拍品专文
Le Comité Marc Chagall a confirmé l'authenticité de cette œuvre.
Au moment où Chagall peint cette gouache étincelante, il jouit déjà d'une solide renommée internationale cimentée, entre autres, par sa première grande rétrospective à la Basel Kunsthalle en 1933, et par une commande majeure du marchand d'art Ambroise Vollard qui l'amènera à illustrer la Bible en cent-cinq gravures magistrales. Durablement installé à Paris, Chagall vient en outre d'obtenir la nationalité française – un soulagement, au vu du contexte politique qui corrode alors sa Russie natale. Cet heureux concours de circonstances personnelles est cependant terni par les premières bombes de la Guerre d'Espagne en 1936, l'ombre du stalinisme et de la Grande Terreur (dont les purges emportent son professeur préféré, Yuri Moyseevich Pen), et la menace nazie qui s'abat sur l'Europe. En 1937, Joseph Goebbels fait notamment vider les musées allemands de leurs fonds d'art « dégénéré » (essentiellement l'ensemble des mouvements d'avant-garde modernes), jugé indigne de l'esprit aryen. Les travaux de Chagall ne sont pas épargnés par cette spoliation massive qui fera disparaître plus de 20 000 œuvres d'art : dix de ses tableaux issus de collections publiques allemandes sont confisqués par le régime, puis tournés en dérision à la fameuse exposition d'art dégénéré (« Entartete Kunst ») inaugurée à Munich en juillet 1937.
Chagall s'autorise malgré tout à savourer sa nouvelle nationalité française ; s'il aime Paris, il est encore plus épris de la France profonde, qu'il sillonne volontiers avec son épouse Bella au fil des années 1930. À ses yeux, sa terre d'adoption est le pays de la « lumière-liberté », de « la lumière de la liberté qu'[il n'a] vue nulle part ailleurs. Et cette lumière revit dans l'art et se projette naturellement sur les toiles des grands maîtres français... Seule cette 'lumière-liberté' peut engendrer des tableaux d'un tel éclat, dans lesquels les révolutions techniques affichent le même naturel que le langage, le geste, le zèle du commun des mortels » (‘Address at Mount Holyoke College, August 1943’, in B. Harshav, éd., Marc Chagall on Art and Culture, Stanford, 2003, p. 68). Cette même « lumière-liberté » semble bien émaner de la présente gouache. Baignée de la lueur chaude qui entre par la fenêtre ouverte, Corbeille au soleil (Gordes) rayonne de couleurs vives, exaltées par la fraîcheur du pigment bleu que le peintre dissémine sur sa toile. Lorsque la guerre éclate en 1939, Chagall, son épouse Bella, sa fille Ida et son gendre Michel Gordey fuient Paris pour rejoindre la vallée de la Loire, avant de s'installer à Gordes. Espérant pouvoir s'y abriter jusqu'à la fin du conflit, Chagall achète une maison dans cette petite ville de Provence le 10 mai 1940, le jour même où les forces allemandes envahissent la Belgique. Le panier plein de beaux fruits charnus, qui chatoient dans l'éclat de cette lumière si particulière, occupe plus d'un quart de la composition. Postés devant une chaise vide sur laquelle repose négligemment une écharpe, ils semblent attendre qu'une âme charitable vienne s'asseoir pour les croquer à pleines dents. Ici, l'idée d'abondance, de joie et de vie associée au fruit est intensifiée par le sentiment de liberté que procure cette fenêtre qui semble s'ouvrir sur le champ des possibles – un motif cher à l'artiste. Malgré le réalisme de cette scène ensoleillée, les contours évasifs et vaporeux des objets nous font glisser subtilement vers l'univers onirique qui fait toute la singularité de l'œuvre de Chagall. Le peintre donne ici l'impression d'un monde en apesanteur dans lequel flottent la corbeille de fruit et le décor tout entier. Un an plus tard à peine, ce lieu où l'artiste avait voulu se croire en sûreté ne sera pourtant plus qu'un lointain souvenir. Contrainte de quitter l'Europe – juste à temps pour échapper au sort tragique de tant de juifs de France – la famille Chagall rejoint les États-Unis en 1941, pour écrire à New York un nouveau chapitre de son existence.
By the time Chagall executed this scintillating gouache, he was a very well established artist having had his first major retrospective at the Basel Kunsthalle in 1933, and receiving an important commission from dealer Ambroise Vollard to illustrate the Bible in 105 plates. Chagall was also fully settled in France, having obtained French citizenship in June 1937, a true relief given the turn of events in his own country. Despite all this success, the beginning of the Spanish Civil War in 1936, the rise of Soviet communism and Stalin’s purges of 1936-8 – including the murder of Chagall’s favorite art teacher, Yuri Moyseevich Pen - and the shadow of the Nazi regime were falling upon Europe. In 1937, German minister Joseph Goebbels ordered to purge German museums of their holdings of so-called ‘degenerate’ art, which according to the Nazis, was an art that did not capture the true Aryan spirit, encompassing mainly the modern art trends such as Cubism, Expressionism, Surrealism and Abstract Art. Chagall’s works were not spared from this looting of over 20,000 works, and ten of his works were confiscated from German public collections to be included, and consequently mocked, at the infamous Entartete Kunst exhibition, inaugurated in Munich in July 1937.
Yet Chagall was grateful to be French; he loved Paris and especially the French countryside that he extensively visited with his wife Bella in the 1930s. France stood for him as the land of ‘lumière-liberté’ –‘the light of freedom which I had seen nowhere else’, he wrote, ‘And this light, reborn in art, passed easily onto the canvases of the great French masters… Only this ‘lumière-liberté’ can give birth to such sparkling canvases, where technical revolutions are just as natural as the language, the gesture, the work of the passerby in the street’ (‘Address at Mount Holyoke College, August 1943’, in B. Harshav, ed., Marc Chagall on Art and Culture, Stanford, 2003, p. 68). This ‘lumière-liberté’ particularly emanates from the present gouache, Corbeille au soleil (Gordes), gleaming with bright colours enhanced by the fresh blue pigment used, and flooding the room with warm sunshine from the open window. When the war broke out in 1939, Chagall, his wife Bella, his daughter Ida and her husband Michel Gordey, fled Paris to move south of the Loire and finally to settle in Gordes, where on 10 May 1940 – the very day German armies invaded Belgium – Chagall purchased a house in this charming provençal town in which he hoped to safely spend the duration of the war. The basket full of juicy plump fruits – shining with the reflection of this ‘lumière-liberté’ - takes up more than a quarter of the composition. They seem to be waiting to be eaten by the person who will sit in the empty chair on which a shawl has been thrown. The fruits’ connotation of abundance, joy, life, is furthermore complemented by the notion of freedom and escape to another brighter world, hinted by the open window, a recurrent motif throughout Chagall’s œuvre. Despite the realism of this scene in sunny Gordes - as always with Chagall - the artist takes us into his dreamy world as not only the fruit basket but also the whole setting appear to float in space, as suggested by Chagall’s faded edges. Barely a year later, the place Chagall naively thought was a safe refuge from the war, would become just a memory given that Chagall and his family were compelled to leave France in 1941 – escaping just in time to avoid from being deported to concentration camps like so many other Jews and refugees in France - and were exiled to America, where they started a new chapter of their lives in New York.
Au moment où Chagall peint cette gouache étincelante, il jouit déjà d'une solide renommée internationale cimentée, entre autres, par sa première grande rétrospective à la Basel Kunsthalle en 1933, et par une commande majeure du marchand d'art Ambroise Vollard qui l'amènera à illustrer la Bible en cent-cinq gravures magistrales. Durablement installé à Paris, Chagall vient en outre d'obtenir la nationalité française – un soulagement, au vu du contexte politique qui corrode alors sa Russie natale. Cet heureux concours de circonstances personnelles est cependant terni par les premières bombes de la Guerre d'Espagne en 1936, l'ombre du stalinisme et de la Grande Terreur (dont les purges emportent son professeur préféré, Yuri Moyseevich Pen), et la menace nazie qui s'abat sur l'Europe. En 1937, Joseph Goebbels fait notamment vider les musées allemands de leurs fonds d'art « dégénéré » (essentiellement l'ensemble des mouvements d'avant-garde modernes), jugé indigne de l'esprit aryen. Les travaux de Chagall ne sont pas épargnés par cette spoliation massive qui fera disparaître plus de 20 000 œuvres d'art : dix de ses tableaux issus de collections publiques allemandes sont confisqués par le régime, puis tournés en dérision à la fameuse exposition d'art dégénéré (« Entartete Kunst ») inaugurée à Munich en juillet 1937.
Chagall s'autorise malgré tout à savourer sa nouvelle nationalité française ; s'il aime Paris, il est encore plus épris de la France profonde, qu'il sillonne volontiers avec son épouse Bella au fil des années 1930. À ses yeux, sa terre d'adoption est le pays de la « lumière-liberté », de « la lumière de la liberté qu'[il n'a] vue nulle part ailleurs. Et cette lumière revit dans l'art et se projette naturellement sur les toiles des grands maîtres français... Seule cette 'lumière-liberté' peut engendrer des tableaux d'un tel éclat, dans lesquels les révolutions techniques affichent le même naturel que le langage, le geste, le zèle du commun des mortels » (‘Address at Mount Holyoke College, August 1943’, in B. Harshav, éd., Marc Chagall on Art and Culture, Stanford, 2003, p. 68). Cette même « lumière-liberté » semble bien émaner de la présente gouache. Baignée de la lueur chaude qui entre par la fenêtre ouverte, Corbeille au soleil (Gordes) rayonne de couleurs vives, exaltées par la fraîcheur du pigment bleu que le peintre dissémine sur sa toile. Lorsque la guerre éclate en 1939, Chagall, son épouse Bella, sa fille Ida et son gendre Michel Gordey fuient Paris pour rejoindre la vallée de la Loire, avant de s'installer à Gordes. Espérant pouvoir s'y abriter jusqu'à la fin du conflit, Chagall achète une maison dans cette petite ville de Provence le 10 mai 1940, le jour même où les forces allemandes envahissent la Belgique. Le panier plein de beaux fruits charnus, qui chatoient dans l'éclat de cette lumière si particulière, occupe plus d'un quart de la composition. Postés devant une chaise vide sur laquelle repose négligemment une écharpe, ils semblent attendre qu'une âme charitable vienne s'asseoir pour les croquer à pleines dents. Ici, l'idée d'abondance, de joie et de vie associée au fruit est intensifiée par le sentiment de liberté que procure cette fenêtre qui semble s'ouvrir sur le champ des possibles – un motif cher à l'artiste. Malgré le réalisme de cette scène ensoleillée, les contours évasifs et vaporeux des objets nous font glisser subtilement vers l'univers onirique qui fait toute la singularité de l'œuvre de Chagall. Le peintre donne ici l'impression d'un monde en apesanteur dans lequel flottent la corbeille de fruit et le décor tout entier. Un an plus tard à peine, ce lieu où l'artiste avait voulu se croire en sûreté ne sera pourtant plus qu'un lointain souvenir. Contrainte de quitter l'Europe – juste à temps pour échapper au sort tragique de tant de juifs de France – la famille Chagall rejoint les États-Unis en 1941, pour écrire à New York un nouveau chapitre de son existence.
By the time Chagall executed this scintillating gouache, he was a very well established artist having had his first major retrospective at the Basel Kunsthalle in 1933, and receiving an important commission from dealer Ambroise Vollard to illustrate the Bible in 105 plates. Chagall was also fully settled in France, having obtained French citizenship in June 1937, a true relief given the turn of events in his own country. Despite all this success, the beginning of the Spanish Civil War in 1936, the rise of Soviet communism and Stalin’s purges of 1936-8 – including the murder of Chagall’s favorite art teacher, Yuri Moyseevich Pen - and the shadow of the Nazi regime were falling upon Europe. In 1937, German minister Joseph Goebbels ordered to purge German museums of their holdings of so-called ‘degenerate’ art, which according to the Nazis, was an art that did not capture the true Aryan spirit, encompassing mainly the modern art trends such as Cubism, Expressionism, Surrealism and Abstract Art. Chagall’s works were not spared from this looting of over 20,000 works, and ten of his works were confiscated from German public collections to be included, and consequently mocked, at the infamous Entartete Kunst exhibition, inaugurated in Munich in July 1937.
Yet Chagall was grateful to be French; he loved Paris and especially the French countryside that he extensively visited with his wife Bella in the 1930s. France stood for him as the land of ‘lumière-liberté’ –‘the light of freedom which I had seen nowhere else’, he wrote, ‘And this light, reborn in art, passed easily onto the canvases of the great French masters… Only this ‘lumière-liberté’ can give birth to such sparkling canvases, where technical revolutions are just as natural as the language, the gesture, the work of the passerby in the street’ (‘Address at Mount Holyoke College, August 1943’, in B. Harshav, ed., Marc Chagall on Art and Culture, Stanford, 2003, p. 68). This ‘lumière-liberté’ particularly emanates from the present gouache, Corbeille au soleil (Gordes), gleaming with bright colours enhanced by the fresh blue pigment used, and flooding the room with warm sunshine from the open window. When the war broke out in 1939, Chagall, his wife Bella, his daughter Ida and her husband Michel Gordey, fled Paris to move south of the Loire and finally to settle in Gordes, where on 10 May 1940 – the very day German armies invaded Belgium – Chagall purchased a house in this charming provençal town in which he hoped to safely spend the duration of the war. The basket full of juicy plump fruits – shining with the reflection of this ‘lumière-liberté’ - takes up more than a quarter of the composition. They seem to be waiting to be eaten by the person who will sit in the empty chair on which a shawl has been thrown. The fruits’ connotation of abundance, joy, life, is furthermore complemented by the notion of freedom and escape to another brighter world, hinted by the open window, a recurrent motif throughout Chagall’s œuvre. Despite the realism of this scene in sunny Gordes - as always with Chagall - the artist takes us into his dreamy world as not only the fruit basket but also the whole setting appear to float in space, as suggested by Chagall’s faded edges. Barely a year later, the place Chagall naively thought was a safe refuge from the war, would become just a memory given that Chagall and his family were compelled to leave France in 1941 – escaping just in time to avoid from being deported to concentration camps like so many other Jews and refugees in France - and were exiled to America, where they started a new chapter of their lives in New York.