拍品專文
Appelé 'Le Romain' pour le temps passé à Rome, mais aussi pour le distinguer des autres membres de sa famille artistes comme lui, Jean Alaux se lia d'une profonde amitié avec Ingres pendant leur séjour commun dans la ville éternelle à partir de 1816. Si le jeune peintre arrivait tout juste à la Villa Médicis après avoir gagné le prix de l'Académie en 1815, Ingres était lui déjà installé avec sa femme dans un appartement au premier étage du numéro 34 de la Via Gregoriana. Les vies d'Ingres et d'Alaux présentent cependant d'étonnantes similitudes qui peuvent expliquer cette amitié dont les plus beaux témoignages restent les portraits qu'ils ont faits l'un de l'autre. Alaux réalisa en effet en 1818 un tableau, aujourd'hui conservé au musée Ingres à Montauban (fig. 1; Inv. MI.50.545), qui montre la famille Ingres dans leur appartement romain. Le tableau s'ouvre sur une vue à travers les salles de la maison de la Via Gregoriana, avec au premier plan sa femme, Madeleine Chapelle, et au fond l'artiste entouré de ses oeuvres, son violon favori dans les mains. Aucun détail ne manque dans ce portrait intime du déjà célèbre artiste, ni le chat ronronnant, ni le large chapeau que la femme d'Ingres, modiste, aimait arborer. La même année, en 1818, Ingres dessina un autre portrait d'Alaux (fig. 2; collection particulière, Naef, 1977-1980, op. cit., vol. II, no. 226). On peut imaginer que les deux artistes se soient échangés, comme présents, leurs oeuvres respectives.
Jean Alaux naît le 15 janvier 1785 à Bordeaux. Fils de peintre, tout comme Ingres, il se forme d'abord chez lui, au contact de son père et de ses frères, qui deviendront également peintres. Après un premier séjour romain à l'Académie de 1816 à 1821, Alaux repart en France, la mort dans l'âme. Il écrit dans l'une de ses correspondances: 'Je pars demain, à mon grand regret, car je quitte la vraie patrie des arts: hors de Rome, il n'y a point de salut' (J.-P. Alaux, Académie de France à Rome, II, Paris, 1933, pp. 191-192). Il ne restera cependant pas longtemps à Paris; dès 1822, son maître, Guérin, accepte la direction de l'Académie à la suite de Thévenin et demande à son élève de s'installer de nouveau dans la Villa Médicis.
En 1827, il épouse Françoise-Virginie Liégeois, veuve de son ami d'enfance Pallière, et également peintre pastelliste. Suivent les plus belles années de la vie de Jean Alaux; en 1830 naît sa fille unique, Jenny-Marie-Blanche. Elle sera emportée par la maladie en 1843, laissant ses parents dans un profond désarroi. Au printemps 1847, Jean Alaux est toutefois nommé directeur de l'Académie de France à Rome. Il le restera jusqu'en 1851, date à laquelle il est nommé à l'Académie des Beaux-Arts de Paris. Son existence se déroule alors paisiblement, conservant toujours cette faculté à admirer et à 'rester jeune dans sa vieillesse' (E. Guillaume, 'Un directeur de l'Académie de France à Rome, M. Jean Alaux', in Revue des deux mondes, Paris, 1890, p. 183). Cette même jeunesse que l'on retrouve de façon si vibrante dans ce portrait dessiné par Ingres.
La présente feuille ne porte ni signature ni date, mais comme le soulignait Naef 'c'est comme si le dessin était signé partout' (op. cit., 1966, p. 264). On peut ajouter que la feuille a été très probablement coupée, si on la compare aux autres habituellement utilisées par Ingres, notamment l'autre portrait daté de 1818 (fig. 2). La provenance -il demeurera dans la famille d'Aline Alaux jusqu'aux années 1960- confirme son attribution.
Il faut aussi noter que le présent dessin a probablement été réalisé par Ingres en observant le modèle à travers un miroir, comme le souligne Naef (op. cit., 1977-1980, p. 285). La boutonnière de la veste est en effet inversée par rapport à la façon dont elle est portée par les hommes: à gauche et non à droite. De plus, si on le compare au portrait exécuté en 1818, la coiffure de Jean Alaux est également inversée.
La période romaine avait établi de forts liens entre les deux artistes. Quand Alaux quitte Rome pour regagner Paris en 1821, il s'arrête à Florence, où il rencontre un ami de jeunesse d'Ingres, Jean-François Gilibert. Dans une lettre à ce dernier, Ingres lui demande:
'Un peu par faiblesse et prédilection pour mon tableau [Jésus remet à Saint Pierre les clefs du Paradis], fais-moi le plaisir de me redire ce que t'en a dit le brave Alaux, autant que tu pourras t'en rappeler. Ce n'a jamais été que par d'autres que j'ai su son opinion sur moi, parce qu'il est assez froid. Mais il m'est toujours avantageux de tout savoir, pour en profiter, s'il y a lieu'
(Naef, 1977-1980, op. cit., p. 281).
Malgré leur différence d'âge et de célébrité, l'avis de son ami Alaux avait toujours autant d'importance aux yeux d'Ingres.
Jean Alaux naît le 15 janvier 1785 à Bordeaux. Fils de peintre, tout comme Ingres, il se forme d'abord chez lui, au contact de son père et de ses frères, qui deviendront également peintres. Après un premier séjour romain à l'Académie de 1816 à 1821, Alaux repart en France, la mort dans l'âme. Il écrit dans l'une de ses correspondances: 'Je pars demain, à mon grand regret, car je quitte la vraie patrie des arts: hors de Rome, il n'y a point de salut' (J.-P. Alaux, Académie de France à Rome, II, Paris, 1933, pp. 191-192). Il ne restera cependant pas longtemps à Paris; dès 1822, son maître, Guérin, accepte la direction de l'Académie à la suite de Thévenin et demande à son élève de s'installer de nouveau dans la Villa Médicis.
En 1827, il épouse Françoise-Virginie Liégeois, veuve de son ami d'enfance Pallière, et également peintre pastelliste. Suivent les plus belles années de la vie de Jean Alaux; en 1830 naît sa fille unique, Jenny-Marie-Blanche. Elle sera emportée par la maladie en 1843, laissant ses parents dans un profond désarroi. Au printemps 1847, Jean Alaux est toutefois nommé directeur de l'Académie de France à Rome. Il le restera jusqu'en 1851, date à laquelle il est nommé à l'Académie des Beaux-Arts de Paris. Son existence se déroule alors paisiblement, conservant toujours cette faculté à admirer et à 'rester jeune dans sa vieillesse' (E. Guillaume, 'Un directeur de l'Académie de France à Rome, M. Jean Alaux', in Revue des deux mondes, Paris, 1890, p. 183). Cette même jeunesse que l'on retrouve de façon si vibrante dans ce portrait dessiné par Ingres.
La présente feuille ne porte ni signature ni date, mais comme le soulignait Naef 'c'est comme si le dessin était signé partout' (op. cit., 1966, p. 264). On peut ajouter que la feuille a été très probablement coupée, si on la compare aux autres habituellement utilisées par Ingres, notamment l'autre portrait daté de 1818 (fig. 2). La provenance -il demeurera dans la famille d'Aline Alaux jusqu'aux années 1960- confirme son attribution.
Il faut aussi noter que le présent dessin a probablement été réalisé par Ingres en observant le modèle à travers un miroir, comme le souligne Naef (op. cit., 1977-1980, p. 285). La boutonnière de la veste est en effet inversée par rapport à la façon dont elle est portée par les hommes: à gauche et non à droite. De plus, si on le compare au portrait exécuté en 1818, la coiffure de Jean Alaux est également inversée.
La période romaine avait établi de forts liens entre les deux artistes. Quand Alaux quitte Rome pour regagner Paris en 1821, il s'arrête à Florence, où il rencontre un ami de jeunesse d'Ingres, Jean-François Gilibert. Dans une lettre à ce dernier, Ingres lui demande:
'Un peu par faiblesse et prédilection pour mon tableau [Jésus remet à Saint Pierre les clefs du Paradis], fais-moi le plaisir de me redire ce que t'en a dit le brave Alaux, autant que tu pourras t'en rappeler. Ce n'a jamais été que par d'autres que j'ai su son opinion sur moi, parce qu'il est assez froid. Mais il m'est toujours avantageux de tout savoir, pour en profiter, s'il y a lieu'
(Naef, 1977-1980, op. cit., p. 281).
Malgré leur différence d'âge et de célébrité, l'avis de son ami Alaux avait toujours autant d'importance aux yeux d'Ingres.