Lot Essay
Peint en 1949, Sans titre est une oeuvre emblématique de la période décisive que représente, pour Riopelle, la toute fin des années 1940. Ce moment marque en effet l'abandon définitif par le peintre de toute référence figurative, ainsi que la mise en place d'un vocabulaire essentiellement fondé sur la spontanéité du geste pictural. La transition qui s'opère est particulièrement palpable dans Sans titre, où l'on retrouve simultanément trois techniques de peintures différentes, chacune étant caractéristique d'un moment distinct dans l'oeuvre de Riopelle: le pinceau (réminiscence de travaux plus anciens), le couteau (qui deviendra progressivement l'outil de prédilection du peintre) et le dripping (que l'on observe uniquement dans cette période charnière des années 1949-1953).
Le parallèle souvent établi entre le travail de Riopelle à cette époque et les recherches menées outre-Atlantique par les peintres de l'expressionnisme abstrait (et au premier desquels figure Jackson Pollock) est ici illustré de façon aiguë. L'usage du dripping chez Riopelle ne sert toutefois pas les mêmes intentions que chez Pollock. Si ce dernier dépose la toile au sol et, ce faisant, s'engage physiquement sur elle et en elle, Riopelle la maintient quant à l ui sur le chevalet, montrant par là que son oeuvre n'est pas une abstraction débridée sans d'autre but que le geste lui-même, mais bien davantage une utilisation du cadre de la peinture pour traduire sur la toile, non pas l'apparence des choses, mais leur signification et les impressions qu'elles engendrent. Surtout, la nature n'est jamais absente du processus créatif à l'oeuvre dans les toiles de Riopelle. C'est ainsi qu'il faut comprendre le peintre lorsqu'il refuse de définir sa peinture comme abstraite: "Abstrait: 'abstrait', 'tirer de', 'faire venir de'... Ma démarche est inverse. Je ne tire pas de la Nature, je vais vers la Nature. " (M. Waldberg in Y. Riopelle, Jean-Paul Riopelle Catalogue raisonné, 1939-1953 Tome I, Montréal, 1999, p. 23). On retrouve d'ailleurs cette conception dans ce dialogue entre l'artiste et Pierre Schneider:
"Alors, quand les gens parlent à ton propos de sentiment de l'espace, c'est faux ?
- Non, mais ça n'a rien à faire avec la nature canadienne. Je ne suis pas le peintre des forêts vierges, des prairies à l'infini... - Soit. Mais ce sentiment de l'espace, alors, tu le trouves dans...
- ...Une feuille d'arbre.
- Une feuille ?
- Ca suffit, hein ? C'est toute la forêt. Le tout, c'est de la voir. Ma conception, ce n'est pas l'abstraction, c'est d'aller vers ça d'un geste libre [...], d'essayer de comprendre ce qu'est la Nature, à partir non pas de la destruction de la Nature, mais vers le monde."
Jean-Paul Riopelle et Pierre Schneider
(Y. Riopelle, Jean-Paul Riopelle Catalogue raisonné, 1939-1953 Tome I, Montréal, 1999, pp. 30 et 31)
Le parallèle souvent établi entre le travail de Riopelle à cette époque et les recherches menées outre-Atlantique par les peintres de l'expressionnisme abstrait (et au premier desquels figure Jackson Pollock) est ici illustré de façon aiguë. L'usage du dripping chez Riopelle ne sert toutefois pas les mêmes intentions que chez Pollock. Si ce dernier dépose la toile au sol et, ce faisant, s'engage physiquement sur elle et en elle, Riopelle la maintient quant à l ui sur le chevalet, montrant par là que son oeuvre n'est pas une abstraction débridée sans d'autre but que le geste lui-même, mais bien davantage une utilisation du cadre de la peinture pour traduire sur la toile, non pas l'apparence des choses, mais leur signification et les impressions qu'elles engendrent. Surtout, la nature n'est jamais absente du processus créatif à l'oeuvre dans les toiles de Riopelle. C'est ainsi qu'il faut comprendre le peintre lorsqu'il refuse de définir sa peinture comme abstraite: "Abstrait: 'abstrait', 'tirer de', 'faire venir de'... Ma démarche est inverse. Je ne tire pas de la Nature, je vais vers la Nature. " (M. Waldberg in Y. Riopelle, Jean-Paul Riopelle Catalogue raisonné, 1939-1953 Tome I, Montréal, 1999, p. 23). On retrouve d'ailleurs cette conception dans ce dialogue entre l'artiste et Pierre Schneider:
"Alors, quand les gens parlent à ton propos de sentiment de l'espace, c'est faux ?
- Non, mais ça n'a rien à faire avec la nature canadienne. Je ne suis pas le peintre des forêts vierges, des prairies à l'infini... - Soit. Mais ce sentiment de l'espace, alors, tu le trouves dans...
- ...Une feuille d'arbre.
- Une feuille ?
- Ca suffit, hein ? C'est toute la forêt. Le tout, c'est de la voir. Ma conception, ce n'est pas l'abstraction, c'est d'aller vers ça d'un geste libre [...], d'essayer de comprendre ce qu'est la Nature, à partir non pas de la destruction de la Nature, mais vers le monde."
Jean-Paul Riopelle et Pierre Schneider
(Y. Riopelle, Jean-Paul Riopelle Catalogue raisonné, 1939-1953 Tome I, Montréal, 1999, pp. 30 et 31)