拍品专文
La Fondation Zao Wou-ki a confirmé l’authenticité de cette œuvre.
Peint en 1954-55, Rose appartient à la période la plus importante de l’œuvre de Zao Wou-Ki, celle du renoncement à la figuration. Cependant, alors que le peintre arrive à Paris à l’heure où l’abstraction lyrique y connaît son apogée, il ne se rallie pas immédiatement au mouvement. Bien qu'il en côtoie ses membres tels que Pierre Soulages, Jean-Paul Riopelle, Sam Francis, Maria Helena Vieira da Silva et Hans Hartung, il met pourtant plusieurs années à franchir graduellement le pas.
C'est Paul Klee - dont il connait les œuvres, mais qu'il découvre réellement qu’en 1951 - qui devient son médiateur, un recours contre les menaces qui pèsent alors sur le jeune artiste: rester enraciné à outrance dans la tradition de la peinture chinoise, ou devenir trop européanisé et oublier ses origines. Nourri par son besoin d’universalité via la littérature et les arts de l’Extrême-Orient, Klee a lui-même été profondément influencé par la culture chinoise et a su redonner au dessin sa fonction d’écriture. Ainsi en 1954, alors que l’influence de Klee devient presque trop pesante, Zao Wou-Ki prend soudainement conscience qu’il peut trouver une inspiration dans sa propre tradition et la dépasser. Le passage à l’abstraction s’effectue alors au moyen de signes inventés dont la structure dérive des empreintes primitives gravées sur bronze ou sur des os divinatoires, quinze ou dix siècles avant notre ère.
Dans Rose, les signes surgissent de leur source énergétique dans l’angle inférieur gauche et s’élèvent vers la zone médiane. Leur trajectoire s’inscrit comme un flux d’aimantation sur le vide du champ pictural traité par demi-teintes et transparences dans une tonalité presque monochrome à base de gris et brun, relevé d’un peu de jaune. L’évocation d’une rose, indiquée par le titre de l’œuvre, est lointaine: Zao Wou-Ki avance déjà dans un monde sans référents. Dans ce sens, Rose est aussi révélatrice de cette grande rupture que le célèbre Vent de 1954, conservé au Centre Pompidou et dont Zao Wou-Ki disait que «c’était le premier tableau qui ne racontait rien». Comme le décrivait l’artiste même : «natures mortes, fleurs et animaux disparurent. J’essayais de déceler, avec des signes, quelque chose d’imaginaire qui s’inscrivait sur des fonds presque monochromes (…) puis petit à petit, les signes deviennent des formes; les fonds, espace.» (cité in Z. Wou-Ki et F. Marquet, Zao Wou-Ki, Autoportrait, Paris, 1988, p. 105).
Caractéristique du feu des toiles des premières années de la plongée dans l’abstraction, Rose conserve cependant les fondements de la peinture chinoise – la négation de la perspective centrée, le vide au cœur de la composition et un goût pour une matière impalpable qui donne toute sa profondeur à l’espace. Les signes de Rose, tels des constellations, animent un milieu organique à densité variable à l’instar de la série éponyme de Joan Miró, autre ami proche de Zao Wou-Ki. Dans les œuvres des deux peintres, la couleur abandonne le contour des formes pour devenir profondeur et entrouvrir les voiles du mystère d’un monde vide hanté par le plein. Annoncée déjà dans Rose, la disparition de l’élément figuratif anticipe la proche dilution des signes eux-mêmes. Ainsi la découverte de l’abstraction se poursuivra chez Zao Wou-Ki comme une révélation sans cesse approfondie pendant quarante années, sans une seule figure.
Painted in 1954-1955, Rose belongs to the most important of Zao Wou-Ki’s periods, that which saw his move away from figuration. Having arrived in Paris at the height of the Lyrical Abstraction movement, he nevertheless initially refrained from joining. Indeed despite frequenting its members such as Pierre Soulages, Jean-Paul Riopelle, Sam Francis, Maria Helena Vieira da Silva and Hans Hartung, it took him years to make eventually cross the threshold. Paul Klee – whose work he knew of, but only truly discovered in 1951 – became his intermediary, providing a solution to the challenges facing the young artist: that of remaining immersed in the tradition of Chinese art, versus becoming too European and abandoning his roots. Nurtured by his concern for universality through Eastern literature and arts, Klee himself was deeply influenced by Chinese culture and restored to drawing its function as a means of writing. In 1954, as Klee’s influence was becoming almost overpowering, Zao Wou-Ki abruptly realised that he could find inspiration in his own tradition, and even go beyond it. The passage to abstraction came with invented signs, their structure deriving from primitive imprints engraved on bronze or divinatory bones which dated to fifteen or ten centuries BC. In Rose, signs surge from their energy source in the lower left corner and rise to the central zone. Their trajectory corresponds to a magnetic flow into the void of the pictorial field, which is treated in half-tints and transparencies, in almost monochrome grey and brown tones, highlighted with touches of yellow. The presence of the rose in the work’s title is distant: Zao Wou-Ki is already moving in a world without objects. In this sense Rose is also a testimony to the great rupture celebrated by the famous Vent (Wind) of 1954, kept at the Centre Pompidou, of which Zao Wou-Ki said “it was the first painting which did not tell a story”.
As the artist himself said “still lives, flowers and animals disappeared. I was trying to figure out through signs something imaginary on almost monochrome backgrounds(…) and little by little, the signs became shapes; the backgrounds, space” (Self-portrait, p.105). Rose is typical of the fiery paintings of the first years of his plunge into abstraction, yet it still retains the founding principles of Chinese art – negation of centered perspective, void at the heart of the composition and a taste for an immaterial medium which gives depth to space. The constellation-like signs in Rose give life to an organic environment of varying density, as in the series of the same name, painted by Joan Miró, also a close friend of the artist’s. In both painters’ work, colour abandons contours and shapes to become depth and lifts the veil of the mystery of an empty world haunted by fullness. Already proclaimed in Rose, the disappearance of the figurative aspect anticipates the coming dilution of signs themselves. Zao Wou-Ki’s discovery of abstraction would continue as a revelation, continually developed over forty years without a single figure.
Peint en 1954-55, Rose appartient à la période la plus importante de l’œuvre de Zao Wou-Ki, celle du renoncement à la figuration. Cependant, alors que le peintre arrive à Paris à l’heure où l’abstraction lyrique y connaît son apogée, il ne se rallie pas immédiatement au mouvement. Bien qu'il en côtoie ses membres tels que Pierre Soulages, Jean-Paul Riopelle, Sam Francis, Maria Helena Vieira da Silva et Hans Hartung, il met pourtant plusieurs années à franchir graduellement le pas.
C'est Paul Klee - dont il connait les œuvres, mais qu'il découvre réellement qu’en 1951 - qui devient son médiateur, un recours contre les menaces qui pèsent alors sur le jeune artiste: rester enraciné à outrance dans la tradition de la peinture chinoise, ou devenir trop européanisé et oublier ses origines. Nourri par son besoin d’universalité via la littérature et les arts de l’Extrême-Orient, Klee a lui-même été profondément influencé par la culture chinoise et a su redonner au dessin sa fonction d’écriture. Ainsi en 1954, alors que l’influence de Klee devient presque trop pesante, Zao Wou-Ki prend soudainement conscience qu’il peut trouver une inspiration dans sa propre tradition et la dépasser. Le passage à l’abstraction s’effectue alors au moyen de signes inventés dont la structure dérive des empreintes primitives gravées sur bronze ou sur des os divinatoires, quinze ou dix siècles avant notre ère.
Dans Rose, les signes surgissent de leur source énergétique dans l’angle inférieur gauche et s’élèvent vers la zone médiane. Leur trajectoire s’inscrit comme un flux d’aimantation sur le vide du champ pictural traité par demi-teintes et transparences dans une tonalité presque monochrome à base de gris et brun, relevé d’un peu de jaune. L’évocation d’une rose, indiquée par le titre de l’œuvre, est lointaine: Zao Wou-Ki avance déjà dans un monde sans référents. Dans ce sens, Rose est aussi révélatrice de cette grande rupture que le célèbre Vent de 1954, conservé au Centre Pompidou et dont Zao Wou-Ki disait que «c’était le premier tableau qui ne racontait rien». Comme le décrivait l’artiste même : «natures mortes, fleurs et animaux disparurent. J’essayais de déceler, avec des signes, quelque chose d’imaginaire qui s’inscrivait sur des fonds presque monochromes (…) puis petit à petit, les signes deviennent des formes; les fonds, espace.» (cité in Z. Wou-Ki et F. Marquet, Zao Wou-Ki, Autoportrait, Paris, 1988, p. 105).
Caractéristique du feu des toiles des premières années de la plongée dans l’abstraction, Rose conserve cependant les fondements de la peinture chinoise – la négation de la perspective centrée, le vide au cœur de la composition et un goût pour une matière impalpable qui donne toute sa profondeur à l’espace. Les signes de Rose, tels des constellations, animent un milieu organique à densité variable à l’instar de la série éponyme de Joan Miró, autre ami proche de Zao Wou-Ki. Dans les œuvres des deux peintres, la couleur abandonne le contour des formes pour devenir profondeur et entrouvrir les voiles du mystère d’un monde vide hanté par le plein. Annoncée déjà dans Rose, la disparition de l’élément figuratif anticipe la proche dilution des signes eux-mêmes. Ainsi la découverte de l’abstraction se poursuivra chez Zao Wou-Ki comme une révélation sans cesse approfondie pendant quarante années, sans une seule figure.
Painted in 1954-1955, Rose belongs to the most important of Zao Wou-Ki’s periods, that which saw his move away from figuration. Having arrived in Paris at the height of the Lyrical Abstraction movement, he nevertheless initially refrained from joining. Indeed despite frequenting its members such as Pierre Soulages, Jean-Paul Riopelle, Sam Francis, Maria Helena Vieira da Silva and Hans Hartung, it took him years to make eventually cross the threshold. Paul Klee – whose work he knew of, but only truly discovered in 1951 – became his intermediary, providing a solution to the challenges facing the young artist: that of remaining immersed in the tradition of Chinese art, versus becoming too European and abandoning his roots. Nurtured by his concern for universality through Eastern literature and arts, Klee himself was deeply influenced by Chinese culture and restored to drawing its function as a means of writing. In 1954, as Klee’s influence was becoming almost overpowering, Zao Wou-Ki abruptly realised that he could find inspiration in his own tradition, and even go beyond it. The passage to abstraction came with invented signs, their structure deriving from primitive imprints engraved on bronze or divinatory bones which dated to fifteen or ten centuries BC. In Rose, signs surge from their energy source in the lower left corner and rise to the central zone. Their trajectory corresponds to a magnetic flow into the void of the pictorial field, which is treated in half-tints and transparencies, in almost monochrome grey and brown tones, highlighted with touches of yellow. The presence of the rose in the work’s title is distant: Zao Wou-Ki is already moving in a world without objects. In this sense Rose is also a testimony to the great rupture celebrated by the famous Vent (Wind) of 1954, kept at the Centre Pompidou, of which Zao Wou-Ki said “it was the first painting which did not tell a story”.
As the artist himself said “still lives, flowers and animals disappeared. I was trying to figure out through signs something imaginary on almost monochrome backgrounds(…) and little by little, the signs became shapes; the backgrounds, space” (Self-portrait, p.105). Rose is typical of the fiery paintings of the first years of his plunge into abstraction, yet it still retains the founding principles of Chinese art – negation of centered perspective, void at the heart of the composition and a taste for an immaterial medium which gives depth to space. The constellation-like signs in Rose give life to an organic environment of varying density, as in the series of the same name, painted by Joan Miró, also a close friend of the artist’s. In both painters’ work, colour abandons contours and shapes to become depth and lifts the veil of the mystery of an empty world haunted by fullness. Already proclaimed in Rose, the disappearance of the figurative aspect anticipates the coming dilution of signs themselves. Zao Wou-Ki’s discovery of abstraction would continue as a revelation, continually developed over forty years without a single figure.