拍品專文
Base de données de la Fondation Alberto et Annette Giacometti, no. AGD 1022.
Base de données de l'Association Alberto et Annette Giacometti, no. S-2008-15.
La conception singulière qu'avait Giacometti pour la sculpture est manifeste dans Femme debout, oeuvre marquée par le recours caractéristique du sculpteur à une échelle réduite et une surface tourmentée. L'artiste utilisait ces deux éléments propres à son langage visuel pour associer dans ses sculptures présence physique et distance psychologique.
Mesurant à peine plus de trente centimètres, Femme debout traduit la théorie de l'artiste selon laquelle les sculptures les plus influentes ont toujours été réalisées à petite échelle : "La quasi-totalité des sculptures majeures, dans toutes les civilisations anciennes, sont dans l'ensemble petites. Qu'elles soient égyptiennes, sumériennes, chinoises ou préhistoriques, elles ont presque toujours plus ou moins la même dimension" (Entretien de l'artiste avec D. Sylvester, automne 1964, cité in Thirteen Bronzes, Alberto Giacometti, catalogue d'exposition, Londres, Thomas Gibson Fine Art Ltd, 1977, p. 8).
En s'inspirant davantage de l'art antique que de celui de ses prédécesseurs immédiats, Giacometti pensait être plus à même de briser ce qu'il considérait comme le "carcan" de la tradition de la sculpture réaliste. Depuis la période grecque classique, les sculpteurs avaient produit des oeuvres représentant le monde tel qu'ils le connaissaient précisément : une tête de forme cylindrique, un corps parfaitement proportionné. La vision mesurée du monde était devenue la norme, cependant, Giacometti avait l'impression que cela troublait la véritable nature de la perception. Ce qui l'intéressait, c'était de montrer la manière dont les objets étaient effectivement perçus plutôt que celle dont ils étaient traditionnellement représentés : le sens humain de la vue reposant sur la capacité à saisir les objets dans l'espace, sans nécessairement fournir une échelle de mesure rationnelle. La perception, de ce fait, était une expérience visuelle plus que conceptuelle.
Femme debout appartient à l'une des séries les plus connues de l'artiste, consacrée aux figures féminines debout, à travers laquelle il explora en profondeur sa conception de la perception. En termes de vérité de l'expérience visuelle, Giacometti évoquait la silhouette féminine de la manière suivante : "Quand je suis assis à la terrasse d'un café et que je regarde les passants sur le trottoir d'en face, je les vois tout petits, comme de minuscules petites statuettes, et je trouve cela merveilleux. Mais il m'est impossible d'imaginer que c'est leur véritable taille. À cette distance, ils ne sont guère plus qu'une apparence... Si je regarde une femme qui passe sur le trottoir d'en face et que je la vois toute petite, mon champ de vision s'élargit considérablement. Je vois un vaste espace, presque infini, au-dessus et autour de cette femme". (op. cit.).
En intégrant cette notion d'espace à son oeuvre, Giacometti a, par la force des choses, vu rétrécir l'échelle de ses sujets. Le volume d'espace nécessaire pour représenter correctement un personnage fait que le personnage lui-même finit par paraître comprimé mais, ce faisant, la sculpture gagne proportionnellement en présence, et occupe donc davantage l'espace. Ses personnages rapetissaient au fur et à mesure que Giacometti cherchait à retenir l'idée de volume et perdaient par ailleurs en épaisseur à mesure que le sculpteur s'efforçait de conserver leur taille.
La surface rugueuse et grêlée des sculptures de Giacometti découle également de son désir de représenter le sujet tel qu'il est vu, dans l'espace. Si le contour d'un objet reste flou, alors il occupe davantage l'espace environnant et possède une qualité moins statique, moins aboutie. La Femme debout présentée ici possède une surface noueuse, recouverte d'une épaisse patine, presque végétale dans son aspect, toute irisée de verts vifs et d'or intense.
La série des femmes debout, conjointement à celle des hommes qui marchent, a valu au sculpteur une reconnaissance internationale, du fait de leur conception inédite de la distorsion et de la déconstruction. Radicalement modernes, elles constituent un pont à travers les siècles, dans la mesure où elles parviennent à évoquer le souvenir de l'homme de l'Antiquité.
Giacometti's singular approach to sculpture is demonstrated in Femme debout through the characteristic use of pared-down scale and tormented surface. Both aspects form part of the artist's distinctive visual vocabulary through which he sought to combine a physical presence with a psychological distance in his sculptures.
With a height of just over 30 cm. (12. in.), Femme debout conforms to the artist's theory that the most significant sculpture was that created on a smaller scale: "The crucial sculptures of any of the ancient civilisations are small in scale on the whole - almost all of them. Whether Egyptian or Sumerian or Chinese or Pre-historic, they're almost always more or less the same size." (The artist in conversation with D. Sylvester, Autumn 1964, quoted in Thirteen Bronzes, Alberto Giacometti, exhibition catalogue, London, Thomas Gibson Fine Art Ltd, 1977, p. 8).
In identifying with ancient art rather than that of his immediate predecessors, Giacometti felt he was more likely to break free from what he considered the 'slavery' of the tradition of realistic sculpture. Since Classical Greece, sculptors had been producing work which represented the world as they knew it to be: a head of cylindrical volume, a perfectly proportioned body. A measured vision of the world had become the norm, but to Giacometti's sense this obscured the true nature of perception. His interest lay in showing how objects were actually perceived rather than how they were traditionally represented: the human sense of vision consisting of the ability to register objects in space, and not necessarily to provide a rational degree of measurement. Perception was thereby a visual rather than a conceptual experience.
Femme debout belongs to one of the artist's most celebrated series, that of the standing woman, through which he fully explored his approach to perception. In terms of a true visual experience, Giacometti identified the figure of a woman in the following terms: "When I'm outside a cafe and see people passing on the opposite pavement, I see them very small, as tiny little statuettes, which I find marvelous. But it's impossible for me to imagine that they're life size; they become no more than appearances at that distance...if I look at a woman on the opposite pavement and I see her all small, my field of vision becomes much larger. I see a vast space above and around that is almost limitless". (op cit p. 8)
By incorporating this sense of space into his work, Giacometti inevitably saw the scale of his subjects diminish. The volume of space needed to correctly portray a figure meant that the figure itself comes to seem compressed, yet as it does so the sculpture correspondingly acquires more presence and therefore dominates more space. His figures became smaller as he sought to retain a sense of volume, and they also became narrower as he strove to maintain their height.
The rough and pitted surface of Giacometti's sculpted work is also a result of his desire to portray a figure as one sees it, in space. If the outline of an object remains undefined then it occupies more of the surrounding space and has a less static, or overly-finished presence. The present cast of Femme debout displays an intricate surface and has been given a rich patina, almost organic in appearance with its vibrant greens and rich gold highlights.
Together with the artist's concurrent series of walking men, the standing women series brought the artist to international acclaim thanks to their unprecedented approach to distortion and deconstruction. Radically modern in their approach, they constitute a bridging of the centuries in their ability to recall the art of ancient man.
Base de données de l'Association Alberto et Annette Giacometti, no. S-2008-15.
La conception singulière qu'avait Giacometti pour la sculpture est manifeste dans Femme debout, oeuvre marquée par le recours caractéristique du sculpteur à une échelle réduite et une surface tourmentée. L'artiste utilisait ces deux éléments propres à son langage visuel pour associer dans ses sculptures présence physique et distance psychologique.
Mesurant à peine plus de trente centimètres, Femme debout traduit la théorie de l'artiste selon laquelle les sculptures les plus influentes ont toujours été réalisées à petite échelle : "La quasi-totalité des sculptures majeures, dans toutes les civilisations anciennes, sont dans l'ensemble petites. Qu'elles soient égyptiennes, sumériennes, chinoises ou préhistoriques, elles ont presque toujours plus ou moins la même dimension" (Entretien de l'artiste avec D. Sylvester, automne 1964, cité in Thirteen Bronzes, Alberto Giacometti, catalogue d'exposition, Londres, Thomas Gibson Fine Art Ltd, 1977, p. 8).
En s'inspirant davantage de l'art antique que de celui de ses prédécesseurs immédiats, Giacometti pensait être plus à même de briser ce qu'il considérait comme le "carcan" de la tradition de la sculpture réaliste. Depuis la période grecque classique, les sculpteurs avaient produit des oeuvres représentant le monde tel qu'ils le connaissaient précisément : une tête de forme cylindrique, un corps parfaitement proportionné. La vision mesurée du monde était devenue la norme, cependant, Giacometti avait l'impression que cela troublait la véritable nature de la perception. Ce qui l'intéressait, c'était de montrer la manière dont les objets étaient effectivement perçus plutôt que celle dont ils étaient traditionnellement représentés : le sens humain de la vue reposant sur la capacité à saisir les objets dans l'espace, sans nécessairement fournir une échelle de mesure rationnelle. La perception, de ce fait, était une expérience visuelle plus que conceptuelle.
Femme debout appartient à l'une des séries les plus connues de l'artiste, consacrée aux figures féminines debout, à travers laquelle il explora en profondeur sa conception de la perception. En termes de vérité de l'expérience visuelle, Giacometti évoquait la silhouette féminine de la manière suivante : "Quand je suis assis à la terrasse d'un café et que je regarde les passants sur le trottoir d'en face, je les vois tout petits, comme de minuscules petites statuettes, et je trouve cela merveilleux. Mais il m'est impossible d'imaginer que c'est leur véritable taille. À cette distance, ils ne sont guère plus qu'une apparence... Si je regarde une femme qui passe sur le trottoir d'en face et que je la vois toute petite, mon champ de vision s'élargit considérablement. Je vois un vaste espace, presque infini, au-dessus et autour de cette femme". (op. cit.).
En intégrant cette notion d'espace à son oeuvre, Giacometti a, par la force des choses, vu rétrécir l'échelle de ses sujets. Le volume d'espace nécessaire pour représenter correctement un personnage fait que le personnage lui-même finit par paraître comprimé mais, ce faisant, la sculpture gagne proportionnellement en présence, et occupe donc davantage l'espace. Ses personnages rapetissaient au fur et à mesure que Giacometti cherchait à retenir l'idée de volume et perdaient par ailleurs en épaisseur à mesure que le sculpteur s'efforçait de conserver leur taille.
La surface rugueuse et grêlée des sculptures de Giacometti découle également de son désir de représenter le sujet tel qu'il est vu, dans l'espace. Si le contour d'un objet reste flou, alors il occupe davantage l'espace environnant et possède une qualité moins statique, moins aboutie. La Femme debout présentée ici possède une surface noueuse, recouverte d'une épaisse patine, presque végétale dans son aspect, toute irisée de verts vifs et d'or intense.
La série des femmes debout, conjointement à celle des hommes qui marchent, a valu au sculpteur une reconnaissance internationale, du fait de leur conception inédite de la distorsion et de la déconstruction. Radicalement modernes, elles constituent un pont à travers les siècles, dans la mesure où elles parviennent à évoquer le souvenir de l'homme de l'Antiquité.
Giacometti's singular approach to sculpture is demonstrated in Femme debout through the characteristic use of pared-down scale and tormented surface. Both aspects form part of the artist's distinctive visual vocabulary through which he sought to combine a physical presence with a psychological distance in his sculptures.
With a height of just over 30 cm. (12. in.), Femme debout conforms to the artist's theory that the most significant sculpture was that created on a smaller scale: "The crucial sculptures of any of the ancient civilisations are small in scale on the whole - almost all of them. Whether Egyptian or Sumerian or Chinese or Pre-historic, they're almost always more or less the same size." (The artist in conversation with D. Sylvester, Autumn 1964, quoted in Thirteen Bronzes, Alberto Giacometti, exhibition catalogue, London, Thomas Gibson Fine Art Ltd, 1977, p. 8).
In identifying with ancient art rather than that of his immediate predecessors, Giacometti felt he was more likely to break free from what he considered the 'slavery' of the tradition of realistic sculpture. Since Classical Greece, sculptors had been producing work which represented the world as they knew it to be: a head of cylindrical volume, a perfectly proportioned body. A measured vision of the world had become the norm, but to Giacometti's sense this obscured the true nature of perception. His interest lay in showing how objects were actually perceived rather than how they were traditionally represented: the human sense of vision consisting of the ability to register objects in space, and not necessarily to provide a rational degree of measurement. Perception was thereby a visual rather than a conceptual experience.
Femme debout belongs to one of the artist's most celebrated series, that of the standing woman, through which he fully explored his approach to perception. In terms of a true visual experience, Giacometti identified the figure of a woman in the following terms: "When I'm outside a cafe and see people passing on the opposite pavement, I see them very small, as tiny little statuettes, which I find marvelous. But it's impossible for me to imagine that they're life size; they become no more than appearances at that distance...if I look at a woman on the opposite pavement and I see her all small, my field of vision becomes much larger. I see a vast space above and around that is almost limitless". (op cit p. 8)
By incorporating this sense of space into his work, Giacometti inevitably saw the scale of his subjects diminish. The volume of space needed to correctly portray a figure meant that the figure itself comes to seem compressed, yet as it does so the sculpture correspondingly acquires more presence and therefore dominates more space. His figures became smaller as he sought to retain a sense of volume, and they also became narrower as he strove to maintain their height.
The rough and pitted surface of Giacometti's sculpted work is also a result of his desire to portray a figure as one sees it, in space. If the outline of an object remains undefined then it occupies more of the surrounding space and has a less static, or overly-finished presence. The present cast of Femme debout displays an intricate surface and has been given a rich patina, almost organic in appearance with its vibrant greens and rich gold highlights.
Together with the artist's concurrent series of walking men, the standing women series brought the artist to international acclaim thanks to their unprecedented approach to distortion and deconstruction. Radically modern in their approach, they constitute a bridging of the centuries in their ability to recall the art of ancient man.