier des Amérindiens de la côte nord-ouest, évocation qu'il est toutefois difficile d'illustrer avec des citations érudites ? Cela étant, dans son exploration de la conscience, Paalen semble se rapprocher étrangement de l'art totémique de cette région du monde - art que par la suite l'artiste souhaitera découvrir plus profondément. Son intention était de trouver une expression cadrant avec l'instant de création de l'identification avec le totem, cette expression survenant comme un drame psychique. Les indications sont multiples montrant que Paalen a tenté de l'exprimer dans ses fumages de 1938-39 - à savoir la transe forcée d'un rituel archaïque qu'il espérait pouvoir identifier à un processus dynamique au plan cognitif. Les fumages semblent refléter des processus psychiques, tels des motifs de décharges électriques, se tranformant subitement en images mentales fulgurantes. Leurs formes somatiques naissent de métaphores changeantes pour le processus de création proprement dit, la légereté du polype ou de la méduse dans Ciel de pieuvre et Pays médusé ou les chaînes de fusion des éruptions solaires dans Taches solaires. Les oeuvres évoquent des métaphores où la forme et la signification sont indissociablement liées.
Paalen débuta Totem Art, son essai de trente pages richement illustré, par des propos romantiques sur l'unification religieuse, une sorte de consécration: "Sur la côte nord-ouest du continent américain, entre une mer tumultueuse et une forêt vierge, se dresse une oeuvre d'art au profil d'oiseau de proie; des masques, des colonnes héraldiques, des danses aux flambeaux, des mythes de chasseur de baleines et l'oiseau-tonnerre nous décrivent une immense vie sauvage où l'homme et les éléments, l'homme et ses rêves, la bête et l'homme se mêlent dans la guerre et l'amour sans quartier" (W. Paalen, "Totem Art", in DYN, nos. 4-5, 1943, p. 7).
Les allusions figuratives avec leurs attributs féminins et masculins suggérés dans Pays médusé semblent reprendre le thème de l'unification du conflit et de l'amour dans un sens religieux. Ce thème peut être perçu en analogie avec l'histoire de la peinture américaine des années 40 dont les titres faisaient si souvent allusion au triomphe du désir individuel grâce à l'équilbre des énergies de l'homme et de la femme dans un sens plus cosmique. (voir Male and Female de Jackson Pollock, 1942).
Andreas Neufert
Illustration:
Wolfgang Paalen avec un Totem en Colombie britannique, juin 1939.
Photo: Eva Sulzer (© Paalen Archiv Berlin)
In 1938 as one of the youngest members of the Surrealist group in Paris, Paalen stood at the zenith of his recognition. André Breton wrote the foreword to his one-man-show at Renou et Colle gallery and the English critic Herbert Read noted: "The paintings of Wolfgang Paalen are primordial: the senses break through the wall which devides the new-born vision from reality (..). Every great artist invents a new world: but these new worlds reveal the pristine experiences of the human race." (H. Read, "Wolfgang Paalen", in: Minotaure, no. 12/13, May 1939, p. 90).
Not long after, these same paintings would also contribute to Paalen's fame in New York through his show at Julien Levys gallery in 1940. In comparison to his contemporaries, Paalen's fumages boasted a new and shocking dimension. It was no longer a dream that spoke or induced the paintings subject. Paalen's paintings came entirely from the power arising from the shudder of a sudden awakening in his consciousness. In the blink of an eye, sudden surprise would give way to mute amazement - but what was emanating from Paalen's great fumages of 1938 was also a melancolic desire to come as near as possible to the ineffable essences of humanities most profound imponderables. An abridged space opened before the eye, the background vanishing into a crepuscular blur, shifting from light green to cerulean blue, as if the painter wanted to suggest his reverie, his apparitions in as closed proximity as possible to the eye of the viewer. Light issues from behind the painting and scatters horizontally up to the surface, where it arrives as faint glimmers breaking through the shadows of the traces of actual smoke. The fumage atomizes the light falling onto it from behind, and, on its way to the eye, envelopes the smoke marks with colour, forming outward projecting shapes in red, blue and green. Their interrupted trajectory fades into nothingness, blending them with the same firmament. In his best surreal canvases from 1938/39, like Ciel de pieuvre, Taches solaires, Combat des princes saturniens or Pays médusé, Paalen is an artist of extraordinary, finely tuned and precise lyrical talent. No painter before him portrayed the awakening state of consciousness as faithfully. All these fumages capture the tension between the stretcher as an expanded, trembling umbrella, and an expanding and expansive sense of light and colour.
Analogies to Northwestern coastal Native American art certainly come to mind when viewing these paintings, but are hard to document by scolarly citations. Paalen's explorations of consciousness seem eerily similar to the totemic art of this part of the world - art he would later seem driven to explore. His intention was to find an alying expression for the creative moment of identification with the totem, this expression playing itself out as a mental drama. There is much indication that Paalen tried to express this with his fumages of 1938-39 - that is the forced trance in an archaic ritual that he hoped it could be discovered as a dynamic process on a cognitive level. The fumages seem to mirror mental procedures, like electric discharge patterning, rapidly shifting into flashing mental images. Their painted somatic shapes originated in changing metaphors for the process of creation itself, the weightless moving polyp or jellyfish in Ciel de pieuvre and Pays médusé or the fusion-chains of sunspots in Taches solaires. The paintings evoke metaphors, where form and sense are inseparably aligned.
Paalen began his thirty page long, richly illustrated essay Totem Art with romantic words of religious unification, in effect a kind of consecration: "On the North-West-Coast of the American continent, between a tempestuous sea and a virgin forest, there arouse an art with the profile of a bird of prey; masks, heraldic columns, torchlight dances, myths of the killer-whale and the thunder-bird tell us of a great savage life in which man and the elements, man and his dream, beast and man mingled in wars and loves without quarter." (W. Paalen, "Totem Art", in: DYN, no. 4-5, Mexico 1943, p. 7).
The figurative allusions with their latently male-female attributes in Pays médusé seem to take up the theme of unification of conflict and love in a religious sense. This theme could be seen as analogous to the history of American painting in the forties, where titles so often pointed at the overcoming of the individual desire through the balancing of male and female energies in a more cosmic sense. (e.g. Jackson Pollock's Male and Female, 1942).
Andreas Neufert
Illustration: Wolfgang Paalen with a Totem in British-Columbia, June 1939, Foto: Eva Sulzer (Paalen Archiv Berlin)
En 1938, Wolfgang Paalen, l'un des plus jeunes membres du groupe surréaliste à Paris, est au zénith de sa renommée. André Breton écrit la préface du catalogue de l'exposition que la galerie Renou et Colle consacre au peintre et le critique britannique Herbert Read écrit: "Les peintures de Wolfgang Paalen sont fondamentales: les sens transpercent le mur séparant la vision nouvellement créée de la réalité (...). Tous les grands artistes inventent un monde nouveau: mais ces nouveaux mondes révèlent les expériences originelles de la race humaine" (H.Read, "Wolfgang Paalen", in Minotaure, no. 12/13, mai 1939, p. 90).
En 1940, ces mêmes oeuvres allaient faire connaître Paalen à New York lors de l'exposition à la galerie Julien Levy. Par rapport à ses contemporains, les fumages de Paalen apportent une dimension nouvelle et dérangeante. Ce n'est plus un rêve que décrit ou suggère le thème pictural. Les oeuvres de Paalen naissent directement du tressaillement provoqué par un éveil soudain dans sa conscience. En un clin d'oeil, la surprise laisse la place à une stupéfaction muette - mais il émane aussi des grands fumages de Paalen de 1938 un désir mélancolique de se rapprocher au plus près de l'essence indicible des impondérables les plus profonds de l'humanité. Un espace condensé s'ouvre devant les yeux, l'arrière plan disparaissant dans un halo crépusculaire, passant du vert clair au bleu profond du ciel, comme si le peintre avait voulu suggérer sa rêverie, ses apparitions, le plus près possible de l'oeil du spectateur. La lumière semble venir de derrière le tableau, puis s'éparpille horizontalement à la surface où elle arrive comme autant de lueurs à peine perceptibles transperçant les ombres des traces de fumée. Le fumage atomise la lumière qu'il reçoit par derrière et, dans son cheminement vers l'oeil, il colore les marques de fumée, dessinant des formes projetées vers l'extérieur en rouge, bleu et vert. Leur trajectoire interrompue s'estompe dans un néant qui les mêlent dans un même firmament. Dans ses meilleures oeuvres surréalistes de 1938-39, comme Ciel de pieuvre, Taches solaires, Combat des princes saturniens ou Pays médusé, Paalen se révèle un artiste au talent lyrique extraordinaire, harmonieux et précis. Aucun peintre avant lui n'avait décrit aussi fidèlement l'état d'éveil de la conscience. Tous ces fumages capturent la tension entre le cadre, tel un parapluie déployé et vacillant, et la lumière et les couleurs en expansion.
Comment ne pas penser à la vue des ces tableaux à l'art premier des Amérindiens de la côte nord-ouest, évocation qu'il est toutefois difficile d'illustrer avec des citations érudites ? Cela étant, dans son exploration de la conscience, Paalen semble se rapprocher étrangement de l'art totémique de cette région du monde - art que par la suite l'artiste souhaitera découvrir plus profondément. Son intention était de trouver une expression cadrant avec l'instant de création de l'identification avec le totem, cette expression survenant comme un drame psychique. Les indications sont multiples montrant que Paalen a tenté de l'exprimer dans ses fumages de 1938-39 - à savoir la transe forcée d'un rituel archaïque qu'il espérait pouvoir identifier à un processus dynamique au plan cognitif. Les fumages semblent refléter des processus psychiques, tels des motifs de décharges électriques, se tranformant subitement en images mentales fulgurantes. Leurs formes somatiques naissent de métaphores changeantes pour le processus de création proprement dit, la légereté du polype ou de la méduse dans Ciel de pieuvre et Pays médusé ou les chaînes de fusion des éruptions solaires dans Taches solaires. Les oeuvres évoquent des métaphores où la forme et la signification sont indissociablement liées.
Paalen débuta Totem Art, son essai de trente pages richement illustré, par des propos romantiques sur l'unification religieuse, une sorte de consécration: "Sur la côte nord-ouest du continent américain, entre une mer tumultueuse et une forêt vierge, se dresse une oeuvre d'art au profil d'oiseau de proie; des masques, des colonnes héraldiques, des danses aux flambeaux, des mythes de chasseur de baleines et l'oiseau-tonnerre nous décrivent une immense vie sauvage où l'homme et les éléments, l'homme et ses rêves, la bête et l'homme se mêlent dans la guerre et l'amour sans quartier" (W. Paalen, "Totem Art", in DYN, nos. 4-5, 1943, p. 7).
Les allusions figuratives avec leurs attributs féminins et masculins suggérés dans Pays médusé semblent reprendre le thème de l'unification du conflit et de l'amour dans un sens religieux. Ce thème peut être perçu en analogie avec l'histoire de la peinture américaine des années 40 dont les titres faisaient si souvent allusion au triomphe du désir individuel grâce à l'équilbre des énergies de l'homme et de la femme dans un sens plus cosmique. (voir Male and Female de Jackson Pollock, 1942).
Andreas Neufert
Illustration:
Wolfgang Paalen avec un Totem en Colombie britannique, juin 1939.
Photo: Eva Sulzer (© Paalen Archiv Berlin)
In 1938 as one of the youngest members of the Surrealist group in Paris, Paalen stood at the zenith of his recognition. André Breton wrote the foreword to his one-man-show at Renou et Colle gallery and the English critic Herbert Read noted: "The paintings of Wolfgang Paalen are primordial: the senses break through the wall which devides the new-born vision from reality (..). Every great artist invents a new world: but these new worlds reveal the pristine experiences of the human race." (H. Read, "Wolfgang Paalen", in: Minotaure, no. 12/13, May 1939, p. 90).
Not long after, these same paintings would also contribute to Paalen's fame in New York through his show at Julien Levys gallery in 1940. In comparison to his contemporaries, Paalen's fumages boasted a new and shocking dimension. It was no longer a dream that spoke or induced the paintings subject. Paalen's paintings came entirely from the power arising from the shudder of a sudden awakening in his consciousness. In the blink of an eye, sudden surprise would give way to mute amazement - but what was emanating from Paalen's great fumages of 1938 was also a melancolic desire to come as near as possible to the ineffable essences of humanities most profound imponderables. An abridged space opened before the eye, the background vanishing into a crepuscular blur, shifting from light green to cerulean blue, as if the painter wanted to suggest his reverie, his apparitions in as closed proximity as possible to the eye of the viewer. Light issues from behind the painting and scatters horizontally up to the surface, where it arrives as faint glimmers breaking through the shadows of the traces of actual smoke. The fumage atomizes the light falling onto it from behind, and, on its way to the eye, envelopes the smoke marks with colour, forming outward projecting shapes in red, blue and green. Their interrupted trajectory fades into nothingness, blending them with the same firmament. In his best surreal canvases from 1938/39, like Ciel de pieuvre, Taches solaires, Combat des princes saturniens or Pays médusé, Paalen is an artist of extraordinary, finely tuned and precise lyrical talent. No painter before him portrayed the awakening state of consciousness as faithfully. All these fumages capture the tension between the stretcher as an expanded, trembling umbrella, and an expanding and expansive sense of light and colour.
Analogies to Northwestern coastal Native American art certainly come to mind when viewing these paintings, but are hard to document by scolarly citations. Paalen's explorations of consciousness seem eerily similar to the totemic art of this part of the world - art he would later seem driven to explore. His intention was to find an alying expression for the creative moment of identification with the totem, this expression playing itself out as a mental drama. There is much indication that Paalen tried to express this with his fumages of 1938-39 - that is the forced trance in an archaic ritual that he hoped it could be discovered as a dynamic process on a cognitive level. The fumages seem to mirror mental procedures, like electric discharge patterning, rapidly shifting into flashing mental images. Their painted somatic shapes originated in changing metaphors for the process of creation itself, the weightless moving polyp or jellyfish in Ciel de pieuvre and Pays médusé or the fusion-chains of sunspots in Taches solaires. The paintings evoke metaphors, where form and sense are inseparably aligned.
Paalen began his thirty page long, richly illustrated essay Totem Art with romantic words of religious unification, in effect a kind of consecration: "On the North-West-Coast of the American continent, between a tempestuous sea and a virgin forest, there arouse an art with the profile of a bird of prey; masks, heraldic columns, torchlight dances, myths of the killer-whale and the thunder-bird tell us of a great savage life in which man and the elements, man and his dream, beast and man mingled in wars and loves without quarter." (W. Paalen, "Totem Art", in: DYN, no. 4-5, Mexico 1943, p. 7).
The figurative allusions with their latently male-female attributes in Pays médusé seem to take up the theme of unification of conflict and love in a religious sense. This theme could be seen as analogous to the history of American painting in the forties, where titles so often pointed at the overcoming of the individual desire through the balancing of male and female energies in a more cosmic sense. (e.g. Jackson Pollock's Male and Female, 1942).
Andreas Neufert
Illustration: Wolfgang Paalen with a Totem in British-Columbia, June 1939, Foto: Eva Sulzer (Paalen Archiv Berlin)