展览
Paris, Galerie Brame & Lorenceau, Anquetin, La passion d'être peintre, mars-avril 1991, p. 32, no. 7 (illustré en couleurs).
Edinbourgh, National Galleries of Scotland, Gauguin's vision, juillet-octobre 2005, p. 45 et 124 (illustré en couleurs, pl. 48).
Francfort, Schirn Kunsthalle, Die Eroberung der Strasse, von Monet bis Grosz, juin-septembre 2006, p. 178 et 308 (illustré en couleurs, p. 179; erronément décrit comme 'pastel sur toile').
Quimper, Musée des Beaux-Arts, Paul Gauguin, La vision du sermon, L'invention du synthétisme, mars-juin 2009, p. 5, no. 11 (illustré en couleurs).
Londres, Eykyn Maclean, Van Gogh in Paris, septembre-novembre 2013, p. 104, no. 11 (illustré en couleurs, p. 21 et 67).
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Pastel exécuté par Louis Anquetin à l’automne 1887, L'Avenue de Clichy marque l’impact de la nouvelle esthétique cloisonniste prônée par l’artiste alors âgé de vingt-six ans et par son ami Émile Bernard. Ce mouvement offre en effet aux deux artistes l’écrin idéal pour retranscrire l’impression fugitive du réel d’un trait sûr et à l’esthétique décorative manifeste.
La présente œuvre dévoile l’animation de cette artère grouillante de monde, un soir de pluie, en hiver, alors que l’on ne distingue plus les silhouettes des passants pressés à la tombée de la nuit. Cette composition nous livre une émanation élégante et soignée des préceptes du Cloisonnisme, tant par la schématisation de la forme que la pureté de la ligne qui suit la technique des cloisonnés médiévaux. Au centre de la composition, la représentation d’une élégante qui remonte sa robe pour éviter de l’abimer avec les flaques d’eau, semble ainsi être un prétexte à l’artiste pour dévoiler sa nouvelle esthétique dans les contours noirs incisifs et sûrs des plis de sa queue d’écrevisse.
La rue est un spectacle dont Anquetin aime restituer le vif ; si la marquise de fer et de verre dévoile un Paris en pleine industrialisation, les jambons suspendus en guirlande sur la devanture de la boucherie symbolisent quant à eux l’effervescence caractéristique du Paris de la Belle-Époque.
La façade du présent pastel n’est par ailleurs pas sans rappeler l’esthétique des pagodes et des lanternes japonaises et témoigne ainsi du vif intérêt de toute cette génération d’artistes pour le Japonisme qui se diffuse largement en France à cette époque. Au sujet des estampes japonaises, « Vincent van Gogh, arrivé à Paris en mars 1886, en était particulièrement féru et cherchait à faire partager sa passion à ses amis. Dans ce but, il organisa en mars 1887 dans le cabaret Le Tambourin, boulevard de Clichy, une exposition d’estampes japonaises, qui fut pour Louis Anquetin et Émile Bernard une révélation » (cité in Anquetin, La passion d'être peintre, ibid, p. 28).
Par l’emploi du bleu comme teinte dominante, L’Avenue de Clichy atteste également de la monochromie recherchée par l’artiste dans l’emploi d’une couleur suggestive, principe cher à Bernard et Anquetin. Par ce bleu profond et contrasté, l’artiste s’attache à rendre sensible les impressions sensorielles de l’extérieur tout en renforçant l’effet par à-plat. « Anquetin eut l’idée de ce principe dans la maison de ses parents où se trouvait une porte vitrée avec des carreaux de couleur ; il se rendit compte que, suivant la couleur du carreau au travers duquel on regardait le paysage, on obtenait des impressions différentes. Le bleu donnait une sensation de froid […] » (cité in ibid., p. 107).
Alors qu’Anquetin représente la foule qui dévale l’avenue au soir tombant avec des attitudes naturelles, certaines figures se détachent par un trait qui peut tantôt faire penser à Seurat – les deux femmes de profil devant la boucherie – tantôt à Daumier dont on retrouve ici la vivacité dans la façon qu’à l’artiste de représenter la « faune urbaine ». Le point de vue moderne de la composition, les hommes en chapeau melon et la verticalité majestueuse des arbres, font en outre écho au Côtier de la Compagnie des Omnibus d’Henri de Toulouse-Lautrec (fig. 1).
L’émulation entre tous ces artistes sera réciproque puisque l’influence de la présente œuvre – dont il existe trois autres versions, une à l’huile (Wadsworth Atheneum, Hartford), une autre à l’aquarelle (Collection particulire) et une autre au pastel (Collection particulière) – sera particulièrement notable dans la célèbre œuvre de Vincent van Gogh, Le Café à Arles (septembre 1888, Musée Kröller-Müller, Otterlo, fig. 2). Dans la mesure où la version à l’huile était au moment où van Gogh quitte Paris le 20 février 1888 à l’Exposition des XX à Bruxelles, il est vraisemblable que van Gogh ait vu dans l’atelier d’Anquetin l’une des versions sur papier, dont le chromatisme et la vivacité des pigments, en particulier dans les jaunes, se rapproche davantage de son tableau.
En 1887, alors que Paris est l’épicentre international de la modernité, l’animation et le dynamisme du présent pastel fait figure de métaphore du foisonnement des idées nouvelles en vogue dans la Ville Lumière et en particulier à Montmartre.
L’Avenue de Clichy, pastel drawn by Louis Anquetin in the autumn of 1887, marks the impact of the new Cloisonnist aesthetic favoured by the artist, then aged twenty-six, and his friend Émile Bernard. This movement gave the two artists the ideal showcase in which to express the fleeting impression of reality in confident strokes and with a clear decorative aesthetic.
This work illustrates the hustle and bustle of this street teeming with people on a rainy winter’s evening when it is impossible to distinguish the silhouettes of hurrying passers-by as night falls. This composition delivers an elegant and meticulous example of the precepts of Cloisonnism, both through schematic forms and the purity of lines, following the technique of medieval cloisonné enamel. In the centre of the composition, the artist portrays an elegant Parisienne who lifts her dress to avoid it being splashed by the puddles. She seems to offer the artist an excuse to reveal his new aesthetic in the incisive and confident black contours of the pleats of her lobster tail bustle.
The street offers lively entertainment that Anquetin likes to represent. While the iron and glass canopy represents Paris in the midst of the industrial age, the hams hanging in a garland on the front of the butcher’s shop symbolise the effervescence characteristic of Belle-Époque Paris.
The front of the building in this pastel also recalls the style of pagodas and Japanese lanterns, testifying to the strong interest this whole generation of artists had in Japonisme, which was very popular in France at the time. On the subject of Japanese etchings, "Vincent van Gogh, who arrived in Paris in March 1886, was particularly keen on them and tried to share his passion with his friends. To this end, in March 1887, at the Le Tambourin cabaret on the boulevard de Clichy, he organised an exhibition of Japanese etchings, which was a revelation for Louis Anquetin and Émile Bernard.” (quoted in Anquetin, La passion d’être peintre, ibid, p. 28).
Using blue as the dominant shade, L’Avenue de Clichy also attests to the monochrome effect sought by the artist in his use of a suggestive colour, a principle upheld by Bernard and Anquetin. With this deep and contrasting blue, the artist endeavours to convey the sensory impressions of the exterior while reinforcing the effect with flat tints. “Anquetin came up with this idea at his parents’ home where he found a door glazed with coloured glass panes; he realised that different impressions were produced, depending on the colour of the piece of glass through which the landscape was admired. Blue gave a cold sensation […]” (quoted in ibid., p. 107).
While Anquetin represents the evening rush hour crowd in natural postures, some figures stand out with strokes that are sometimes reminiscent of Seurat - for instance, the profiles of the two women standing in front of the butcher’s shop - and sometimes of Daumier, whose vivacity is seen here in the way in which the artist depicts the “urban jungle”. The modernity of the composition, men in bowler hats and the majestic verticality of the trees also echo Côtier de la Compagnie des Omnibus by Henri de Toulouse-Lautrec (fig.1).
There was a mutual emulation between all these artists, as the influence of this work - of which there are three other versions: one in oil (Wadsworth Atheneum, Hartford), another in watercolour (private collection) and another in pastel (private collection) - would particularly be seen in Vincent van Gogh's famous work, Café Terrace at Night (September 1888, Kröller-Müller Museum, Otterlo, fig.2). Given that the oil version was at the Exhibition of Les XX in Brussels when van Gogh left Paris on 20 February 1888, it is probable that van Gogh saw one of the paper versions in Anquetin’s studio. Their chromatic theme and the vivacity of the pigments, especially the yellows, are closer to his painting.
In 1887, at a time when Paris was the international epicentre of modernity, the animation and dynamism of this pastel stands as a metaphor for the flourishing of popular new ideas in the City of Light and in Montmartre in particular.