Juan Gris (1887-1927)
In addition to the regular Buyer’s premium, a comm… Read more Provenant d'une collection privée européenne
Juan Gris (1887-1927)

Citron et raisin

Details
Juan Gris (1887-1927)
Citron et raisin
signé et daté indistinctement 'Juan Gris 25' (en bas à gauche)
huile sur toile
27 x 41 cm
Peint entre juillet et octobre 1925

indistinctly signed and dated 'Juan Gris 25' (lower left)
oil on canvas
10¾ x 16¼ in.
Painted between July and October 1925
Provenance
Galerie Simon, Paris.
Josef Müller, Solothurn.
Bernard Poissonnier, Paris.
Buchholz Gallery (Curt Valentin), New York.
Maria Martins, Washington, D.C. (avant 1947).
Perls Galleries, New York.
Collection particulière, États-Unis (acquis auprès de celle-ci en décembre 1965); vente, Christie's, Londres, 19 juin 2013, lot 358.
Acquis au cours de cette vente par le propriétaire actuel.
Literature
D.-H. Kahnweiler, Juan Gris, His Life and Work, Londres, 1947, p. 171 (illustré, pl. 90).
D. Cooper, Juan Gris, Catalogue raisonné de l'œuvre peint, Paris, 1977, vol. II, p. 364, no. 541 (illustré, p. 365).
Special Notice
In addition to the regular Buyer’s premium, a commission of 5.5% inclusive of VAT of the hammer price will be charged to the buyer. It will be refunded to the Buyer upon proof of export of the lot outside the European Union within the legal time limit. (Please refer to section VAT refunds)
Further Details
Gris peint Citron et raisin durant un accès de vigueur et de productivité intenses, juste avant que sa mort tragique à l'âge de quarante ans ne mette fin à une carrière qui s'étend sur moins de vingt ans. En 1924, l'artiste avait présenté une importante conférence à la Sorbonne, Des Possibilités de la peinture, dont le manuscrit a été traduit en anglais, en espagnol et en allemand, et largement réédité. Le fait d'avoir structuré et articulé sa pensée fondamentale sur l'art pour l'occasion semble avoir inspiré Gris, malgré sa santé toujours chancelante. Ses toiles des années suivantes (1925-1927) ont reçu les éloges d'une légion d'observateurs éminents, parmi lesquels Christian Zervos, Tériade ou Douglas Cooper (voir C. Green, Juan Gris, cat. exp., Whitechapel Art Gallery, Londres, 1992, p. 93-110). Aux yeux de Daniel-Henry Kahnweiler, ces tableaux tardifs seraient les «prouesses suprêmes de l'œuvre de Gris». Il s'explique: «Si la balance avait penché pour l'architecture (le moule) de 1916 à 1919, puis pour la poésie (le contenu) de 1920 à 1923, désormais les bras de la balance se trouvaient au même niveau. Il avait atteint son point d'équilibre. L'architecture et la poésie se fondaient dans ce que j'ai appelé par le passé la polyphonie, et son travail atteignit alors une formidable ampleur» (Juan Gris: His Life and Work, New York, 1969, p. 144). Mais c'est sans doute Gertrude Stein qui, avec son inimitable sens de la formule, résume au mieux ces ultimes exploits de l'artiste: «Quatre ans, beaucoup de maladie, énormément de perfection, de perfection et de beauté réunies, puis à la fin, il y a eu comme la création palpable de quelque chose. Voilà ce qu'il faut prendre en compte» ('The Life and Death of Juan Gris', in Transition, Paris, juillet 1927, p. 160-162; cité in C. Green, op. cit., p. 98).
D'après Cooper, Gris aurait conçu la présente nature morte à la fin de l'été ou au début de l'automne 1925, avant de descendre dans le Midi, à Toulon, pour y passer l'hiver. Sa composition figure un ensemble d'objets humbles, chardinesques, qui respirent les plaisirs simples du palais: un bol de citrons et de raisins, un compotier, une coupelle biseautée et une pipe à tabac. Autant de récipients posés sur une table en bois, partiellement recouverte d'une étoffe froissée; si la table s'élance vers une perspective naturaliste, aux premières loges la masse plane et ondulée du tissu est radicalement renversée contre le plan pictural, de façon à envelopper les objets. Durant cette période, Gris (de même que Picasso) installe souvent ses natures mortes devant des fenêtres ouvertes qui offrent un aperçu séduisant – quoique de plus en plus réduit – de ciel bleu. Or dans la présente toile, la fenêtre a été remplacée par un mur carrelé qui renferme entièrement l'espace sur lui-même, sa géométrie rigoureuse tranchant avec les plis sensuels de la nappe. Le carrelage évoque en outre la grille d'un dessin préparatoire d'artiste, nous renvoyant à cette tendance que Gris avait à glisser des références symboliques aux beaux-arts dans ses natures mortes (une palette et des pinceaux, des toiles tendues, des bustes sculptés ou encore une équerre...). En l'occurrence, le bleu azur vif des carreaux évoque à la fois la mer et le soleil, soulignant d'autant plus l'obturation d'une vue plongeante traditionnelle. Si la nature morte constitue le prétexte et le sujet manifeste de cette composition, nous serions tentés d'avancer que la thématique plus profonde de Citron et raisin pourrait être la pratique même de la peinture moderne.
Le tableau dégage par ailleurs cette puissante dimension théâtrale qui distingue les œuvres tardives de Gris. Les objets mis en scène sont éclairés comme par des projecteurs, un rayon d'un blanc éclatant illuminant notamment le compotier et la coupelle. Avec leur contour noir, les bords de la nappe se découpent crûment contre l'arrière-plan, propulsant la nature morte vers l'observateur ; le mur carrelé, lui, malgré ses nuances vives, semble s'éclipser vers les coulisses. L'espace pictural est rapproché et confiné, attirant l'attention sur les relations formelles entre les objets qui jouent ce drame domestique : on remarque entre autres la profusion de leurs ouvertures, dont les formes et les dimensions variées les distinguent les uns des autres. Christopher Green en conclut que, «Comme les Arlequins et les Pierrots de Gris, à partir de 1920 ses natures mortes peuvent souvent être perçues comme des drames plastiques on ne peut plus conventionnels, figés dans l'immobilité de tableaux dont les acteurs sont des objets, et où les rares rôles ne reviennent qu'à des personnages-types bien connus, issus d'une longue tradition. Les verres, les bouteilles et les carafes, les fruits et leurs récipients... sont aussi familiers que les masques et les costumes de la commedia dell'arte» (in ibid., p. 156).

Gris painted Citron et raisin during a spell of intense vigor and productivity immediately prior to his tragic death at the age of forty, which ended a career of less than two decades duration. In 1924, he had delivered an important lecture at the Sorbonne, Des Possibilités de la peinture, which was translated into English, Spanish, and German and widely re-printed. The process of organizing and articulating his fundamental ideas on painting for the lecture seems to have inspired Gris, despite his persistent ill health. The paintings that he produced during the ensuing years (1925-1927) have been praised for their mastery by an array of eminent commentators, from Christian Zervos and Tériade to Douglas Cooper (for discussion, see C. Green, Juan Gris, exh. cat., Whitechapel Art Gallery, London, 1992, p. 93-110). Daniel-Henry Kahnweiler called these late paintings "the crowning achievements of Gris's œuvre," explaining, "Whereas from 1916 to 1919 the balance had swung in favor of Architecture (the mold), and from 1920 to 1923 in favor of Poetry (the content), the arms of the balance now stood level. He achieved equilibrium. Architecture and Poetry were blended in what I have already called Polyphony, and his work attained a magnificent amplitude" (Juan Gris: His Life and Work, New York, 1969, p. 144). But it is Gertrude Stein, in her idiosyncratic and inimitable manner, who perhaps best summed up the artist's final achievement: "Four years partly illness much perfection and rejoining beauty and perfection and then at the end there came a definite creation of something. This is what is to be measured" ('The Life and Death of Juan Gris', in Transition, Paris, July 1927, p. 160-162; quoted in C. Green, in op. cit., p. 98).
According to Cooper, Gris painted the present still-life during the late summer or early fall of 1925, before heading south to Toulon for the winter. The composition depicts an assortment of humble, Chardinesque objects that connote the simple pleasures of food and drink: a bowl of lemons and grapes, a footed compotier, a beveled tumbler, and a tobacco pipe. The vessels are positioned on a wooden table partially covered by a rumpled cloth; the table recedes in naturalistic perspective, while the flat, undulating form of the cloth is tipped up radically against the picture plane, enveloping the still-life objects. In many of Gris's paintings from this period (and those of Picasso as well), the still-life is situated in front of an open window, which offers a tantalizing glimpse--albeit an increasingly small one - of blue sky. In the present painting, the window is replaced by a tiled wall that closes off the space entirely, its rigorous geometry forming a marked contrast to the sensuous folds of the tablecloth. The grid pattern of the tiled wall suggests the squared ground of an artist's preparatory drawing, reminding us that Gris often included symbolic attributes of the visual arts in his late still-lifes (a palette and brushes, stretched canvases, sculpted busts, even a set square). The vivid azure color of the tiled ground, moreover, continues to evoke both sea and sky, underscoring the obliteration of a conventional view into depth. Although the still-life provides the pretext for the composition and its ostensible subject, the deeper theme of Citron et raisin, we might propose, is the very practice of modern painting.
The painting also possesses the powerfully theatrical quality that distinguishes Gris's late work. The still-life objects are spot-lit as if by stage lighting, with a bright shaft of white illuminating the compotier and the tumbler. The rear edge of the tablecloth is outlined in black against the background, effectively pushing the still-life towards the viewer; the tiled wall, despite its vibrant color, seems to recede upstage. The pictorial space is close-up and confined, calling attention to the formal relationships among the still-life objects in this tabletop drama, such as the proliferation of openings of varying shapes and sizes. Christopher Green has concluded, "Like Gris's Harlequins and Pierrots, his still-lifes after 1920 can often be seen as highly conventionalized pictorial dramas frozen into the immobility of tableaux, where the characters are objects and the dramatis personae are restricted to a few, easily recognized character-types established by tradition. The glasses, bottles and carafes, fruit and fruit dishes... are as familiar as the masks and costumes of the Italian comedy" (in ibid., p. 156).

Brought to you by

Antoine Lebouteiller
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