Joan Miró (1893-1983)
Hommage à Jacques Dupin Oeuvres exceptionnelles provenant de sa collection Cher Jacques, par Paul Auster Pour moi il sera toujours et avant tout : Jacques Dupin, poète ; l'un des écrivains les plus puissants et originaux de son temps, dont l'oeuvre survivra bien longtemps après que tous les hommes aujourd'hui vivants aient disparu. Je n'étais qu'un étudiant de vingt ans lorsque je fis connaissance avec son travail, en 1967. Trois ou quatre textes trouvés dans une anthologie de poésie contemporaine française suffirent à me convaincre que j'avais fait une découverte exceptionnelle. Quelques mois plus tard, m'étant enfin procuré son premier recueil important (Gravir, 1963), je fus si impressionné que je me lançai tout naturellement dans la traduction des textes de Dupin. Par pur plaisir. Ce travail s'avéra ambitieux et parfois complexe - ce qui, en réalité, ne fit que le rendre plus excitant encore. Je n'avais alors jamais traduit quoi que ce soit. Un jour (en 1968 peut-être), je lui adressai le fruit de mon travail accompagné d'une courte note, et c'est ainsi que nos échanges commencèrent. Il n'avait à l'époque pas la moindre idée de mon jeune âge. J'étais de vingt ans son cadet. Il m'avoua bien plus tard lors de notre première rencontre en février 1971 qu'il m'avait toujours imaginé comme un professeur d'âge moyen. Je crois qu'il fut au fond satisfait en apprenant mon âge, touché que quelqu'un d'une autre génération, a fortiori non francophone, puisse être à ce point fasciné par son travail. Ce ne fut qu'à cette époque, alors que je m'installai à Paris au début de 1971, que j'appris que Jacques Dupin n'était pas seulement poète, mais menait en parallèle une vie trépidante dans le monde de l'art. Il était non seulement l'un des directeurs de la galerie Maeght (qui à cette époque comptait parmi les plus grandes galeries d'art d'après-guerre au monde) mais aussi l'auteur de nombreux ouvrages sur l'art : son livre sur Giacometti et son impressionnante monographie sur Miro, tous deux publiés au début des années 1960 ; ou encore des essais et textes sur des artistes aussi divers que Malevitch, Tàpies, et Steinberg, pour ne citer qu'eux. Dès notre première rencontre, une amitié solide se noua entre nous. Une amitié qui dura, inaltérée, jusqu'à la mort de Jacques en octobre, près de quarante ans après notre première poignée de main. Mais c'est au début des années 1970, durant les trois années et demi que je passai en France, que notre relation fut la plus intime et la plus soutenue. Et grâce à Jacques, à l'amitié qu'il avait pour moi, je fus introduit dans le monde de l'art, auquel j'étais jusqu'alors parfaitement étranger. J'étais jeune et démuni, toujours à la recherche d'une source de revenu, et par l'entremise de Jacques je me vis offrir la traduction de plusieurs de ses textes sur Miro, pour des catalogues d'expositions tenues dans les lieux les plus prestigieux, tels que le Walker art Center ou la Pierre Matisse Gallery, sans parler des nombreuses monographies écrites par d'autres auteurs et publiées chez Maeght. Ce travail était pour moi vital, me permettant tout simplement de me nourrir, mais ce n'était pas tout. Il y avait aussi les artistes qui me furent présentés par Jacques, et dont certains devinrent des amis chers, en particulier Joan Mitchell et Jean-Paul Riopelle, mais aussi Tàpies, Alechinsky, et le plus fascinant de tous, Miro lui-même, rencontré lors de son 80e anniversaire en 1973. Ce fut également en 1973 que mes traductions des poèmes de Jacques furent prêtes à être publiées. L'année précédente, épaulé par un vieil ami de l'université de Columbia, Mitchell Sisskind, je lançai un magazine littéraire et nous avions décidé de publier nous-même l'ouvrage, premier d'une courte série portant le nom du magazine, Living Hand. Fort de son expérience dans l'édition limitée de livres rares chez Maeght, pour la plupart des collaborations entre peintres et poètes, Jacques nous conseilla de sortir notre propre édition limitée, afin de couvrir les coûts de l'édition classique. C'est ainsi que Jacques obtint de son bon ami Alexander Calder qu'il collabore à cette édition de luxe tirée à cent exemplaires avec une lithographie signée. Et que vit le jour la fascinante oeuvre qui orne aujourd'hui le mur de mon salon, m'emplissant encore aujourd'hui de la même joie qu'alors. Une joie d'autant plus intense qu'elle témoigne de l'infinie bonté et de la générosité sans borne de Jacques. Nous travaillions à l'époque avec un excellent imprimeur de Salisbury, en Angleterre, du nom de Compton Press. Un jour Jacques, ma petite amie et moi-même décidâmes de traverser la Manche pour rendre visite au directeur et discuter de l'impression de l'édition de luxe. Jacques n'avait nulle obligation d'être présent, mais il savait que sa présence et son expérience me seraient utiles. Et elles le furent. Mais tout cela n'était qu'un prétexte. La vraie raison de ce voyage était le simple plaisir de prendre part au projet, de visiter la cathédrale de Salisbury et Stonehenge, de passer un moment ensemble tout en s'occupant de notre joyeuse et modeste affaire. Après avoir flâné entre les pierres gigantesques de ce site druidique pendant une heure ou deux, nous prîmes tous trois le train pour Londres, où nous dînâmes dans un petit restaurant bondé de Soho. Entre l'entrée et le plat, Francis Bacon fit son apparition dans un brouillard d'alcool. Nous étions par hasard assis près de l'entrée, et dès que Bacon aperçut Jacques, il se précipita sur nous, se jeta au cou de celui que je considérai comme le plus grand poète français vivant et dit : " Jacques ! Mon cher Jacques ! Mon cher ami Jacques!". Bacon prit la chaise vide à notre table et, la langue déliée par l'alcool, nous abreuva d'un monologue ininterrompu de trente ou quarante minutes. Ses dispositions étaient excellentes, tout autant sans doute que les liqueurs qui coulaient dans ses veines. Je me souviens avoir beaucoup ri, et m'être amusé follement alors que nous vidions un nombre incalculable de verres, mais je suis en vérité incapable de mon souvenir d'un seul mot prononcé par Bacon ce soir-là. Tout oublié, donc - mais inoubliable. Dear Jacques, by Paul Auster For me, he will always be Jacques Dupin, poet. That above all else: one of the most powerful and original writers of his generation, a poet whose work will continue to be read long after everyone presently on this earth has disappeared. I encountered his work in 1967 when I was a twenty-year-old student. Just three or four poems in a small anthology of contemporary French poetry, but they were enough to convince me that I had stumbled across an extraordinary poet. A couple of months after that, when I was able to get hold of his first major collection (Gravir, 1963), I was so deeply impressed that I spontaneously launched myself into translating Dupin's work. For the pure pleasure of it. The work was challenging and often difficult--but that only increased the pleasure. It was the first time I had ever tried to translate anything. At some point (perhaps 1968), I sent him my English versions of his poems along with a short letter, and we entered into a correspondence. He had no idea that I was scarcely older than a boy, a good twenty years younger than he was. As he told me when we finally met (in February 1971), he had assumed I was a middle-aged professor. I think he was pleased to discover that I was so young, that someone from the next generation--someone, moreover, who wasn't even French--had developed such an ardent interest in his work. It was only then, after my move to Paris in early 1971, that I learned there was more to Jacques Dupin's life than the writing of poetry, that in fact he had a second life, an exceedingly rich life in the world of art. Not just as one of the directors of the Galerie Maeght (surely one of the greatest post-war galleries anywhere in the world), but a prolific writer about art as well. Most notably, his book on Giacometti and his gigantic monograph on Miró, both published in the early sixties. As well as essays and texts on such diverse artists as Malevich, Tàpies, and Steinberg, along with numerous others. After our initial encounter, a friendship rapidly developed between us, a friendship that lasted, unabated, until Jacques' death in October, close to forty-two years after we shook first hands, but it was back in the early seventies, during the three-and-a-half years I spent in France, that we were most regularly and closely in contact. And because of Jacques, because of my friendship with Jacques, a golden door opened and I was able to set foot inside the world of the visual arts, a realm that previously had been unknown to me. I was young and poor, constantly in need of money, and through Jacques' good graces I was hired to translate several of his catalog essays on Miró for such venues as the Walker Art Center and the Pierre Matisse Gallery, not to speak of several monographs on other artists written by other writers published by Editions Maeght. This work was crucial to me, the difference between eating and not eating, but there were also the artists I met through Jacques, which in some cases led to other long and lasting friendships, in particular with Joan Mitchel and Jean-Paul Riopelle, not to mention meetings with Tàpies, Alechinsky, and, most extraordinary of all, Miró himself, on the occasion of his 80th birthday in 1973. It was also in 1973 that my translations of Jacques' poems were at last ready to be published. The previous year I had started a literary magazine with my Columbia University classmate, Mitchell Sisskind, and we decided to publish the book ourselves, the first volume in a short-lived series of books produced under the name of the magazine, Living Hand. Because of his experience as a publisher of fine, limited editions at Maeght--mostly collaborations between poets and painters--Jacques suggested that we put out our own limited, illustrated edition as well, which would help cover the cost of the regular edition. And so it happened that Jacques asked his good friend Alexander Calder to contribute a signed lithograph for a deluxe edition of one hundred copies. And so it was that Calder came through for his friend Jacques and gave us a vibrant, infinitely arresting little work that continues to dance on my living room wall and has never ceased to fill me with delight--a delight made all the more intense by the fact that it is also a sign of Jacques' unremitting goodness and generosity. We were using a printer in Salisbury, England, an excellent outfit called the Compton Press, and one day Jacques, my girlfriend, and I ventured across the Channel together to meet with the head of the firm to discuss the printing of the deluxe edition. It wasn't strictly necessary for Jacques to be there, but as an old hand concerning such matters, he felt that his presence would be helpful--and it was. But that was only an excuse, of course. The real reason for going was simply to participate in the adventure of going, for the chance to see the Salisbury Cathedral and to visit Stonehenge, to spend some time together while taking care of our happy, uncomplicated errand. After wandering around the behemoth stones of the ancient Druid site for an hour or two, we took the train back to London, where the three of us had dinner at a small, crowded restaurant in Soho. Midway between the appetizer and the main course, in staggered Francis Bacon, enveloped in a vaporous cloud of alcohol. We happened to be sitting near the entrance, and when Bacon caught sight of Jacques, he rushed over to our table, threw his arms around the man I considered to be the finest living French poet, and said: "Jacques! My dear Jacques! My dear friend Jacques!" Bacon sat down in the empty chair at our table and for the next thirty or forty minutes, he regaled us with stories in a non-stop drunken monologue. In the best of spirits, to be sure, for the spirits circulating in his bloodstream surely must have been of the highest quality. I remember laughing, I remember enjoying myself enormously as we all downed glass after glass, but the truth is that I can't remember a single word Bacon said. All forgotten, then--but unforgettable.
Joan Miró (1893-1983)

Femme, oiseaux

細節
Joan Miró (1893-1983)
Femme, oiseaux
signé 'Miró' (en bas à droite); daté et titré '2/VIII/75 Femme, oiseaux' (au revers)
crayon gras, encre de Chine et lavis d'encre sur papier
89.1 x 178.9 cm. (35 x 70 3/8 in.)
Exécuté le 2 août 1975
來源
Jacques Dupin, Paris (don de l'artiste).
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'Femme, oiseaux'; signed lower right; dated and titled on the reverse; wax crayon, India ink and ink wash on paper; executed on 2 August 1975.

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