拍品专文
« J'ai dispersé mes objets dans l'espace et je les ai faits tenir entre eux en les faisant rayonner en avant sur la toile. Tout un jeu facile d'accords et de rythmes fait de couleurs de fond et de surface, de lignes conductrices, de distances et d'oppositions, quelquefois de rencontres insolites » (Fernand Léger, sur son travail de la fin des années 1930, cité in W. Schmalenbach, Fernand Léger, New York, 1976, p. 132).
Œuvre phare de cette collection particulière parisienne d'exception, ce Paysage animé peint en 1937 synthétise parfaitement le dynamisme lyrique et enjoué qui fait alors vibrer les travaux de Fernand Léger, comme il le décrit lui-même ci-dessus. La sœur jumelle de cette toile, Paysage à l’arbre bleu (no. 939 in G. Bauquier, ibid., Paris, 1996) a été vendue par Christie's Londres en juin 2014 pour plus de 2 millions de dollars, multipliant quasiment par deux son estimation initiale. Paysage animé est à bien des égards son image en miroir. À quelques détails près, il reproduit à l'identique la composition de Paysage à l’arbre bleu, mais en l'inversant et en la transposant à un format légèrement plus réduit : le même arbre bleu en forme d'étoile domine l'ensemble, et tend ici les branches vers la droite comme pour enlacer le tronc à ses côtés, d'un rouge carmin profond. Le rendu modelé, presque métallique de ces deux éléments du premier plan tranche nettement avec les bandes diagonales de rouge, de blanc, de jaune et de noir qui se déploient derrière eux. De ce contraste naît une sensation de rythme et de mouvement palpitants, ainsi qu'un étrange effet de perspective. En plus des deux arbres anthropomorphiques et de cet arrière-plan abstrait, Léger insère quelques éléments plus figuratifs dans sa toile, comme cette vache qu'il glisse dans le coin inférieur droit de Paysage animé (et que l'on retrouve donc sur la gauche de Paysage à l’arbre bleu), ou ces arbres en enfilade qui se découpent au lointain, réduits à de simples gouttelettes vertes sous lesquelles grimpent de mystérieuses échelles depuis l'angle inférieur gauche.
S'en dégage une vivacité débordante, exaltée par la structure verticale de la composition qui vient rompre avec les codes et le format traditionnel du paysage. Les deux arbres sont pourtant bien les nerfs de cette œuvre, leurs jeux de couleurs, de textures et de formes incarnant pleinement le « nouveau réalisme » de Léger, voué à dépeindre et célébrer le monde qui nous entoure. En réservant une place aussi centrale à ces deux grands végétaux, à cheval entre l'espace pictural et la réalité concrète où se trouve le spectateur, Léger attire notre attention sur leur qualité d'êtres vivants. En ce sens, il les met sur le devant de la scène pour en faire les protagonistes de son arrangement lyrique. Les autres éléments et motifs polychromes que l'artiste dissémine de manière plus ou moins égale dans Paysage à l’arbre bleu et Paysage animé participent à l'unisson à cette théâtralité. Ces deux tableaux datent en effet d'une période où l'artiste redouble d'intérêt pour les arts de la scène et conçoit de nombreux décors qui figurent parfois des arbres comme ceux-ci. Ses travaux monumentaux habillent alors les salles de théâtre aussi bien que l'espace public, et lui permettent de rendre son œuvre accessible au plus grand nombre : ou comment émerveiller les foules avec un peu de couleur et de fantaisie. On retrouve là tout l'idéalisme de Léger, qui était intimement convaincu que l'art pouvait être source de joie et avoir un impact positif sur la vie d'autrui. Les différents composants de Paysage animé et de Paysage à l’arbre bleu préfigurent par ailleurs un projet de manteau de cheminée pour Nelson Rockefeller, commandé en 1938 et achevé en 1939.
Paysage animé est non seulement représentatif de l'esthétique d'un Léger tiraillé entre sa volonté de traduire l'effervescence de la vie moderne et le besoin de redéfinir la place qu'y occupe la nature, mais il incarne aussi le sommet de la carrière du peintre. Après le succès de plusieurs expositions personnelles en Europe et aux États-Unis, l'année 1937 s'avère particulièrement prolifique pour l'artiste. Elle est notamment marquée par l'Exposition universelle de Paris ou, de son nom officiel, l'« Exposition internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne ». À la demande de l'État français, Léger peint à partir d'octobre 1936 plusieurs œuvres pour l'occasion, parmi lesquelles Le Transport des forces, un tableau conçu pour orner les murs du Palais de la Découverte, et qui scelle la renommée internationale du peintre. Le voilà érigé au rang des artistes les plus influents du XXe siècle, aux côtés des maîtres espagnols Joan Miró et Pablo Picasso, dont Le Faucheur et Guernica feront de cette Exposition de 1937 un rendez-vous d'autant plus historique.
"I dispersed my objects in space and kept them all together while at the same time making them radiate out from the surface of the picture. A tricky interplay of harmonies and rhythms made up of background and surface colors, guidelines, distances and oppositions" (Fernand Léger, commenting on his works of the late 1930s, quoted in W. Schmalenbach, Fernand Léger, New York, 1976, p. 132).
As the star lot of this prestigious private Parisian collection, Paysage animé, painted in 1937, perfectly condenses the sense of playful lyricism and dynamism that characterised Fernand Léger’s works during that period, as described in his own words here above. The sister piece, Paysage à l’arbre bleu, (no. 939 in G. Bauquier, ibid., Paris, 1996) was sold by Christie’s London in June 2014 for over 2 million USD, almost twice its pre-sale estimate. Paysage animé is the mirror image of Paysage à l’arbre bleu, with the same composition - albeit inverted and on a slightly smaller format - which is dominated by the star-like form of the blue tree, seemingly embracing the deep red tree-trunk on its right. The modelled and almost metallic rendering of these two trees in the foreground contrast with the flat diagonal strips of red, white, yellow and black, endowing the painting with a general sense of pulsing movement and rhythm, as well as contributing to the composition’s strange perspective. In addition to these anthropomorphic trees and abstract background, Léger also featured some more figural elements such as the cow in the lower right corner of Paysage animé (present in the lower left corner of Paysage à l’arbre bleu), or the other distant trees that are mainly depicted as green globules while mysterious ladders also stretch up in the lower left quadrant.
The vivid sense of energy of this picture is accentuated by its vertical composition, which seems at odds with its landscape format. However, it is clear that the trees themselves are the focus, their interplay of colour, of texture and of form, perfectly embodying Léger’s concept of ‘New Realism’, with its focus on depicting and celebrating the world around us. By giving such a prominent place to the trees, at the border between the pictorial space and reality where the viewer stands, Léger draws our attention to the trees as beings in their own right, devoid of narrative. To some extent, the trees become the protagonists of Léger’s lyrical setting. The other polychrome motifs and elements that Paysage à l’arbre bleu and the present work Paysage animé share in part, indeed also capture the theatrical aspect of Léger’s work. Indeed, both landscapes were painted during the period in which he had become increasingly involved in set design, creating stages that often featured trees similar to those shown here. His work formed a backdrop to plays and public displays alike, allowing him to bring art to the crowds, to the masses, to provide entertainment through whimsy and colour alike. This offers an insight into Léger’s idealism and his belief in art as a vehicle for the improvement of the lives of others. At the same time, the constituent parts of both Paysage animé and Paysage à l’arbre bleu also prefigure the design of Nelson Rockefeller’s fireplace, a commission Léger received the following year and completed in 1939.
Paysage animé bears witness not only to Léger’s aesthetics, caught between a certain dynamism reflecting modern life yet at the same time, a return to figuration in order to reassert nature’s role in this new life, but it also incarnates the peak of Léger’s artistic career. Not only was 1937 an extraordinary prolific year for Léger, following successful solo exhibitions in America and Europe, but he was also commissioned by the French state in October 1936 to paint several works, including Le Transport des forces, for the Universal Exhibition that was held in Paris in 1937, better known as the international exhibition of the « arts and techniques applied to modern life », . Destined to decorate the Palais de la Découverte, Le Transport des forces proved Léger’s international reputation and his recognition as one of the leading 20th century artists, alongside Spanish masters Pablo Picasso and Joan Miró, who respectively exhibited Guernica and The Reaper at the 1937 Universal Exhibition in Paris.
Œuvre phare de cette collection particulière parisienne d'exception, ce Paysage animé peint en 1937 synthétise parfaitement le dynamisme lyrique et enjoué qui fait alors vibrer les travaux de Fernand Léger, comme il le décrit lui-même ci-dessus. La sœur jumelle de cette toile, Paysage à l’arbre bleu (no. 939 in G. Bauquier, ibid., Paris, 1996) a été vendue par Christie's Londres en juin 2014 pour plus de 2 millions de dollars, multipliant quasiment par deux son estimation initiale. Paysage animé est à bien des égards son image en miroir. À quelques détails près, il reproduit à l'identique la composition de Paysage à l’arbre bleu, mais en l'inversant et en la transposant à un format légèrement plus réduit : le même arbre bleu en forme d'étoile domine l'ensemble, et tend ici les branches vers la droite comme pour enlacer le tronc à ses côtés, d'un rouge carmin profond. Le rendu modelé, presque métallique de ces deux éléments du premier plan tranche nettement avec les bandes diagonales de rouge, de blanc, de jaune et de noir qui se déploient derrière eux. De ce contraste naît une sensation de rythme et de mouvement palpitants, ainsi qu'un étrange effet de perspective. En plus des deux arbres anthropomorphiques et de cet arrière-plan abstrait, Léger insère quelques éléments plus figuratifs dans sa toile, comme cette vache qu'il glisse dans le coin inférieur droit de Paysage animé (et que l'on retrouve donc sur la gauche de Paysage à l’arbre bleu), ou ces arbres en enfilade qui se découpent au lointain, réduits à de simples gouttelettes vertes sous lesquelles grimpent de mystérieuses échelles depuis l'angle inférieur gauche.
S'en dégage une vivacité débordante, exaltée par la structure verticale de la composition qui vient rompre avec les codes et le format traditionnel du paysage. Les deux arbres sont pourtant bien les nerfs de cette œuvre, leurs jeux de couleurs, de textures et de formes incarnant pleinement le « nouveau réalisme » de Léger, voué à dépeindre et célébrer le monde qui nous entoure. En réservant une place aussi centrale à ces deux grands végétaux, à cheval entre l'espace pictural et la réalité concrète où se trouve le spectateur, Léger attire notre attention sur leur qualité d'êtres vivants. En ce sens, il les met sur le devant de la scène pour en faire les protagonistes de son arrangement lyrique. Les autres éléments et motifs polychromes que l'artiste dissémine de manière plus ou moins égale dans Paysage à l’arbre bleu et Paysage animé participent à l'unisson à cette théâtralité. Ces deux tableaux datent en effet d'une période où l'artiste redouble d'intérêt pour les arts de la scène et conçoit de nombreux décors qui figurent parfois des arbres comme ceux-ci. Ses travaux monumentaux habillent alors les salles de théâtre aussi bien que l'espace public, et lui permettent de rendre son œuvre accessible au plus grand nombre : ou comment émerveiller les foules avec un peu de couleur et de fantaisie. On retrouve là tout l'idéalisme de Léger, qui était intimement convaincu que l'art pouvait être source de joie et avoir un impact positif sur la vie d'autrui. Les différents composants de Paysage animé et de Paysage à l’arbre bleu préfigurent par ailleurs un projet de manteau de cheminée pour Nelson Rockefeller, commandé en 1938 et achevé en 1939.
Paysage animé est non seulement représentatif de l'esthétique d'un Léger tiraillé entre sa volonté de traduire l'effervescence de la vie moderne et le besoin de redéfinir la place qu'y occupe la nature, mais il incarne aussi le sommet de la carrière du peintre. Après le succès de plusieurs expositions personnelles en Europe et aux États-Unis, l'année 1937 s'avère particulièrement prolifique pour l'artiste. Elle est notamment marquée par l'Exposition universelle de Paris ou, de son nom officiel, l'« Exposition internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne ». À la demande de l'État français, Léger peint à partir d'octobre 1936 plusieurs œuvres pour l'occasion, parmi lesquelles Le Transport des forces, un tableau conçu pour orner les murs du Palais de la Découverte, et qui scelle la renommée internationale du peintre. Le voilà érigé au rang des artistes les plus influents du XXe siècle, aux côtés des maîtres espagnols Joan Miró et Pablo Picasso, dont Le Faucheur et Guernica feront de cette Exposition de 1937 un rendez-vous d'autant plus historique.
"I dispersed my objects in space and kept them all together while at the same time making them radiate out from the surface of the picture. A tricky interplay of harmonies and rhythms made up of background and surface colors, guidelines, distances and oppositions" (Fernand Léger, commenting on his works of the late 1930s, quoted in W. Schmalenbach, Fernand Léger, New York, 1976, p. 132).
As the star lot of this prestigious private Parisian collection, Paysage animé, painted in 1937, perfectly condenses the sense of playful lyricism and dynamism that characterised Fernand Léger’s works during that period, as described in his own words here above. The sister piece, Paysage à l’arbre bleu, (no. 939 in G. Bauquier, ibid., Paris, 1996) was sold by Christie’s London in June 2014 for over 2 million USD, almost twice its pre-sale estimate. Paysage animé is the mirror image of Paysage à l’arbre bleu, with the same composition - albeit inverted and on a slightly smaller format - which is dominated by the star-like form of the blue tree, seemingly embracing the deep red tree-trunk on its right. The modelled and almost metallic rendering of these two trees in the foreground contrast with the flat diagonal strips of red, white, yellow and black, endowing the painting with a general sense of pulsing movement and rhythm, as well as contributing to the composition’s strange perspective. In addition to these anthropomorphic trees and abstract background, Léger also featured some more figural elements such as the cow in the lower right corner of Paysage animé (present in the lower left corner of Paysage à l’arbre bleu), or the other distant trees that are mainly depicted as green globules while mysterious ladders also stretch up in the lower left quadrant.
The vivid sense of energy of this picture is accentuated by its vertical composition, which seems at odds with its landscape format. However, it is clear that the trees themselves are the focus, their interplay of colour, of texture and of form, perfectly embodying Léger’s concept of ‘New Realism’, with its focus on depicting and celebrating the world around us. By giving such a prominent place to the trees, at the border between the pictorial space and reality where the viewer stands, Léger draws our attention to the trees as beings in their own right, devoid of narrative. To some extent, the trees become the protagonists of Léger’s lyrical setting. The other polychrome motifs and elements that Paysage à l’arbre bleu and the present work Paysage animé share in part, indeed also capture the theatrical aspect of Léger’s work. Indeed, both landscapes were painted during the period in which he had become increasingly involved in set design, creating stages that often featured trees similar to those shown here. His work formed a backdrop to plays and public displays alike, allowing him to bring art to the crowds, to the masses, to provide entertainment through whimsy and colour alike. This offers an insight into Léger’s idealism and his belief in art as a vehicle for the improvement of the lives of others. At the same time, the constituent parts of both Paysage animé and Paysage à l’arbre bleu also prefigure the design of Nelson Rockefeller’s fireplace, a commission Léger received the following year and completed in 1939.
Paysage animé bears witness not only to Léger’s aesthetics, caught between a certain dynamism reflecting modern life yet at the same time, a return to figuration in order to reassert nature’s role in this new life, but it also incarnates the peak of Léger’s artistic career. Not only was 1937 an extraordinary prolific year for Léger, following successful solo exhibitions in America and Europe, but he was also commissioned by the French state in October 1936 to paint several works, including Le Transport des forces, for the Universal Exhibition that was held in Paris in 1937, better known as the international exhibition of the « arts and techniques applied to modern life », . Destined to decorate the Palais de la Découverte, Le Transport des forces proved Léger’s international reputation and his recognition as one of the leading 20th century artists, alongside Spanish masters Pablo Picasso and Joan Miró, who respectively exhibited Guernica and The Reaper at the 1937 Universal Exhibition in Paris.