拍品專文
« En fait je ne veux pas faire un monochrome ! Je ne veux pas réaliser un carré qui ne serait rien d’autre qu’un carré. »
“Well I don’t want to make a monochrome! I don’t want to make a square that’s all one thing.”
— JAMES BISHOP
Entamant une réflexion sur la peinture dès son passage au Black Mountain College en 1953, James Bishop adopte rapidement une position critique vis-à-vis de l’expressionnisme abstrait, auquel il est introduit par ceux qui sont alors ses professeurs : Willem De Kooning, Franz Kline, Philip Guston ou encore Robert Motherwell. Formé dans cette université expérimentale qui a tant marqué l’histoire de l’art du XXe siècle, il décide en 1957 de partir en Europe et, après avoir séjourné en Suisse, en Italie et en Grèce, s’installe définitivement à Paris en 1958.
La distance géographique ainsi créée vis-à-vis des Etats-Unis lui permet de remettre en question la peinture américaine, et en particulier les notions de gigantisme et d’ostentation de la couleur. Ainsi, après une première expérimentation de l’Action Painting, dont il conserve l’intérêt pour le geste, Bishop se consacre entièrement à une recherche spatiale et formelle et, dès 1964, adopte le format carré, toujours à échelle humaine, et un processus invariable selon lequel la couleur est répandue librement sur la surface de la toile directement posée au sol.
Peint en 1964, année éminemment charnière pour l’artiste, For Viola Farber est représentatif de cette construction architecturale de l’espace où la couleur, prônée par l’expressionnisme abstrait, est mise à l’épreuve de la géométrie et du format carré en tant que forme originelle neutre, apprise notamment auprès d’Albers. Néanmoins, chez Bishop la rigueur constructive cohabite toujours avec l’émotion, comme le suggère le titre de l’oeuvre, qui de nouveau fait écho aux années que l’artiste a passées au Black Mountain College. En 1953, il y rencontre en effet Viola Farber, célèbre danseuse et chorégraphe américaine, qui sera l’un des membres fondateurs de la Merce Cunningham Company, créée cette même année. Farber oeuvre à l’époque à la transition conceptuelle entre danse moderne et danse contemporaine et gravite autour d’autres élèves, tels que John Cage, Merce Cunningham, Robert Rauschenberg ou Jasper Johns. Ce dernier, enchanté par sa technique de danse profondément avant-gardiste, lui consacre une oeuvre en 1961, intitulée Crises – Viola Farber Portrait.
Bishop éprouve à son tour le désir de réaliser le portrait de la danseuse, très probablement après l’avoir vue en 1964 à Paris, lors de la tournée mondiale de la Merce Cunningham Company. Personnalité emblématique de la troupe, elle enflamme alors la scène parisienne dans le célèbre ballet Crises, vêtue d’un costume aux différentes nuances de rouge conçu par Robert Rauschenberg. La chorégraphie «non représentative» de Cunningham, qui met l’accent sur le mouvement des danseurs - sans narration ou idée préconçue - et encourage le hasard dans ses compositions, apparaît alors comme un parallèle évident à l’évolution de la peinture à cette époque et son défi des conventions. For Viola Farber constitue en ce sens, en même temps que le premier pas d’un langage visuel inédit dans l’art de Bishop, un témoignage vibrant de l’amitié artistique et de la convergence fertile entre la danse et la peinture contemporaine au milieu du XXe siècle.
Since his time at Black Mountain College in 1953, James Bishop has pondered the process of painting and quite soon adopted a critical approach to abstract expressionism, to which he was introduced there, having William De Kooning, Franz Kline, Philippe Guston and Robert Motherwell as professors. Brought up in this highly experimental school, that would have such a significant impact on the 20th century art, in 1957 he decides to leave for Europe and after short stays in Switzerland, Italy and Greece, he settles in Paris in 1958, where he still lives today.
The distance from the United States enables him to call American painting into question with its notion of giant scale and flamboyant colours. After some early experiments with Action Painting, from which he has retained an interest in the act itself, Bishop devotes himself entirely to an investigation of space and form. Since 1964 he adopts a square format, always of a human scale, and an unvarying process in which colour is spread freely over the surface by raising the edges of the canvas, placed on the floor.
Executed in 1964, a pivotal year for Bishop, For Viola Farber is emblematic of this architectural construction of the space, in which colour, extolled by abstract expressionism, is put to the test of the geometry and the square format as an original neutral form, learned primarily from Albers.
Nonetheless, in Bishop’s work, constructive rigour is always found together with emotion, as suggests the title of the present work, which takes us back again to the years the artist spent at Black Mountain. In 1953 he met there Viola Farber, a famous American dancer and choreographer, who would be one of the founding members of the Merce Cunningham Company, created that same year at Black Mountain College. She was then working on the conceptual transition between modern and contemporary dance, spending her time with other alumni like John Cage and Merce Cunningham, Robert Rauschenberg and Jasper Johns. The latter, enchanted by her profoundly avant-garde dance technique, dedicates a work to her in 1961 entitled Crises – Viola Farber Portrait.
Bishop was in his turn inspired to paint a portrait of Farber most probably after seing her in Paris in 1964, during the Merce Cunningham Company world tour. One of the great individualists of the company, she then set the Paris stage alight in the famous ballet Crises, dressed in a costume of different shades of red designed by Robert Rauschenberg. Cunningham’s “unrepresentative” choreography, which put the emphasis on the movement of the dancers, without any narrative or underlying idea, and encouraged chance in the dance compositions, then appeared to be an obvious parallel to the evolution of painting in that period and its challenge of the conventions. In this sense, For Viola Farber could be considered not only as the first step in a completely new visual language in Bishop’s art, but also as a vibrant evidence of the artistic friendship and mutually enriching closeness between dance and contemporary painting in the mid 20th century.
“Well I don’t want to make a monochrome! I don’t want to make a square that’s all one thing.”
— JAMES BISHOP
Entamant une réflexion sur la peinture dès son passage au Black Mountain College en 1953, James Bishop adopte rapidement une position critique vis-à-vis de l’expressionnisme abstrait, auquel il est introduit par ceux qui sont alors ses professeurs : Willem De Kooning, Franz Kline, Philip Guston ou encore Robert Motherwell. Formé dans cette université expérimentale qui a tant marqué l’histoire de l’art du XXe siècle, il décide en 1957 de partir en Europe et, après avoir séjourné en Suisse, en Italie et en Grèce, s’installe définitivement à Paris en 1958.
La distance géographique ainsi créée vis-à-vis des Etats-Unis lui permet de remettre en question la peinture américaine, et en particulier les notions de gigantisme et d’ostentation de la couleur. Ainsi, après une première expérimentation de l’Action Painting, dont il conserve l’intérêt pour le geste, Bishop se consacre entièrement à une recherche spatiale et formelle et, dès 1964, adopte le format carré, toujours à échelle humaine, et un processus invariable selon lequel la couleur est répandue librement sur la surface de la toile directement posée au sol.
Peint en 1964, année éminemment charnière pour l’artiste, For Viola Farber est représentatif de cette construction architecturale de l’espace où la couleur, prônée par l’expressionnisme abstrait, est mise à l’épreuve de la géométrie et du format carré en tant que forme originelle neutre, apprise notamment auprès d’Albers. Néanmoins, chez Bishop la rigueur constructive cohabite toujours avec l’émotion, comme le suggère le titre de l’oeuvre, qui de nouveau fait écho aux années que l’artiste a passées au Black Mountain College. En 1953, il y rencontre en effet Viola Farber, célèbre danseuse et chorégraphe américaine, qui sera l’un des membres fondateurs de la Merce Cunningham Company, créée cette même année. Farber oeuvre à l’époque à la transition conceptuelle entre danse moderne et danse contemporaine et gravite autour d’autres élèves, tels que John Cage, Merce Cunningham, Robert Rauschenberg ou Jasper Johns. Ce dernier, enchanté par sa technique de danse profondément avant-gardiste, lui consacre une oeuvre en 1961, intitulée Crises – Viola Farber Portrait.
Bishop éprouve à son tour le désir de réaliser le portrait de la danseuse, très probablement après l’avoir vue en 1964 à Paris, lors de la tournée mondiale de la Merce Cunningham Company. Personnalité emblématique de la troupe, elle enflamme alors la scène parisienne dans le célèbre ballet Crises, vêtue d’un costume aux différentes nuances de rouge conçu par Robert Rauschenberg. La chorégraphie «non représentative» de Cunningham, qui met l’accent sur le mouvement des danseurs - sans narration ou idée préconçue - et encourage le hasard dans ses compositions, apparaît alors comme un parallèle évident à l’évolution de la peinture à cette époque et son défi des conventions. For Viola Farber constitue en ce sens, en même temps que le premier pas d’un langage visuel inédit dans l’art de Bishop, un témoignage vibrant de l’amitié artistique et de la convergence fertile entre la danse et la peinture contemporaine au milieu du XXe siècle.
Since his time at Black Mountain College in 1953, James Bishop has pondered the process of painting and quite soon adopted a critical approach to abstract expressionism, to which he was introduced there, having William De Kooning, Franz Kline, Philippe Guston and Robert Motherwell as professors. Brought up in this highly experimental school, that would have such a significant impact on the 20th century art, in 1957 he decides to leave for Europe and after short stays in Switzerland, Italy and Greece, he settles in Paris in 1958, where he still lives today.
The distance from the United States enables him to call American painting into question with its notion of giant scale and flamboyant colours. After some early experiments with Action Painting, from which he has retained an interest in the act itself, Bishop devotes himself entirely to an investigation of space and form. Since 1964 he adopts a square format, always of a human scale, and an unvarying process in which colour is spread freely over the surface by raising the edges of the canvas, placed on the floor.
Executed in 1964, a pivotal year for Bishop, For Viola Farber is emblematic of this architectural construction of the space, in which colour, extolled by abstract expressionism, is put to the test of the geometry and the square format as an original neutral form, learned primarily from Albers.
Nonetheless, in Bishop’s work, constructive rigour is always found together with emotion, as suggests the title of the present work, which takes us back again to the years the artist spent at Black Mountain. In 1953 he met there Viola Farber, a famous American dancer and choreographer, who would be one of the founding members of the Merce Cunningham Company, created that same year at Black Mountain College. She was then working on the conceptual transition between modern and contemporary dance, spending her time with other alumni like John Cage and Merce Cunningham, Robert Rauschenberg and Jasper Johns. The latter, enchanted by her profoundly avant-garde dance technique, dedicates a work to her in 1961 entitled Crises – Viola Farber Portrait.
Bishop was in his turn inspired to paint a portrait of Farber most probably after seing her in Paris in 1964, during the Merce Cunningham Company world tour. One of the great individualists of the company, she then set the Paris stage alight in the famous ballet Crises, dressed in a costume of different shades of red designed by Robert Rauschenberg. Cunningham’s “unrepresentative” choreography, which put the emphasis on the movement of the dancers, without any narrative or underlying idea, and encouraged chance in the dance compositions, then appeared to be an obvious parallel to the evolution of painting in that period and its challenge of the conventions. In this sense, For Viola Farber could be considered not only as the first step in a completely new visual language in Bishop’s art, but also as a vibrant evidence of the artistic friendship and mutually enriching closeness between dance and contemporary painting in the mid 20th century.